Naboo,

Lorsque Finn reprit conscience, Lanzora était penchée sur lui, les traits déformés par l’inquiétude.

« Comment te sens-tu ? »

Les tempes douloureuses et l’impression d’avoir été passé à tabac, Finn se redressa sans feindre la difficulté.

« Je ne sais pas trop. Mal. Que s’est-il passé ? »

La joie et la fierté vibraient à part égales dans la voix de Lanzora lorsqu’elle répondit.

« Le Dernier Empire a battu en retraite. Naboo est libre. »

Les idées un peu plus claires désormais, Finn s’autorisa un sourire. Le plan de Rey visant à instiller la confiance chez leurs ennemis en leur concédant une victoire avait visiblement fonctionné. Toutefois, le sourire de Lanzora se fana un peu et elle ajouta :

« Malheureusement le prix est élevé, beaucoup de combattants et de civils sont morts…

— Et rien ne nous prouve que la version quatre de l’Etoile de la Mort n’est pas en train de se déployer au-dessus de nous, ajouta Lando, l’air sombre.

— L’Amirale nous aurait avertis, observa Garan. Non, c’est une victoire que nous devons à tous ceux qui se sont sacrifiés pour cette cause, mais aussi en grande partie à notre jeune Jedi. Elle a été exceptionnelle face aux Chevaliers, sans elle, l’issue eut sans doute été toute autre. »

Kaydel se contenta de répondre d’un pâle sourire aux éloges de la Générale. A présent que l’adrénaline du combat était retombée et les Naboos libérés, la jeune femme prenait la pleine mesure de tout ce qu’elle avait perdu. Une part de son identité, son histoire d’amour, son meilleur ami…

« Pardonnez-moi, il faut que je m’éloigne un peu, pour me recentrer sur la Force, » marmonna-t-elle avant de s’écarter du groupe.

Elle n’avait pas le courage de faire semblant de partager leur liesse. Pas alors que son cœur était en pièces.

Sa rencontre avec Tsabin, enfin Sabé, avait fait voler son monde en éclat mais Kaydel ne put s’empêcher de chercher la maison discrète de la vieille femme dans l’espoir de pouvoir lui parler à nouveau, de peut-être déceler une faille dans son histoire. Au fond d’elle-même, Kaydel savait qu’elle ne trouverait rien d’autre que la mort et de nouveaux chagrins en allant chez sa grand-mère putative mais, elle s’y rendit tout de même.

Le cœur lui manqua en découvrant la porte arrachée et le corps maculé de sang de Sabé. L’horreur de la scène lui explosa au visage et Kaydel serra les poings pour retenir ses larmes. Une fois de plus, quelqu’un était mort pour la protéger. 

Brusquement, un souvenir affleura dans son esprit.

()()

Elle devait avoir six ou sept ans. Elle se trouvait dans l’arrière-boutique de leur petite échoppe et jouait avec ses poupées. Sa mère était à quelques mètres, juchée sur un escabeau. Un sentiment d’urgence traversa Kaydel.

« Attention maman, le gros bocal va tomber ! » la prévint-elle.

Pooja, surprise, s’écarta, le lourd récipient frôlant son crane au lieu de s’y fracasser. Blême, elle rejoignit sa fille.

« Comment l’as-tu su ?

— Quoi, maman ? 

— Qu’il allait tomber. Tu me tournais le dos ! »

Kaydel haussa les épaules.

« Je ne sais pas, je l’ai senti, c’est tout… »

Cette fois le teint de Pooja prit une teinte cadavérique et elle crispa ses mains sur les épaules de la petite fille. 

« Maman, tu me fais mal, » protesta Kaydel, apeurée

Ignorant sa plainte, Pooja la secoua.

« Ne refait jamais ça. »

Le visage de sa mère était déformé par l’angoisse et la terreur déferla dans l’esprit de la petite fille.

« Tu entends ? Même si c’est pour empêcher que mon père ou moi ayons un accident, tu dois te détourner de ces sortes de …pressentiments. Tu dois les repousser le plus loin possible de toi. Je ne veux plus jamais te voir faire ça, » répéta Pooja d’un timbre rendu aigu par la peur.

Ne comprenant pas ce qu’elle avait fait de mal, Kaydel fondit en larmes.

« Est-ce que tu m’as compris Kaydel ? Cette chose en toi est dangereuse, tu dois la refouler. »

Sa mère hurlait presque à présent et Kaydel se recroquevilla contre le mur. Son père entra à cet instant.

« Qu’est-ce qui se passe ici ? »

Pooja se tourna vers son mari.

« Elle l’a. Je crois qu’elle est comme lui, souffla-t-elle d’un ton chargé de désespoir. Comme mon vrai père… »

Kaydel vit l’effroi se peindre sur le visage du papa qu’elle adorait et sanglota de plus belle, comprenant qu’elle était sans doute atteinte d’une sorte de maladie incurable et terrifiante.

« Je le ferais plus maman, promis, promis. »

Après cela, elle s’était soigneusement détournée de tout ce qu’elle n’appelait pas encore « la Force » lui dictait, sa sensibilité diminuant à force d’être inutilisée. 

()()

Sa mère savait. A un moment ou un autre de son histoire, elle avait appris l’identité de son père et avait cherché à éloigner Kaydel de la Force…

Le déni que la jeune femme avait soigneusement entretenu durant les heures précédentes ne résista pas à cette nouvelle preuve de son ascendance. Elle devait admettre la vérité : Anakin Skywalker était son grand-père. 

