Résumé : Gauthier, un jeune seigneur épouse la femme dont il est amoureux depuis l’enfance, un mariage d’amour dans des temps où ce n’est pas monnaie courante. Seulement Julia a un secret, une boite…
Genre : Mystère, Tragédie
Rating : K+
Note : Ecrit pour les Nuits du FoF, 60 minutes pour un thème "
Boite"
Depuis aussi longtemps qu’il connaissait Julia, Gauthier l’avait toujours vue avec cette boite. Contrairement aux coffrets des autres femmes, celui de Julia n’était pas fait de bois ni délicatement ouvragé. Il était fait de métal comme son armure de chevalier et le cadenas qui le fermait était aussi solide que la plus sûre des ceintures de chasteté.
Elle était arrivée avec la boite dès le soir de leurs noces et l’avait posée sur la table de chevet. Depuis, elle n’en avait pas bougé.
Allongé sur le lit, Gauthier se pencha sur la boite et en effleura la froideur métallique. De temps en temps, lorsqu’il était seul, il se demandait ce qu’elle pouvait contenir. Des fleurs séchées ? Des souvenirs de petite fille ? Des lettres d’amoureux ? Cette dernière idée le rendait fou de jalousie même si, connaissant Julia depuis l’enfance, il ne lui avait jamais d’autres prétendants que lui. Pourtant la boite l’intriguait. Cela faisait trois mois qu’ils étaient mariés et il ne l’avait jamais vue l’ouvrir même s’il savait qu’elle le faisait de temps à autres, lorsqu’elle était seule.
Les mains blanches et douces de Julia l’enlacèrent et Gauthier oublia la boite pour serrer sa femme dans ses bras.
« Tu semblais si sérieux. Que t’arrive-t-il donc ?
- Quelques paysans qui me donnent des ennuis, tu connais les serfs, ils passent leurs temps en querelles qu’il me faut trancher.
- Mais c’est le devoir de tout Seigneur mon chevalier, » sourit Julia.
Gauthier sourit et lui baisa la main.
« C’est vrai, mais j’aimerais qu’ils me laissent plus de temps à consacrer à ma Dame. »
Julia sourit et ses yeux se posèrent sur la boite.
« Tu n’y as pas touché n’est-ce pas ? »
Gauthier s’inclina.
« Pas une seule fois, pourtant j’aimerais savoir ce qu’elle contient. Des fleurs ? Des breloques ? Plaisanta-t-il.
- C’est mon secret, je t’interdis d’y toucher. Répondit Julia. Du reste tu n’arriverais pas à l’ouvrir. »
Gauthier se crispa tandis qu’elle l’embrassait légèrement pour compenser la sécheresse de ses paroles.
Un an s’écoula.
La boite était toujours là et Gauthier savait maintenant que Julia l’ouvrait chaque jour lorsqu’elle était seule. Pourtant, sa femme persistait à se dérober à ses justes questions et il grillait de savoir ce qu’elle y dissimulait.
Julia pénétra dans la pièce et une moue contrariée tordit sa bouche en découvrant Gauthier penché sur son coffret.
« Que fais-tu ?
- Rien, je la regarde, » rétorqua son mari.
Julia soupira et s’approcha de lui.
« Tes vassaux nous attendent dans la grande salle, rejoignons les et oublions cette boite.
- Pourquoi ne t’en débarrasserais tu pas ?
- Pourquoi ne l’oublierais tu pas ? » Rétorqua Julia.
Gauthier regarda sa femme. S’il avait été un autre, n’importe lequel de ses voisins ou s’il n’avait pas connu et aimé Julia depuis l’enfance, il aurait exigé qu’elle ouvre la boite. Mais Julia était sa Dame et sa fidèle amie depuis toujours et jamais rien dans son comportement n’avait pu l’offenser dans son amour ou dans son orgueil aussi Gauthier se contenta-t-il de l’embrasser sur la joue.
« Je m’y emploierais ma mie. »
Deux nouvelles années s’écoulèrent.
Dans le château de Gauthier, rien n’avait bougé. Ni la boite, ni le ventre de sa Dame. Leur union, pourtant plus heureuse que la plupart de celles de leurs voisins, était restée stérile.
Julia semblait l’avoir accepté mais Gauthier, lui, ne parvenait pas à s’y résoudre. Il prit l’habitude de consulter un mage que l’on disait un peu sorcier. Sous ses indications, il essaya toutes les recettes et les enchantements pour concevoir. Sans succès.
