Le Premier Ordre,
Le travail qu’on lui demandait était simple mais Kaydel s’y attelait avec vigilance, consciente que les missions de décryptages mineures qui lui étaient confiées étaient un test. De ses compétences mais aussi de sa fiabilité. Elle s’y était attendue. Avoir réussi à passer la barrière du sergent recruteur n’était qu’une étape. Il lui restait encore beaucoup d’échelons à gravir avant d’être en mesure de fournir des renseignements intéressants à la Résistance ou de mettre la main sur la carte menant à Luke.
Sans laisser transparaitre son ennui, elle se replongea dans le document que le lieutenant Stynnix lui avait confié. Casser le code était d’une simplicité enfantine et, tout en lisant, Kaydel remarqua que les plans qui y étaient décrits étaient ceux d’une opération menée plusieurs mois auparavant par la cellule résistante conduite par Brance. La jeune femme avala sa salive et s’efforça de faire taire l’angoisse qui sourdait en elle. Avait-elle si bien réussi le test qu’elle le croyait ? Du coin de l’œil, elle s’avisa que sa collègue la plus proche, Miskin, dont elle partageait les quartiers, l’observait.
« Tu as l’air troublée, Cottbick, un problème ? »
Kaydel réfléchit à toute vitesse. L’opération menée par Brance s’était terminée en fiasco et seules les autres factions de la Résistance en avait eu connaissance. A présent, elle comprenait pourquoi : le Premier Ordre avait très probablement infiltré la base du major. Une nouvelle qui n’était pas faite pour la rassurer. Elle répondit, histoire de se donner du temps pour réfléchir.
« Je ne sais pas trop, je suis tombée sur un truc… On dirait que la Résistance prépare quelque chose. »
Miskin se leva et vint la rejoindre, faisant craquer son dos au passage.
« Les ordres sont clairs, Cottbick. Il faut faire remonter toute suspicion d’actes terroristes à nos supérieurs. »
Kaydel hocha la tête.
« C’est vrai, c’est juste que je n’ai pas autant l’habitude que toi, j’ai peur de me tromper et de faire perdre son temps à la lieutenante.
— Avec ces raclures de résistants, mieux vaut être prudents, » lâcha Miskin.
Kaydel opina du chef, bouillant intérieurement et rejoignit sa supérieure. Lusica Stynnix était une femme maigre aux traits anguleux et Kaydel aurait pu jurer qu’elle ne l’avait jamais vue sourire depuis son arrivée.
« Lieutenante, je crois que je suis tombée sur quelque chose, » déclara Kaydel d’un ton inquiet.
La femme tourna son visage menu vers elle et haussa le sourcil. Comprenant ce qu’elle attendait d’elle, Kaydel lui résuma rapidement les éléments les plus saillants du message. Elle devait faire attention de ne pas trop en dire, une mémorisation parfaite pourrait faire penser que les éléments lui étaient déjà connus. Stynnix l’écouta silencieusement puis :
« Bon travail, Cottbick. »
Pas de « nous allons nous en occuper » ou d’émotion visible sur le visage de la femme — encore que ces dernières soient difficiles à surprendre— elle avait donc raison en estimant que cette communication était un test.
Kaydel s’apprêtait à retourner à son poste lorsque la porte s’ouvrit, livrant le passage à une haute silhouette vêtue de sombre dont le visage était dissimulé derrière un masque chrome et noir. Son cœur manqua un battement. Il ne pouvait s’agir que de lui. Kylo Ren, le meurtrier de son père. Son frère.
Stynnix se mit immédiatement au garde à vous, encore plus raide qu’à l’accoutumée, et Kaydel l’imita aussitôt, peu désireuse d’attirer l’attention du traitre sur elle. Une tension s’installa dans la salle et, dans son dos, Kaydel sentit les présents s’immobiliser.
Kylo Ren se tourna vers Stynnix, sa voix grave déformée par le filtre à air du masque dont Kaydel savait qu’il n’avait nul besoin pour respirer.
« Le message est-il arrivé à destination ?
— Oui, confirma la lieutenante avec empressement. Tout s’est déroulé selon vos souhaits, Seigneur Ren.