Son regard tomba alors sur le portrait miraculeusement intact de ce dernier et une rage telle qu’elle n’en avait jamais éprouvée submergea la jeune femme à la vue des traits juvéniles et réguliers à jamais immortalisés sur la toile.

« Tu n’imagines pas à quel point je te hais, murmura Kaydel à l’adresse du jeune homme qui semblait la contempler avec ironie, satisfait du mauvais tour qu’il venait de lui jouer. De ton vivant, tu as fait le malheur de la Galaxie et de toute ta lignée, et tu continues, même après ta mort… J’aimerais pouvoir effacer à jamais ton empreinte de l’histoire, t’arracher des mémoires et des existences, de celles de Luke, Leia, Sabé, Ren, Padmé… De celle de ma mère et de tous ceux que ton égoïsme a fait souffrir. Je voudrais que tu n’aies jamais existé. Je te »

Le bruit reconnaissable d’un appareil se posant en catastrophe sur le sol la fit sursauter et, craignant une contre-attaque du Dernier Empire, Kaydel se précipita à l’extérieur, les mains crispées sur le sabre laser de Luke.

Le chasseur qui venait d’atterrir était visiblement mal en point et Kaydel serra les dents en voyant le cockpit s’ouvrir. Un homme, portant une tenue impériale qui avait connue des jours meilleurs, en sortit.

« En révision, mon cul oui ! Complètement foutu, il voulait dire ! » s’écria-t-il.

Le cœur de Kaydel manqua un battement et elle avança en direction du pilote, n’osant y croire.

« Poe ? C’est bien toi ? »

Le brun se retourna et pendant un instant, le soulagement qu’il ressentit fut si intense qu’il vacilla, avant de se reprendre et de courir vers elle.

« Kaydel, j’ai eu tellement peur pour toi ! s’exclama-t-il en la serrant à l’étouffer dans ses bras. Je suis désolé, vraiment désolé, de t’avoir fait de la peine. Je, je ne voulais pas, j’ai été bête, je…

— Non, c’est moi, le coupa-t-elle. J’ai été butée et idiote. Je m’en rends compte, à présent. Tu n’imagines pas à quel point je suis heureuse de pouvoir m’excuser. Je t’ai cru mort, nous l’avons tous cru.

— Pour être franc, c’est pas passé loin, avoua Poe. J’étais sur le point de me fracasser contre la colonne commandant le bouclier mais, au dernier moment, BB-8 a trouvé le moyen de nous éjecter du Silencer. »

Le droïde bipa fièrement et Kaydel lui adressa un regard reconnaissant. Poe, s’avisant de l’isolement de l’endroit, la regarda avec circonspection.

« Que fais-tu seule ici ? Que s’est-il passé ? Où sont les autres ? »

La jeune femme s’arracha à ses bras.

« Toujours au Palais, ils fêtent notre victoire, j’imagine. »

Poe hocha la tête. Conformément au plan mis au point par Hux, BB-8 et lui avaient dû patienter des heures dans le chasseur défaillant avant de pouvoir quitter le Destroyer à la faveur du retour des Chevaliers de Rey. En dépit de l’exaltation de l’annonce de la victoire à laquelle il avait largement contribué, il fronça les sourcils devant la tristesse qu’il lisait dans le regard de la jeune femme.

« Pourquoi n’es-tu pas avec eux ? Est-ce que…

— Nos amis vont bien, le rassura Kaydel. Nous avons subi de lourdes pertes mais Chewie, Lando et Finn sont indemnes. L’Amirale aussi. Elle nous rejoindra une fois qu’elle aura terminé la supervision des premières réparations du Destroyer. Tu devrais aller les retrouver, Holdo sera folle de joie lorsqu’elle saura que tu as survécu. »

Les lèvres de Poe s’étirèrent légèrement à la perspective de revoir Amilyn mais il ne fit pas un mouvement dans la direction indiquée par Kaydel.

« Pas sans toi. Je ne te laisserai pas seule ici alors que tu vas mal. »

Elle grimaça. En dépit de ses efforts, elle ne parvenait jamais à donner le change à Poe.

« S’il te plait, cela ne regarde que moi… Je ne veux pas en parler. »

Elle était au bord des larmes tandis que ses yeux se posaient sur le corps de Sabé. Poe suivit la direction de son regard.

« Qui est cette femme ?

— Celle qui m’a porté secours et m’a abritée lorsque j’étais seule et perdue, déclara Kaydel, une boule dans la gorge. Elle s’appelait Tsabin et c’était, elle 

— POE DAMERON ? Eh bien si… »

Le cri de joie de Lando fut couvert par le rugissement de Chewbacca et le pilote se retrouva soulevé du sol en une étreinte aussi poilue qu’enthousiaste.

« On s’inquiétait pour toi, petite, lança Lando, l’œil pétillant, à Kaydel. On ne comprenait pas pourquoi tu étais partie comme ça, au milieu de ton triomphe, mais à présent c’est beaucoup plus clair ! Je suppose que tu as senti la présence de notre autre héros du jour. »

Poe s’empourpra légèrement tandis que Kaydel opinait du bout des lèvres, se détestant de mentir ainsi. 

« Allez venez, tous les deux, les Naboo vont vouloir rencontrer et remercier la Jedi et le pilote qui les ont libérés… »

Castilon,

C3-PO ne cessait de ronchonner tandis que R2 endurait courageusement leur longue marche vers les mines de cortose.

« Je ne comprends pas pourquoi nous nous sommes embarrassés de ces droïdes, maugréa Larma. Nous aurions eu mieux fait de les remplacer par des soldats.