Finalement, vexé par l’inefficacité de ses potions et recettes, le mage prétendit que sa magie était contrée par celle, plus forte, d’une sorcière. Il demanda à Gauthier si sa femme possédait un objet spécial, quelque chose susceptible de contenir un sort. Alors, bien sûr, Gauthier se rappela la boite que Julia ouvrait chaque jour lorsqu’elle était seule et qu’il s’était efforcé d’oublier comme il le lui avait promis.
Le mage fut sans hésitation. Il fallait ouvrir la boite et briser le sort qui empêchait l’enfantement.
Gauthier hésita trois jours durant.
Puis Julia du s’absenter pour visiter une domestique malade qui requerrait la bonté de la dame du château.
Alors Gauthier songea à tous ses espoirs déçus, à son désir d’enfant et oublia sa promesse à sa tendre Julia. A peine fut elle sortie du château qu’il se précipita vers la boite et en brisa le cadenas, les mains tremblantes à l’idée qu’elle ait pu être assez trompeuse pour faire en sorte de le priver d’enfant.
Lorsqu’il ouvrit la boite pour en examiner le contenu, Gauthier découvrit qu’elle était vide. Le jeune seigneur se troubla. Pourquoi un tel secret pour une boite vide ???
C’est alors qu’il entendit le cri.
Julia venait de mourir. Elle s’était écroulée au milieu de la cour pavée du château, les lèvres exsangues et la peau livide.
Le guérisseur qui tenta en vain de la ranimer annonça à Gauthier qu’elle était grosse mais que ni la mère, ni l’enfant n’avaient survécu. Fou de douleur, Gauthier se rua vers le mage qui l’avait si mal conseillé. Mais l’échoppe était déserte et le sorcier envolé.
Le jeune seigneur retourna au château, la tête basse en maudissant le sort qui lui avait pris sa femme.
Un an s’écoula et Gauthier épousa Mathilde, une jeune étrangère. Mathilde n’avait pas de boite et Gauthier s’en félicita secrètement.
Les années passèrent, Mathilde donna de beaux enfants à Gauthier et en perdit d’autres.
Un jour, Gauthier revit la boite qu’il avait jetée dans un coin à la mort de Julia.
« Que fait-elle ici ? » Demanda-t-il d’un ton rogue.
Mathilde se tourna vers lui et rit.
« C’est justement ce que j’allais te demander, comment se fait-il que tu possèdes une de ces boites ?
- Que veux-tu dire ?
- Que dans mon pays, on dit qu’elles servent à enfermer les années de vie de celui qui la possède. Il doit l’ouvrir chaque jour pour y puiser ses forces mais si un autre l’ouvre alors ses années s’envolent. » Plaisanta-t-elle.
Gauthier pâlit et elle sourit.
« Ce n’est qu’une légende mon ami.
- Dis-m’en plus. » Ordonna Gauthier d’une voix blanche.
Un peu troublée, Mathilde obéit pourtant.
« Et bien on dit que le mage Lucius en a fabriqué et envoyé à ses ennemis afin de maudire leur descendance. »
Gauthier blêmit un peu plus et ferma les yeux. Le mage Lucius, la boite, le soin jaloux que Julia prenait du coffret depuis son enfance… Sa mort à l’instant où il l’avait ouverte.
« Ça ne va pas ? » S’inquiéta Mathilde.
Le cœur de Gauthier, lourd de chagrin et de culpabilité s’arrêta de battre d’un coup et Mathilde reçut son mari mort dans ses bras.
Son premier geste une fois devenue veuve et châtelaine fut de jeter la boite de Julia… Elle avait beau ne pas croire aux légendes, elle préférait ne pas tenter le sort.
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Sk8euzenherb (mardi, 10 janvier 2012 14:55)
C'est tout tristounet =(
Mais toujours aussi bein écrit. Bravo
JessSwann (mardi, 10 janvier 2012 15:57)
Ah en même temps je ne fais jamais trop dans le joyeux hem
Merci pour ton comm et ta lecture :)
Ladypirate (jeudi, 12 janvier 2012 01:01)
Je suis vraiment impressionnée par ton imagination et ton style d'écriture !!
J'adore cette histoire, entre mythologie et conte :)
JessSwann (jeudi, 12 janvier 2012 08:11)
Merci beaucoup, contente qu'elle t'ai plue, effectivement j'ai tenté l'entrée conte :)