— Je l’espère pour vous, » lâcha-t-il avant de tourner les talons et de sortir.
Il n’avait même pas adressé un regard à Kaydel pourtant, la jeune femme sentit ses jambes se dérober sous elle. Bien entendu, elle était consciente qu’elle finirait par le croiser, surtout si son plan se déroulait comme prévu, mais elle n’avait pas imaginé qu’il serait le premier dirigeant du Premier Ordre qu’elle verrait de près.
« Retournez à votre poste, Cottbick », ordonna Stynnix et Kaydel obéit avec un léger temps de retard, la rencontre inopinée lui ayant momentanément fait oublier son identité d’emprunt.
Les jambes encore flageolantes, elle se laissa tomber devant son écran. Depuis son poste, Miskin lui adressa un petit coup d’œil.
« C’est quelque chose de se retrouver face à lui, hein ? lança-t-elle, accompagnant ses paroles d’un léger frisson. J’ai beau être ici depuis cinq ou six ans, je ne m’y suis toujours pas habituée. Heureusement, il vient très rarement dans cette section du Destroyer.
— Qui est-ce ? » l’interrogea Kaydel, jugeant plus prudent de jouer l’ignorance.
Miskin jeta un regard en coin à la lieutenante pour vérifier qu’elle était occupée ailleurs puis répondit à mi-voix.
« Kylo Ren, l’apprenti du Suprême Leader Snoke. On dit qu’il a la Force et qu’il est sans pitié. C’est lui qui a tué le contrebandier Han Solo, ajouta-t-elle. Enfin, je ne vais pas le plaindre, ce bâtard n’a eu que ce qu’il méritait. »
Luttant contre l’envie irrépressible d’écraser la face de la rouquine contre son écran, Kaydel répondit.
« Il semble… terrifiant. Ren, pas Solo », ajouta-t-elle.
Miskin hocha vigoureusement la tête.
« Tu as raison d’avoir peur de lui. Il est inhumain, et mieux vaut ne pas se trouver dans les parages lorsqu’il a un accès de rage, ce qui arrive souvent. »
Kaydel ouvrit la bouche, désireuse d’en apprendre plus mais elle sentit le regard de Stynnix sur elles et baissa la tête, se replongeant dans les documents qui lui avaient été confiés.
La Résistance,
Leia écouta patiemment la requête de Rey, puis :
« Je suis désolée, mais il n’est pas dans mes projets de dépêcher une partie de nos forces sur Kef Bir, encore moins si tu en fais partie. Tu n’es pas encore assez aguerrie pour participer aux combats et tu es trop précieuse pour que nous prenions le risque de te perdre. »
La jeune femme se décomposa.
« Mais…
— Rey, la coupa Leia d’un ton péremptoire. La seule chose digne d’intérêt sur Kef Bir, ce sont les ruines de l’Etoile de la Mort. Je doute qu’on y trouve une quelconque information sur la localisation de Luke. »
Luke, encore et toujours Luke. Comme si c’était le seul à être digne d’être retrouvé ! Enrageant intérieurement, Rey insista.
« Peut-être que l’objet qu’ils cherchent est important, si nous mettons la main sur lui avant eux, alors…
— J’ai dit non, la coupa Leia d’un ton sans appel avant de reprendre avec plus de douceur. Mon enfant, je me rends compte que cela semble important à tes yeux mais c’est justement pour cela que je suis contre cette idée. Cette information, mentionnant ta planète d’origine, arrive trop à point nommé pour être autre chose qu’une manœuvre du Premier Ordre afin de t’attirer dans un piège. »
Rey se rembrunit et Leia soupira.
« Je sais que ma décision est difficile à comprendre pour toi mais, si je la prends, c’est pour te protéger. Tu disposes d’un immense pouvoir, Rey et cela fait peur à nos ennemis. Plus que tout, Snoke redoute la résurrection de l’Ordre Jedi, or, tu en as le potentiel. »
La déception de Rey devait être visible car Leia s’approcha.
« La première qualité d’un Jedi est de ne pas laisser ses émotions guider son jugement, lui rappela-t-elle. Cela ne fait que peu de temps que tu nous as rejoint, raison pour laquelle tu ignores encore beaucoup de choses sur les méthodes employées par le Premier Ordre. Mais, ce n’est pas mon cas. Cela fait des années que je mène cette lutte et je sais reconnaitre un guet-apens quand j’en vois un. Et il ne fait aucun doute à mes yeux que celui-ci en fait partie.