— Ne jamais négliger nos amis de métal, rétorqua Jacen en repoussant une longue mèche de cheveux noirs derrière son oreille. Quelquefois, ils peuvent nous sauver la vie.

— Sans doute est-ce le cas pour R2 mais, je connais 3-PO depuis des lustres et s’il avait déjà été utile en quelque circonstance que ce soit, je m’en souviendrais… »

C3 s’apprêtait à protester lorsque Jacen leur imposa le silence d’un geste.

« Quelqu’un approche… Une patrouille. »

Ils se tapirent sur le sol, retenant leur respiration. Au bout de plusieurs minutes, Jacen leur fit signe que la voie était libre.

« Comment avez-vous ? murmura Larma avant d’écarquiller les yeux tandis que la réponse éclatait dans son esprit. Vous êtes sensible à la Force ? Vous ? Mais vous êtes un…

— Un Kiffar, compléta calmement Jacen. Votre espèce n’est pas la seule à pouvoir l’être, vous savez… L’un des nôtres, Quinlan Vor, fut même un fameux Jedi. »

Une vive rougeur se répandit sur le visage de Larma tandis qu’elle prenait conscience de ses propos insultants. Jacen aurait pu l’humilier plus tôt devant l’équipage en la laissant proposer son plan bancal, mais, au lieu de saisir cette occasion de la rabaisser et de s’emparer du commandement, il l’avait aidée.

« Pardonnez-moi, je ne voulais pas sous-entendre que, tenta-t-elle.

— Bien sûr que si, s’amusa Jacen. Vous avez de la chance, ceux de mon peuple sont généralement susceptibles mais ce n’est pas mon cas. » 

()()

Le petit groupe parvint non loin de leur cible et Jacen plissa les yeux.

« Une dizaine d’hommes. 

— Nous sommes cinq sans compter les droïdes, observa Larma. Nous devrions pouvoir en venir à bout.

— Sauf que leurs armures sont renforcées par de la cortose et qu’il faut à tout prix éviter que l’un d’entre eux donne l’alerte avant que nous ayons posé les explosifs, lui fit remarquer Jacen. Sachant cela, les attaquer de front semble peu judicieux… »

D’Acy avait envie de se donner des gifles. Elle ne savait pas si elle en voulait au jeune homme d’être intelligent ou si, au contraire, c’était sa propre bêtise qu’elle déplorait.

« Que proposez-vous ?

— Quelle meilleure diversion qu’un droïde bavard et son compagnon cliquetant ? s’amusa Jacen avant de se tourner vers C3 et R2. Vous deux, approchez-vous des soldats et occupez-les.

— Quoi ? Mais qu’est-ce que… R2, attend ! » s’inquiéta C3-PO avant de courir maladroitement derrière son ami.

D’Acy ne put retenir un sourire à la vue du duo bancal qui se dirigeait vers les troopers pourpres.

« Enfin ! Je commençais à croire que vous ne vous déridiez jamais », lui glissa Jacen.

Le sourire de Larma se fana brièvement, puis : 

« Je vous remercie pour votre aide, Jacen. J’ai conscience de ne pas être à la hauteur de cette mission. C’est vous qui devriez la diriger. »

Le grand brun lui pressa le bras en guise de réponse et elle soupira.

« Vous êtes trop charitable pour me le confirmer mais nous savons tous les deux que j’ai raison. Quand je pense à tout ce temps que j’ai passé à remâcher ma frustration… Pendant des années, je me suis sentie brimée et dévalorisée par Leia. Je ne comprenais pas pourquoi elle me cantonnait sans cesse à des rôles de second plan alors que je m’estimais largement capable de faire aussi bien qu’Holdo et elle. Voir mieux, avoua-t-elle dans un souffle. Mais, à présent que je tiens les vies d’autres personnes entre mes mains, je comprends que ce n’est pas parce qu’on a reçu une bonne éducation ou que l’on est issue d’une classe supérieure qu’il est facile de commander une opération militaire. »

Cette fois, ce fut au tour de Jacen de sourire, et la blonde baissa la tête.

« Mais, vous savez déjà tout cela. Ren a voulu me donner une leçon, n’est-ce pas ? 

— Oui, admit Jacen. Cependant, il n’a jamais exclu la possibilité que ce soit en fait une chance de briller pour vous.

— C’est gentil de chercher à me ménager, soupira Larma, mais j’imagine que vous avez des directives. Ren ne laisse jamais rien au hasard. Enfin, je comprends, c’est de bonne guerre après la manière dont je l’ai dénigré à cause de l’identité de son père. »

Jacen baissa la tête et Larma soupira.

« Quel était le plan ?

— Il n’y en avait pas, corrigea Jacen. Toutefois, si vous risquiez de nous mettre en danger, je devais exposer votre incompétence aux yeux de tous et vous remplacer.

— Vous ne l’avez pas fait, observa Larma. Pourtant…

— Le Grand Commandeur n’a jamais souhaité que l’on vous humilie publiquement, précisa Jacen. Il m’a laissé libre de juger de la situation. Ce que j’ai fait. Et votre comportement m’a plu. Au lieu de vous servir de votre grade pour imposer votre idée, vous vous êtes rangée à mon avis sans la moindre hésitation en dépit de votre conviction de valoir mieux qu’un Kiffar. »

La blonde devint écarlate.

« Je me suis comportée comme une idiote remplie de préjugés et de jugements hâtifs. Vous avez été très généreux de ne pas saisir l’occasion pour me destituer. »

  Jacen lui sourit gentiment.