— Oui, générale », soupira Rey, comprenant qu’elle ne céderait pas.
Leia la regarda d’un air suspicieux pendant quelques instants puis soupira :
« Cette histoire tombe particulièrement mal. Je dois me rendre quelques jours sur l’une de nos bases annexes afin de coordonner une opération délicate et j’avoue que cela me déplait de te laisser seule ici.
— Je ne le suis pas, Finn est avec moi », rétorqua Rey.
La générale la considéra de nouveau.
« J’ai presque envie de demander à la vice amirale Holdo de me remplacer mais, cela ne serait pas raisonnable… Pourtant… hésita-t-elle.
— En d’autres termes, vous ne me faites pas confiance, lâcha Rey.
— Ce n’est pas ça, affirma Leia. Je crains juste que tu agisses de façon inconsidérée durant mon absence.
— La Force est réflexion et sagesse, lui rétorqua Rey. L’impulsivité mène au Côté Obscur. La peur et le doute également », ajouta-t-elle avec une pointe d’insolence.
Leia ne répondit pas et Rey soupira.
« Générale, votre décision ne me plait pas mais j’ai compris vos arguments, assura-t-elle.
— Bien, décida Leia. Puisque tu le dis, je te fais confiance. A présent, retourne t’entrainer. »
( ) ( )
« Retourne t’entrainer », maugréa Rey entre ses dents tout en traversant le camp d’un pas vif.
Plantant là Rose, Finn la rejoignit d’une foulée.
« Alors ? Elle a dit quoi ? On en est ? »
Encore furieuse du cours prit par les événements, Rey le dépassa et le jeune homme la saisit par le bras afin de la retenir.
« Hey, Rey, c’est moi, tu peux me parler ! »
La jeune femme plongea dans le regard chocolat de son compagnon et regretta son mouvement d’humeur. Sans Finn et quelques autres à ses côtés, elle se sentirait bien seule ici, comme elle l’était sur Jakku.
« Excuse-moi. C’est juste que je suis si, si furieuse !
— Elle a refusé que tu accompagnes les troupes, c’est ça ? » en déduisit Finn.
La rancœur qui couvait en Rey se réveilla à ces mots.
« Non. La générale compte tout bonnement ne rien faire. Même pas une mission de reconnaissance.
— Quoi ? Mais pourquoi ?
— Parce qu’elle estime que c’est un piège, » pesta Rey.
Fin réfléchit quelques instants, puis :
« Elle a peut-être raison, après tout…
— Ou alors elle a tort et il y a bel et bien des informations au sujet de mes parents sur Kef Bir.
— Rey, temporisa Finn. Tu n’es même pas certaine que le couple dont il est question soit bien celui que tu cherches. »
La jeune femme se dégagea d’un geste brusque de son étreinte.
« Il n’y a qu’un seul moyen de le savoir. »
Les yeux de Finn s’agrandirent devant ce que cela laissait sous-entendre et il la suivit.
« Tu comptes faire quelque chose ! C’est quoi ?
— Laisse tomber, moins tu en sais, mieux c’est pour toi. Je ne compte pas t’entrainer là-dedans, c’est mon problème. »
Cette fois, Finn s’agaça.
« Si ça te concerne, ça me concerne également, Rey ! On est ensemble, je te rappelle, donc, où tu vas, je vais aussi. »
Cette déclaration dont la sincérité n’était pas à discuter, réchauffa un peu le cœur de Rey. Elle, qui avait depuis longtemps l’habitude de ne compter que sur elle-même, découvrait la sensation d’être entourée, d’avoir une personne sur laquelle se reposer.
« Je ne veux pas que tu aies des ennuis à cause de moi, lâcha-t-elle d’une petite voix.
— Je crois qu’il est trop tard pour ça, plaisanta Finn avant de reprendre son sérieux. Rey, je sais à quel point tes parents sont importants pour toi et, en ce qui me concerne, ma priorité c’est toi, alors, quoi que tu envisages de faire, ne me laisse pas en dehors, ok ? »
Emue, Rey enlaça le jeune homme.
« Je te le promets, » jura-t-elle, scellant ses paroles d’un baiser aussi reconnaissant que passionné.
Le Premier Ordre,
Kylo Ren baissa la tête, se soumettant à son maitre.
« La fille est toujours en compagnie des résistants, cracha Snoke. Je sens son pouvoir se réveiller de plus en plus dans la Force. Pourquoi ne t’es-tu toujours pas rendu maitre d’elle ?
— Cela n’est plus qu’une question de temps, Suprême Leader. Je lui ai tendu un piège auquel elle… »
Snoke balaya d’un geste les propos que le jeune homme s’apprêtait à prononcer.
« Je te conseille d’obtenir rapidement des résultats, sans quoi je serais forcé de m’adresser à quelqu’un de moins décevant. Le général Hux, par exemple, qui me donne toute satisfaction, contrairement à toi. »
La réprimande était cinglante et Kylo Ren s’agenouilla, prêt à recevoir l’inévitable punition.
« Pas cette fois, gronda Snoke. Mais c’est ta dernière chance de me prouver que tu es capable de te montrer à la hauteur de Vador. »
C’était encore pire que tous les châtiments physiques qu’il lui avait infligés jusqu’à présent et la remontrance fit l’effet d’un aiguillon douloureux à Kylo Ren. Il devait prouver sa valeur. Un échec était inenvisageable.
( ) ( )
Elle s’entrainait. Courant après une sphère et déjouant ses attaques à mesure qu’elles se succédaient. Snoke avait raison, son pouvoir Lumineux et surtout, sa confiance en ce dernier, augmentaient. Il devait y mettre fin, avant qu’il ne soit trop tard pour lui mais aussi pour elle.
En nage, elle releva le visage et leurs yeux se croisèrent.
« Laisse-moi tranquille, » rugit-elle, le repoussant avec une puissance redoublée.
( ) ( )
Il retomba assis au beau milieu de la salle de repos et certains troopers, parmi les plus hardis, posèrent des regards goguenards sur lui. Furieux, Kylo Ren se releva et soumit le plus proche à un Etranglement de Force.
Les regards moqueurs cessèrent sur le champ et il savoura l’emprise qu’il avait sur les sous-fifres.
La Résistance,
Cela faisait à présent deux jours que Leia était partie. La nuit était tombée depuis un bon moment déjà lorsque Rey, flanquée de Finn, se faufila dans le camp, utilisant les leçons dispensées par Leia afin d’être la plus discrète possible. Ils se dirigèrent à pas de loup vers le hangar et Rey laissa filer un léger soupir en découvrant que la voie était libre.
Ils étaient presque arrivés à destination lorsqu’un craquement sur leur droite fit sursauter la jeune femme. Resserrant sa main sur le bâton qu’elle n’avait pu se résoudre à abandonner au profit du sabre laser de Skywalker qui pendait à sa ceinture, elle fit volte-face, se préparant à tester ses capacités de persuasion sur ceux qui les avaient surpris.
« Oh doucement, » chuchota la voix de Poe en jetant un regard vers son bâton.
Perplexe, Rey reconnut le pilote et les sœurs Tico.
« Qu’est-ce que vous faites là ? » murmura-t-elle.
Dameron jeta un coup d’œil à Finn.
« Tu lui as rien dit ?
— Me dire quoi ? » intervint Rey, stressée.
Paige s’avança légèrement, la lumière lunaire créant des ombres sur son visage aux traits parfaits.
« On sait ce que tu as l’intention de faire. On est venus te donner un coup de main. »
Rey n’écouta que le début de la phrase de la jeune femme. Furieuse, elle se tourna vers Finn.
« Tu leur as dit ! » pesta-t-elle.
Finn leva les bras en signe de défense et Poe intervint.
« Vous vous engueulerez plus tard, plus on reste ici, plus on a de chances de se faire repérer. Allez, on avance. Rose, tu sais ce que tu as à faire.
— Oui », opina vivement du chef la jeune femme, heureuse d’être incluse dans leurs plans et de pouvoir se rendre utile.