« Selon moi, des opinions préconçues ne sont pas une raison suffisante pour rabaisser quelqu’un. Pas plus vous que qui que ce soit d’autre. Seuls les actes comptent à mes yeux. De plus, ce n’est pas en se déchirant qu’on réussit une mission. Pour l’emporter, il faut rester unis et solidaires. »

Larma sentit des larmes de honte brûler ses yeux mais, avant qu’elle ait pu s’excuser, Jacen lui imposa le silence d’un geste péremptoire. C3 et R2 venaient de parvenir à la hauteur des gardes.

Naboo,

La fête était à la hauteur de la réputation des Naboos : grandiose et portée par une joie contagieuse. 

Pourtant, en dépit de toute cette effervescence et des nombreux témoignages de reconnaissance des habitants, Kaydel avait le cœur en berne. Un sourire factice vissé sur les lèvres, elle recueillait les remerciements avec une grâce dépourvue d’enthousiasme. Seule la réaction de Finn en découvrant Poe à ses côtés avait réussi à lui arracher un sourire sincère.

()()

Poe baissa la tête d’un air faussement modeste tandis qu’un Gungan chantait ses louanges avec la retenue propre à un Jar Jar Binks et Finn le tira par la manche.

« Sérieux, comment t’as fait pour sortir du Mandator ? On te croyait tous mort ! »

Le pilote hésita et porta machinalement la main à la carte holographique qui reposait contre son torse.

« Quelqu’un t’a aidé ? Il y a un traitre parmi les hommes de Rey ?  l’interrogea Finn d’un ton pressant. C’est un trooper ? Quel matricule ? »

Mal à l’aise devant l’insistance de son ami, Poe détourna le regard.

« Non, je te l’ai dit : je m’en suis sorti tout seul. Enfin, avec l’aide de BB-8, corrigea-t-il. C’est lui qui nous a éjectés avant l’impact et qui m’a aidé à rejoindre le hangar de maintenance…

— Mais, c’est bizarre… Comment t’as fait pour te procurer cet uniforme ? Et pour t’emparer d’un appareil sans te faire repérer ? Et pour sortir du Destroyer ? »

Poe fronça les sourcils, décontenancé par ce feu de questions inédit de la part de son ami. Pendant un instant, il envisagea de tout lui révéler mais la promesse faite à Hux se rappela à lui. Il ne voulait pas trahir la parole donnée, quand bien même c’était à un ennemi. Evitant les yeux de son ami, il répéta :

« Je te l’ai déjà expliqué : j’ai trouvé cette tenue dans un des vestiaires et j’ai profité de la panique causée par la destruction du bouclier pour me mêler au personnel. Je ne comprends pas ce qui te pousse à insister autant, » ajouta-t-il, agacé.

Finn se décomposa brièvement.

« Désolé. Je sais pas pourquoi, mais je sens que tu ne me dis pas tout. Enfin, peut-être est-ce simplement parce que j’ai envie de ne pas être le seul trooper qui brise ses chaines en se révoltant contre l’Empire, soupira-t-il.

— Je croyais que l’Empire ou l’Ordre de l’Equilibre, c’était du pareil au même pour toi », releva Poe.

Cette fois, ce fut Finn qui détourna le regard.

« Tout le monde a le droit de changer d’avis…

—Ah… J’imagine que la ravissante Générale Garan a quelque chose à voir avec ce revirement, le taquina Poe.

— Ouais, c’est ça. Donc : comment t’as fait ? s’entêta Finn. Parce que ton histoire, j’y crois pas. C’est pas possible que tu t’en sois sorti sans aide. » 

L’arrivée de la navette d’Holdo dispensa le pilote de répondre. Le cœur battant, il se redressa en voyant la silhouette longiligne de l’Amirale fendre la foule avant de s’arrêter devant lui. 

Les yeux embués par les larmes qu’elle retenait, Amilyn lui fit face. 

« Commandant Dameron, c’est un plaisir de vous revoir en pleine forme, déclara-t-elle d’une voix étranglée par l’émotion.

— Plaisir partagé, Amirale Holdo, répondit le pilote, les yeux dans les siens. J’avoue avoir craint que vous ne vous soyez trop exposée aux feux de l’ennemi afin de couvrir mon escadron. »

Un léger sourire fleurit sur les lèvres d’Amilyn à cette répartie et Lando roula des yeux.

« Sérieusement, il y a des dizaines de chambres inoccupées dans ce palais. Prenez-en une et cessez de croire que vous trompez qui que ce soit », lâcha-t-il.

Des sourires égrillards saluèrent sa sortie et le rouge monta aux joues d’Holdo.

« J’imagine qu’il serait indiqué que nous débriefions cette mission, lâcha-t-elle.

— Pour ma part, j’en ai très envie, répondit Poe.

— Et moi, je crois que ma présence serait malvenue, s’amusa Lanzora. Je vous laisse seule maitresse du rapport de Dameron, Amirale Holdo. »

Lando étouffa un rire tandis que l’embarras d’Holdo augmentait.

« Dans ce cas, je propose que nous ne perdions pas de temps, déclara-t-elle avec raideur. Dameron ?

— A vos ordres, Amirale… » sourit-il en adressant un clin d’œil à Lando.

L’air sérieux et concentré, Poe emboita le pas d’une Holdo écarlate sans toutefois pouvoir s’empêcher de glisser un regard vers Kaydel. L’euphorie qu’il éprouvait se dissipa en surprenant l’expression morne du regard de son amie. En dépit de leur triomphe, Kaydel était profondément malheureuse…

Castilon

« Pardonnez-nous de vous importuner de la sorte, Messieurs. Nous nous sommes égarés au milieu de cet endroit désertique et nous peinons à retrouver nos Maitres », s’excusa C3-PO avant de se lancer dans une explication hasardeuse.

A quelques mètres de là, Jacen sourit d’un air féroce.

« C’est le moment…Biirg et Twiljjok, vous prenez le flanc gauche, D’Acy, avec moi, à droite. On essaie d’enfoncer nos charges le plus profond possible dans la paroi et surtout, on est discrets. N’oubliez pas : ceux qui restent en arrière, restent en arrière, alors soyez prudents. »

()()

Larma était presque parvenue au sommet du monticule qu’elle avait repéré lorsque la voix de Jacen crachota dans son comlink individuel.

« Fixez les explosifs et dégagez, les droïdes ne les retiendront plus longtemps. »

D’Acy leva les yeux vers l’infructuosité qu’elle s’était donnée pour cible. Le couloir paraissait s’enfoncer jusqu’au cœur de la mine, une charge judicieusement placée ferait à coup sûr de gros dégâts, du genre de ceux qu’ils espéraient…

« Partez devant, je vous rejoins, » lança-t-elle en poursuivant son ascension.

Jacen lui cria quelque chose mais Larma n’en tint pas compte. Elle devait réussir. 

Alors qu’elle enfonçait sa charge dans la saillie qu’elle avait ciblée, elle aperçut C3 et R2 qui s’éloignaient rapidement. Portant son regard plus loin dans le paysage rocheux, elle reconnut les autres membres de l’expédition et un sourire sans joie se forma sur ses lèvres lorsqu’elle intercepta le signe paniqué que Jacen lui adressait. Résolue à l’ignorer, Larma poussa un peu plus sa charge et leva le pouce en direction de ses compagnons avant de se laisser glisser en bas de la butte.

« Alerte, une intruse ! » s’exclama un trooper écarlate en pointant son blaster sur Larma.

D’Acy se tourna vers Jacen et glissa sa main sur son cou dans un geste sans équivoque avant de courir dans la direction opposée à celle où se trouvaient les autres membres de l’expédition. 

« Ne vous occupez pas de moi, faites tout sauter, » haleta-t-elle dans le comlink.

Quitte à mourir, autant le faire avec panache, songea-t-elle tandis que le promontoire minier explosait derrière elle.

Naboo,

Finn adressa un sourire faussement tendre à Lanzora, songeant à part lui que, s’il passait une minute de plus avec cette menteuse meurtrière, il ne résisterait pas longtemps au désir de la voir se tordre de douleur à ses pieds.

« Je vais aller voir Kaydel, elle a l’air perturbée. Tu comprends, c’est une amie chère », prétexta-t-il afin de se débarrasser de Lanzora.

Cette dernière lui adressa un sourire compréhensif, soulagée intérieurement de voir Finn faire preuve d’empathie, preuve qu’il était loin de partager quoi que ce se soit avec les redoutables Chevaliers de Rey.

()()

Un frisson secoua l’échine de Kaydel et elle eut fugacement l’impression que l’Obscurité se refermait sur elle.

« Nous avons remporté la bataille mais pourtant tu sembles triste, déclara Finn en s’asseyant à ses côtés. Pourquoi ? »

La jeune femme ouvrit la bouche pour répondre avant de se raviser. La sensation oppressante de la proximité du Côté Obscur ne la lâchait pas.

« Il s’est passé quelque chose, comprit Finn. Un truc qui t’a changée… »

Kaydel sursauta.

« Comment tu le sais ?

— Tu es différente… répondit Finn, sincère. Tu essaies de le dissimuler mais quelque chose te perturbe. C’est comme si tu étais, je ne sais pas, ternie. »

Elle grimaça, le cœur lourd, mais avant qu’elle ait le temps de répondre, Finn reprit :

« J’imagine que ça a du être difficile pour toi de t’utiliser la Force pour blesser et tuer. Mais, à mon avis tu n’as pas à t’en vouloir. Tu as fait ce qu’il fallait pour libérer Naboo.

— Je pensais que tu ne croyais pas en notre cause ? » s’étonna Kaydel.

Finn lui adressa un visage bonhomme.

« Ma relation avec Lanzora et ce que j’ai vu ici me poussent à revoir mon opinion. Dès notre retour à la base, je suivrai ton conseil et me rendrai dans le Sanctuaire de Ren. Je vais lui laisser le bénéfice du doute. »

Kaydel éprouva un vague sentiment de malaise en l’entendant mais elle l’ignora, le mettant sur le compte du choc de son ascendance dont elle n’était toujours pas remise. Satisfait, Finn lui pressa le bras.

« Je crois que tes admirateurs t’attendent », s’amusa-t-il en lui désignant des Naboos, qui à quelques mètres d’eux, grillaient visiblement de pouvoir s’entretenir avec Kaydel.

La jeune femme se leva à regret et se dirigea les Naboos, affichant une légèreté qu’elle était loin de ressentir.

Castilon, 

La puissance de la déflagration projeta D’Acy à plusieurs mètres de la mine désaffectée, dans une étendue d’eau qui atténua la rudesse de l’impact. Crachant et à demi étourdie, la blonde tenta de nager mais le courant l’éloignait de la berge. Elle baissa les yeux sur son comlink, rendu inutilisable par le choc et prit une profonde inspiration. Elle était seule au milieu des flots. S’obligeant à maitriser sa panique grandissante, Larma cessa de se débattre, cherchant des yeux une solution.