Maussade, Rey suivit les trois autres tandis que Rose se dirigeait vers les portes du hangar. Poe et Paige, dans une parfaite synchronisation, se précipitèrent vers le Faucon Millenium et ouvrirent le sas d’embarquement.
« Alors, qu’est-ce que vous attendez ? les tança Paige. Montez à bord ! »
Interloquée, Rey fixa le couple.
« Mais qu’est-ce que vous comptez faire au juste ?
— C’est pourtant évident, répondit Paige d’un ton sec. On t’aide.
— Hors de question que vous vous embarquiez là-dedans tous seuls, compléta Poe. On t’emmène sur Kef Bir, tu trouves les infos sur tes parents puis on rentre, ni vus, ni connus. T’inquiète, Paige et moi, on a l’habitude de ce genre de mission. »
Des larmes de gratitude montèrent aux yeux de Rey mais elle les chassa d’un geste.
« J’apprécie l’intention mais, je ne peux pas accepter… Je ne veux pas que vous vous mettiez en danger ou que vous ayez des ennuis à cause de moi. »
Poe leva les yeux au ciel et la saisit par les épaules.
« Arrête de protester et habille-toi, si les rôles étaient inversés, tu ferais exactement la même chose pour nous. »
BB-8 trilla en guise d’approbation et Rey se tourna vers Finn.
« Honnêtement, je crois que plus on sera nombreux, plus on a de chances de réussir à retrouver tes parents, lui lança le jeune homme.
— Finn a raison. A deux, vous n’avez aucune chance de déjouer le Premier Ordre s’ils sont déjà sur place, donc tu ne discutes pas, déclara Poe. On vient avec vous. »
Ne sachant plus quoi dire, Rey hocha la tête et se glissa à l’intérieur du Faucon, suivie par Finn. Une fois que Poe et Rey eurent pris place derrière les commandes, Paige se pencha sur son comlink.
« C’est bon, Rose, tu peux désactiver le bouclier et les radars d’approche. »
Rey et Poe échangèrent un regard complice tandis que leurs compagnons s’attachaient solidement et le pilote sourit.
« En route pour Kef Bir ! »
Le Premier Ordre,
En dépit de ses discrets efforts pour glaner des informations, Kaydel n’avait pas réussi à découvrir en quoi consistait le message qui semblait si important pour Ren. Miskin ne savait visiblement rien et il était désormais évident aux yeux de la jeune femme que sa compagne ignorait quasiment tout des plans des dirigeants du Premier Ordre. Si Kaydel voulait découvrir des choses utiles, elle devait faire en sorte de se rapprocher de la lieutenante.
L’occasion lui en fut donnée plus vite qu’elle ne le pensait.
« Cottbick, tu parles le kalaanite, à ce qu’on m’a dit ? » l’interpella sa supérieure.
Kaydel bondit sur ses pieds et hocha la tête.
« Suis-moi, » ordonna Stynnix.
La jeune femme lui emboita le pas et elles traversèrent une série de couloir parmi lesquels Kaydel aurait bien peiné à se retrouver avant de parvenir dans une zone éloignée du destroyer. La lieutenante se présenta devant le scanner rétinien.
« Zone 666. Lusica Stynnix, j’ai ce que vous m’avez demandé. »
La porte s’ouvrit et elle se tourna vers Kaydel.
« Je ne vais pas plus loin, l’accès à cette zone est strictement réservé. Continue tout droit, un officier te dira ce qu’il attend de toi. J’espère que tu as le cœur bien accroché et que tu connais aussi bien le kalaanite que tu le prétends. »
Kaydel déglutit et s’engagea dans le couloir sous le regard de sa cheffe. Une vive odeur de pourriture et de viscères la saisit à la gorge et elle porta la manche de son uniforme à son nez.
« Cottbick, approchez. »
L’ordre était ferme et le cœur de Kaydel manqua un battement en apercevant des traces de sang séché sur les parois du couloir. Il n’y avait aucun doute à avoir sur la fonction de cette partie du vaisseau. Elle se trouvait dans l’aile réservée à la torture. Bien entendu, le Premier Ordre avait toujours nié y avoir recours et affirmait respecter les accords galactiques mais ni Leia, ni la République n’y avait jamais réellement cru. A présent, Kaydel avait la preuve qu’ils avaient raison.