Un panache de fumée de gravats obscurcissait l’horizon mais elle discerna çà et là des tâches pourpres immobiles. Sans doute les soldats lancés à sa poursuite et qui avaient eu moins de chance qu’elle. Cependant, Larma était loin d’être sortie d’affaire. Les vagues se faisaient de plus en plus puissantes et l’eau se réchauffait de manière alarmante. Si cela continuait ainsi elle allait être ébouillantée vive. Ne cherchant plus à maitriser sa terreur, Larma s’élança vers la berge, à grand renfort de mouvements désordonnés. 

Au bout de plusieurs minutes de lutte acharnée, et alors que des cloques commençaient à se former sur sa peau, la blonde ferma les yeux. La douleur était atroce et la partie perdue. Elle ne survivrait plus longtemps. Elle espérait simplement que cela irait vite…

Le bourdonnement d’un speeder la sortit temporairement de la torpeur ouateuse dans laquelle elle s’était enfoncée. Larma entendit une voix rude l’admonester puis, des bras l’arrachèrent au bouillon qu’était devenu l’océan.

« Tenez bon Commandante, on vous ramène à bord. »

Jacen… songea-t-elle avec une pointe de surprise avant de sombrer dans l’inconscience.

()()

Lorsque Larma revint à elle, elle était nue et immergée dans une cuve de bacta. Totalement désorientée, elle essaya de se redresser mais une main se posa sur son épaule, lui arrachant un cri de douleur.

« Ne cherchez pas à bouger, vous avez été très sérieusement brulée. »

La vision de D’Acy se stabilisa et elle reconnut le visage barré de jaune du Kiffar.

« Jacen, coassa-t-elle, effarée par le son rauque de sa propre voix. Que… comment ? »

Le jeune homme lui adressa un regard grave. 

« Nous avons survolé la zone où vous aviez disparue avant de quitter Castilon. C’est 3-PO qui vous a repérée au milieu des flots déchainés. Vous devez une fière chandelle à ce droïde inutile. »

Larma avala sa salive, ce qui augmenta sa souffrance, et fixa Jacen.

« Encore une leçon, murmura-t-elle, aux bords des larmes. Je le remercierai plus tard. Pour l’instant, c’est à vous que va toute ma gratitude, ajouta-t-elle. Je sais que vous avez fait un détour pour me retrouver. Même si cela était contraire à ce qui était convenu. Merci Jacen. » 

Chaque mot prononcé lui était physiquement douloureux mais elle tenait à exprimer sa reconnaissance. Le Kiffar sembla gêné puis :

« Vous vous êtes comportée avec beaucoup de courage là- bas, la charge que vous avez placée a été décisive. »

Larma ferma les yeux.

« Je suis heureuse que nous soyons parvenus à mettre hors d’usage ce maudit rayon. J’espère qu’il est enseveli sous des milliers de gravats. »

Jacen grimaça, vaguement triste.

« Nous avons fait mieux que ça… Nous l’avons détruit, et Castilon avec. »

D’Acy rouvrit les yeux, perturbée par la nouvelle.

« Quoi ? Mais… que s’est-il passé ?

— Je pense que, sous la pression de l’éboulement, l’oscillateur thermique a été endommagé. Il a libéré sa puissance peu à peu, ce qui explique le réchauffement de l’eau dont vous avez été victime, pour finir par faire imploser la mine et la planète avec. 

— C’est horrible, souffla Larma avant de se décomposer. Ma charge, celle que je me suis obstinée à enfouir profondément, est-ce que…

— Non, je ne pense pas, » la rassura Jacen.

Larma ne répondit pas, consciente qu’il venait de lui mentir.

Citadelle de l’Ordre de l’Equilibre, 

Hapès,

Kylo Ren resta un instant prostré après le rapport de Jacen. L’arme de destruction massive du Dernier Empire avait certes été détruite mais au prix de la vie des innocents qui vivaient encore sur Castilon. 

« Je suis désolé, s’excusa le Kiffar. J’étais persuadé que cette option était la meilleure. Je n’avais pas mesuré le risque pour Castilon.

— Je ne vous en fais pas le reproche, jeta Ren. Où est D’Acy, pourquoi n’est-ce pas elle qui me présente ce rapport ?

— Elle a été grièvement blessée durant l’opération. Elle s’est comportée avec beaucoup de courage. La charge qu’elle a placée a été déterminante. Sans elle, je doute que nous soyons parvenus à nous débarrasser de Starkiller II. 

—Décidément, Leia avait raison. Une fois de plus… »

Comprenant le cours que prenaient les réflexions du Grand Commandeur, Jacen toussota.

« Si vous m’autorisez : il est certain que, sans l’intervention de la Commandante, Castilon existerait encore. Cependant, il y a fort à parier que ce serait également le cas de l’arme… Ni elle, ni moi, n’avions envisagé la possibilité qu’elle soit chargée ou que la structure de la planète puisse être affectée par notre action. D’Acy n’a agi que dans le but de détruire Starkiller II et elle était prête à donner sa vie afin de mettre un terme à cette menace. A sa place, j’aurais sans doute fait le même choix, reconnut Jacen d’un ton ferme. Elle n’est pas à blâmer pour cette erreur d’appréciation. Le plan était le mien, elle n’a fait que s’y conformer. Si Castilon a été détruite, c’est ma faute, pas la sienne. 

— Non, Jacen. Ni D’Acy, ni vous, n’êtes responsables de ce qui est arrivé, soupira Kylo Ren. C’est moi seul. J’aurais dû m’intéresser un peu plus à la composition de Castilon et envisager toutes les possibilités avant d’ordonner la destruction de l’arme. 

— Grand Commandeur, vous n’avez pas à endosser, commença Jacen.