Le cœur battant à tout rompre, elle obéit, l’esprit assaillit de doutes : avait-elle déjà été percée à jour ? Allaient-ils la torturer ? Combien de temps tiendrait-elle dans ce cas ? La main gauche de la jeune femme se leva vers le bracelet qui ne quittait jamais son poignet avant qu’elle ne la rabaisse. Non, Leia avait dit en cas d’extrême urgence. De quoi aurait-elle l’air si elle se précipitait dans les jupes de sa mère à la première alerte ?
Un homme au visage anguleux et au regard froid lui adressa un signe de tête et Kaydel dut à ses seuls réflexes d’y répondre avec le salut militaire réservé aux officiers. Son regard enregistra les cylindres qui indiquaient le rang de l’homme. Un capitaine de la marine. Donc, un ponte. Elle ne savait pas si elle devait être inquiète ou flattée. L’homme la précéda et Kaydel lui emboita le pas.
La puanteur augmenta tandis qu’ils pénétraient dans la salle où il l’avait conduite. En découvrant ce qu’elle contenait, Kaydel porta son poing à sa bouche afin d’étouffer un cri d’horreur.
Attaché sur une chaise d’interrogatoire datant visiblement de l’ère impériale, un kalaanite, aisément identifiable grâce à sa peau rouge orangé et au groin qui remplaçait son nez, respirait lourdement. Son corps était marbré de coups et d’entailles diverses et la jeune femme constata avec un haut-de-cœur qu’on lui avait découpé la calotte crânienne afin de mettre à jour son cerveau sur lequel s’acharnait un droïde IT-0.
« Mi ratto ! » s’écria-t-il d’une voix brisée.
Kaydel blêmit en entendant son appel à l’aide et elle tenta de le rassurer maladroitement.
« Il connait la localisation d’un gisement d’impervium. Fais-lui cracher. »
L’ordre était simple mais pour Kaydel c’était comme si elle venait d’être foudroyée sur place. Lentement, elle se tourna vers le capitaine et croisa ses yeux froids et cruels.
« Tu seras grassement récompensée pour ton aide, » précisa-t-il.
Déglutissant, Kaydel s’approcha du pauvre kalaanite et lui parla avec douceur. Des larmes lui montèrent aux yeux en entendant l’autre la supplier de mettre fin à sa souffrance en le tuant. Il était dans cette pièce depuis des jours, subissant les assauts de la sphère et il n’en pouvait plus de douleur. Au prix d’un effort, il releva le visage vers elle et Kaydel manqua de vomir. L’un de ses yeux avait été arraché de sa coque et pendait lamentablement au-dessus de l’aileron qui constituait sa mâchoire.
« Alors ? Que dit-il ?
— Qu’il souffre ! » ragea Kaydel sans pouvoir se retenir.
Le capitaine plissa les yeux et elle sut qu’elle venait de faire une erreur.
« Pardonnez-moi, mon capitaine… Je, c’est la première fois que je…
— Ancienne civile ?
— Oui, admit Kaydel du bout des lèvres.
— Que veut-il ?
— Mourir, souffla la jeune femme.
— Dis-lui qu’il sera rapidement exaucé s’il te révèle la localisation de la mine, dans le cas contraire, nous nous assurerons qu’il continue à vivre pendant des semaines : nous avons les moyens de le faire. »
La jeune femme n’en doutait pas. Lentement, elle s’agenouilla devant le supplicié et lui traduisit les exigences du capitaine, consciente qu’à présent, c’était vers elle que la sphère noire dardait ses capteurs. Elle n’avait pas droit à l’erreur.
La voix aigüe du kalaanite s’éleva. Dans sa panique, il parlait vite et Kaydel se concentra pour comprendre. Un grand froid la saisit en comprenant qu’il refusait de parler. Inquiète, elle roula des yeux en direction du capitaine qui les toisait et reprit rapidement. Le kalaanite la fixa et secoua la tête, ajoutant que celle à qui elle ressemblait devait avoir honte d’elle. Là, la jeune femme se raidit et lui jeta quelques mots à la hâte, l’encourageant à parler.