— Je vous ai donné pour mission de faire exploser cette chose, le coupa Kylo Ren. Je ne peux à présent vous reprocher d’avoir réussi. Transmettez mes souhaits de prompt rétablissement à D’Acy et essayez vous aussi de prendre un peu de repos. Vous semblez épuisé, » ajouta-t-il avant de couper la communication.

Luke le rejoignit à cet instant et Kylo Ren lui jeta :

« D’Acy, enfin, disons plutôt, Jacen et D’Acy ont réussi : Starkiller II n’existe plus. 

— C’est une belle victoire, pourtant tu ne sembles pas t’en réjouir, remarqua Luke.

— Castilon a également été anéantie, soupira Kylo Ren. L’éboulement a altéré la structure de l’oscillateur thermique, ce qui a fait imploser la planète. »

Le Jedi réfléchit brièvement avant de répondre :

« C’est une tragédie, mais personne ne pouvait prévoir que le rayon était chargé. »

Voyant que son fils ne réagissait pas, il ajouta :

« Ce qui est fait est fait. Tu devrais plutôt te concentrer sur toutes les existences que tu as permis de sauver en ordonnant la destruction de cette arme. »

Kylo Ren haussa le sourcil.

« Voilà un raisonnement bien peu Jedi, observa-t-il.

— Détrompe-toi, l’Ordre a fait son lot de victimes à travers les âges, rétorqua Luke. Durant le premier Empire et, même avant, de nombreux peuples ont péri au nom d’un idéal plus grand qu’eux. C’est le poids du pouvoir, qu’il soit Obscur ou Lumineux. Il va falloir t’y faire. »

Ren soupira.

« Ce n’est pas la seule chose qui me perturbe. Nul doute que Rey va utiliser ce faux-pas pour monter les opinions contre nous en nous accusant d’avoir détruit Castilon dans l’unique but de nuire à l’Empire. L’occasion est trop belle pour qu’elle la laisse passer.

— Je n’avais pas pensé à ça. Tu raisonnes exactement comme Leia quand il s’agit de politique et de stratégie, remarqua Luke avec une grimace. Je comprends ton inquiétude mais, pour l’instant, essaie de considérer cela comme une seconde victoire après la libération de Naboo. »

Kylo Ren conserva son air sombre.

« Un succès trop facile, si vous voulez mon avis. Je ne remets pas en doute les compétences réunies d’Holdo et de Garan mais cela m’étonne que Rey ait abandonné la partie aussi rapidement. Surtout aux vues de l’arsenal qu’elle avait déployé afin de conserver sa mainmise. Pourquoi envoyer les Chevaliers en renfort pour ensuite les rappeler après une seule bataille ? Ça n’a pas de sens.

— Rey manque d’expérience en la matière, remarqua Luke. Peut-être a-t-elle estimé que conserver Naboo ne valait pas le coup de sacrifier autant de ressources ? »

Son fils tiqua.

« Possible… Mais, je connais les Chevaliers, je les ai dirigés pendant longtemps. Ils ne sont pas du genre à battre en retraite devant une seule Jedi, qui, excusez-moi de le dire, n’est pas une combattante redoutable. Quelque chose nous échappe dans cette histoire. Rey a certainement un autre atout dans son jeu, sans cela, elle n’aurait pas capitulé aussi vite. »

Luke se rembrunit légèrement et Kylo Ren précisa.

« Je n’ai pas l’intention de diminuer les mérites de votre protégée. Il faut beaucoup d’habileté et de détermination pour mettre Ushar à terre comme on m’a raconté qu’elle l’a fait. J’avoue que je ne l’imaginais pas aussi puissante. Ce qui m’étonne, c’est que les autres ne se soient pas concentrés sur elle et aient choisi de prendre la fuite. S’ils l’avaient attaquée ensemble, je doute qu’elle leur ait tenu tête bien longtemps. Même si elle est plus forte que je ne le pensais, elle n’aurait pas pu les affronter tous. »

Le Jedi ne répondit pas, conscient de la justesse des propos de son fils. Il avait beau être fier de Kaydel, Ben n’avait pas tort : elle n’avait jamais brillé par ses aptitudes au combat. C’était déjà inespéré qu’elle ait réussi à mettre un Chevalier à terre.

« Bref, coupa court Kylo Ren. J’imagine que nous découvrirons bien assez tôt le plan de Rey. Pour l’instant, l’important est que Naboo soit débarrassée de la présence du Dernier Empire.

— Quand rentrent-ils ? 

— Pressé de retrouver votre jeune padawan ? plaisanta Ren. D’ici quelques jours, le temps d’aider les Naboos à réorganiser les choses sur place. Ce soir, ils fêtent leur victoire et, desseins obscurs de Rey ou non, ils l’ont bien mérité. A commencer par Kaydel et Dameron. Ce sont les deux héros de cette mission. »

Luke se crispa légèrement à la mention du pilote avant de s’obliger à se détourner de la jalousie qui lui étreignait le cœur à la pensée de le savoir avec sa protégée. En dépit de ce qu’il soupçonnait de Dameron, il avait toute confiance en Kaydel et en ce qu’ils partageaient. Pourtant, une fois de plus, il ne parvint pas à faire taire le pressentiment néfaste qui le taraudait depuis le départ de la jeune femme. 

Naboo,

Lorsqu’Holdo et Dameron rejoignirent le reste des membres de l’Equilibrium, la fête battait son plein et le pilote fut rapidement happé par la population, avide de le remercier d’avoir risqué sa vie pour les libérer. Amusée, et intérieurement fière, Holdo le suivit des yeux avec un sourire avant de se mêler à la foule, savourant leur victoire.