« Dis-moi où se trouve le gisement et personne d’autre ne sera blessé, assura-t-elle. Je t’en prie… »
Derrière elle, le capitaine s’impatienta et Kaydel tenta son va-tout. Il était clair que le prisonnier savait qui elle était, même si elle ne se souvenait pas l’avoir croisé. Mais son peuple était connu pour avoir aidé l’Alliance Rebelle et Leia Organa. Peut-être étaient-ils plus observateurs que la moyenne… En dépit de ses efforts pour passer inaperçue, Kaydel savait qu’elle partageait certains traits physiques avec sa véritable mère.
« Mi ratto, » tenta-t-elle, s’obligeant à le regarder droit dans l’œil qui lui restait.
Finalement, il prononça quelques mots la vouant aux gémonies et Kaydel ferma brièvement les yeux. Il ne parlerait pas, quoi que le Premier Ordre lui fasse endurer, et il s’écoulerait encore sûrement des jours avant qu’il ne succombe enfin. Des heures de souffrance… En une fraction de seconde, elle analysa la situation. S’ils avaient fait appel à elle, c’était qu’ils étaient réellement incapables de comprendre le kalaanite, du moins, elle l’espérait. Suivant son instinct, elle se tourna vers l’officier.
« Le gisement se trouve sur Rago, » lâcha-t-elle à son intention, honteuse de trahir elle-même son propre camp.
Un éclat mauvais brilla dans les yeux de ce dernier et il se tourna vers l’IT-0. La sphère s’inclina légèrement et un rictus se forma sur les lèvres du capitaine.
« Tout porte à croire qu’il ne t’a pas menti pas, beau travail, Cottbick. »
Nauséeuse, Kaydel le remercia du bout des lèvres et l’officier la congédia. La jeune femme se força à ne pas regarder en direction du prisonnier et s’éloigna, le cœur chargé de regrets.
« Termine cette chose, entendit-elle le capitaine ordonner. L’équipe de nettoyage ne devrait plus tarder. »
Un cri de pure agonie résonna dans le couloir et, une fois de plus, Kaydel s’obligea à ne pas se retourner. Pour les membres du Premier Ordre, toute race non humaine était inférieure, montrer de la compassion ou des regrets serait immédiatement suspect. Baissant les yeux, la jeune femme s’aperçut que ses mains tremblaient et elle les plaqua le long de son corps afin de dissimuler son émoi aux regards. En cet instant, elle regrettait amèrement de s’être portée volontaire pour infiltrer le Premier Ordre.
La Résistance,
Paige avait relayé Rey aux commandes du Faucon et la jeune femme rejoignit Finn dans la pièce de repos de l’appareil.
« Je suis désolé, commença le jeune homme. Je sais que tu ne voulais pas que ça se sache, mais Poe avait déjà deviné ce que tu projetais de faire.
— Je me demande bien comment, maugréa Rey.
— Il a dit que s’il était dans la même situation, c’est ce que lui ferait », rétorqua Finn.
En dépit du ton négligent du jeune homme, Rey perçut une pointe d’inquiétude dans sa voix et elle fronça les sourcils.
« On dirait que ça te contrarie…
— T’es vachement proche de Poe, c’est comme si vous vous compreniez sans avoir besoin de parler, » lâcha Finn sans la regarder.
Comprenant enfin ce qui perturbait son ami, Rey ne put retenir un rire. Le ridicule de la situation était tel qu’il désamorça la tension qui ne l’avait pas quittée depuis leur fugue.
« Attend, tu es jaloux ? De Poe ? » s’amusa-t-elle.
Finn grinça entre ses dents que ça n’avait rien de drôle et Rey reprit son sérieux. A pas lents, elle s’approcha de son compagnon.
« Poe et moi on est amis, rien de plus, lui assura-t-elle. Et si on se comprend aussi bien, c’est parce qu’on a tous les deux vécus des choses difficiles. Mais, ça ne veut pas dire que je vais tomber amoureuse de lui ou lui de moi. Poe a Paige et moi… je t’ai toi, » compléta-t-elle d’une petite voix, brusquement intimidée.
Les yeux sombres de Finn caressèrent son visage et il lui prit les mains.
« Tu le penses vraiment ? Parce que moi, Rey, je…je… commença-t-il.
— Tu ? »
Avant que Finn ait eu le temps de rassembler son courage pour se déclarer, Rey sentit un froid glacial l’envahir et elle se retrouva en pleine tempête, sous des trombes d’eau.
« Pathétique, lui lança Kylo Ren, des gouttes ruisselant sur son casque et alourdissant sa cape sombre. L’ancien trooper et la pilleuse d’épaves. Tu te sens seule à ce point-là ? »
Rey se troubla avant de revenir au présent, sur le Faucon. Le front barré d’un pli soucieux, Finn se tenait au-dessus d’elle, son bras passé autour de sa taille pour la soutenir.
« Rey ? Qu’est-ce qui s’est passé ? C’était lui ? Ren ? »
Elle déglutit, les paroles moqueuses du monstre résonnant dans son esprit.
« Rey, qu’est-ce qu’il t’a dit ?
— Je ne veux pas en parler, pas maintenant… S’il te plait, Finn, serre-moi fort. »
Il referma ses bras autour du corps tremblant de la jeune femme et l’embrassa sur la tempe.
« Je ne le laisserais pas te faire de mal, je te le promets, » murmura Finn.
Rey sourit tristement. Comment Finn ou quiconque pourrait-il la protéger de Ren ? Il était dans sa tête…
Le Premier Ordre,
Elle était encore avec le trooper, il le sentait.
Kylo Ren serra les poings à la pensée des mains de FN-2137 sur la fille et se tourna vers ses Chevaliers.
« Tout est prêt ?
— Oui, maitre. Une fois qu’ils auront pénétré dans l’orbite, leur vaisseau s’écrasera au sol et nous n’aurons plus qu’à les cueillir.
— Non, nous attendrons qu’ils viennent à nous, éructa Kylo Ren. Je me charge de la fille, vous vous occuperez de ceux qui l’accompagnent. En particulier du trooper. »
La Résistance,
Rose porta la main au pendentif en forme de croissant qui ne la quittait jamais. Paige possédait l’autre moitié, c’était le symbole de leur amour l’une pour l’autre, le signe que quoi qu’il se passe, quels que soient les difficultés ou les enjeux, chacune d’elle passerait toujours en premier pour l’autre. Si Paige avait à choisir entre Rose et Poe, elle sauverait Rose, c’était ainsi. Et la loyauté de Rose irait toujours en premier à sa sœur. Forte de cette résolution, elle fit face à la vice amirale Holdo.
« Rose, un appareil a disparu de notre hangar cette nuit, tout comme Dameron, Finn, Rey et ta sœur. Que sais-tu de leurs plans ? »
La jeune femme prit son air le plus niais et secoua la tête.
« J’ignore de quoi vous parlez, vice amirale. »
Holdo faillit en perdre son flegme légendaire et se reprit.
« Rose, commença-t-elle avec douceur. Je sais que tu veux protéger ta sœur et tes amis mais ce n’est pas ainsi que tu le feras. Tu dois me dire ce que tu sais.
— Je ne sais pas quoi vous répondre, vice amirale. Comme tout est plutôt calme, Poe et Paige sont partis pour une escapade romantique en forêt hier soir, ils ne devraient pas tarder.
— Avec Finn et Rey ? Ils organisent une partie à quatre ? » intervint Holdo, de plus en plus agacée par l’attitude de la jeune femme.
Rose lui renvoya un regard innocent.
« Je ne pense pas… Cela ne serait pas très convenable de leur part de faire ça. Peut-être que Finn et Rey sont partis de leur côté ? »
Holdo lui renvoya un regard glacial et Rose sourit sans se démonter.
« Je suis sûre qu’ils seront tous rapidement de retour, vice amirale. »
Restée seule, Holdo pianota nerveusement sur la console de communication. La générale Organa était en plein milieu d’une opération d’envergure visant à mettre la main sur un gisement d’impervium avant le Premier Ordre, la déranger maintenant serait aussi malvenu que perturbant. Elle hésita quelques instants puis résolut d’attendre quelques heures. Si, à la nuit tombée, Dameron et les autres n’avaient toujours pas refait surface, elle aviserait.
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