Munie d’une bouteille du meilleur vin que recelait les caves du palais et qu’un Naboo particulièrement reconnaissant lui avait offert, Kaydel s’était installée à l’écart du groupe des fêtards et descendait verre après verre, le regard vide. Elle était consciente que le vin ne changerait rien au fait que sa vie venait de voler en éclats mais au moins, cela lui réchauffait un peu le cœur. 

« Excellente cuvée, apprécia Poe en la rejoignant, un large sourire aux lèvres. Pas très gentil de garder ça pour toi toute seule.

— Sers-toi, rétorqua Kaydel d’une voix morne tout en repoussant la bouteille vers le pilote. Je vais me coucher de toute façon. »

Joignant le geste à la parole, elle se leva et vacilla. Vif, Poe passa son bras autour de la taille de la jeune femme pour l’empêcher de tomber, notant au passage que la bouteille était pratiquement vide.

« Combien en as-tu bu au juste ?

— Aucune idée, mais pas assez », marmonna Kaydel. 

Le pilote fronça les sourcils devant ce comportement inhabituel chez son amie. Jamais il ne l’avait vue aussi ivre.

« Je crois que l’héroïne du jour a assez arrosé la victoire, déclara-t-il d’un ton faussement léger. Je vais te raccompagner jusqu’à une navette, histoire que tu te reposes un peu.

— Héroïne du jour, tu parles, ricana Kaydel tandis qu’il l’entrainait. C’est facile quand on a ça dans le sang, » ajouta-t-elle avec amertume.

De plus en plus inquiet pour la jeune femme, Poe la conduisit dans la navette la plus proche, soulagé de trouver cette dernière inoccupée. Une fois à l’intérieur, il installa Kaydel sur l’une des couchettes et lui adressa un sourire. 

« Tu risques d’avoir un sacré mal de crâne demain matin », plaisanta-t-il en la voyant tanguer.

Contrairement à la réaction qu’il avait escomptée, son amie fondit en larmes et Poe grimaça.

« Ok. Si tu me disais ce qui ne va pas ? » suggéra-t-il en s’asseyant à ses côtés.

Il était certes pressé de rejoindre Holdo et le reste de ses amis mais pas en laissant Kaydel saoule et désemparée.

« Je ne peux pas, » comprit-il entre deux sanglots.

Le pilote réfléchit, cherchant ce qui pouvait la bouleverser ainsi. 

« Tu t’en veux pour ceux qui ont péri aujourd’hui ? tenta-t-il. C’est pour cela que tu es triste ? »

Même si Kaydel reconnaissait la nécessité de combattre pour défendre ses idéaux, il savait qu’elle n’aimait pas prendre les armes. Elle secoua négativement la tête, des larmes roulant sur ses joues.

« J’aurais voulu n’être jamais venue ici, bredouilla-t-elle finalement. J’aurais dû rester avec Luke. »

  Poe referma son bras autour de ses épaules et l’attira contre son torse.

« Chut… Je comprends, murmura-t-il. La journée a été difficile, tu as trop bu, tu te sens seule et Skywalker te manque. Mais, nous rentrerons bientôt à la maison et tu le retrouveras…

— Non ! Tu ne comprends rien, justement, s’énerva Kaydel. Jamais plus je ne pourrais être avec Luke ! Après ce qui s’est passé, c’est impossible, tu entends, impossible ! »

Stupéfait par son éclat, Poe tenta de la consoler.

« Tu dis n’importe quoi, ce vieux débris est peut-être bête et rempli de principes idiots mais il connait la guerre. Il ne t’en voudra pas pour…

— Je ne peux plus être avec lui. Pas en sachant … »

Kaydel s’interrompit net et Poe la regarda avec circonspection.

« En sachant quoi ? » l’interrogea-t-il.

Devant le mutisme prolongé de la jeune femme, il se souvint de l’émotion de Kaydel lorsqu’ils s’étaient retrouvés.

« C’est à cause de la vieille femme qui est morte ? Tu avais l’air bouleversée par son décès alors que tu ne la connaissais même pas, réfléchit-il à voix haute. A moins qu’elle ne représente plus pour toi ? Tu allais me confier quelque chose tout à l’heure, avant que Chewie et Lando ne nous rejoignent… Kaydel, qu’est-ce que tu allais me dire sur cette femme ? »

La tête de Kaydel lui tournait sous l’effet du vin et elle se sentit incapable de résister à la compassion de son ami.

« C’était ma véritable grand-mère maternelle, souffla-t-elle. Ma mère a été adoptée lorsqu’elle n’était encore qu’un bébé. »

Poe se troubla, cherchant quoi répondre, et elle poursuivit.

« Ma vie entière est un mensonge… »

Croyant comprendre, Poe soupira.

« Et, à présent, tu crains que Skywalker ne te rejette à cause de cela ? Franchement, je ne vois pas comment il pourrait t’en tenir rigueur, il faudrait qu’il soit complètement…

— Luke est mon oncle ! explosa Kaydel, tremblant de tous ses membres. Ma mère est la fille cachée que son père a eu avec la doublure de Padmé. »

Abasourdi, Poe la fixa.

« Quoi ? Mais… C’est absurde… Qu’est-ce que tu racontes, je ne comprends rien… »

Kaydel se mordit les lèvres au sang.

« Oublie ce que je viens de dire… Va rejoindre les autres.

— Non, protesta Poe. Kaydel, je suis ton ami et il est hors de question que je te laisse toute seule dans cet état. Explique-moi : qu’est-ce que c’est que cette histoire de fille cachée et de doublure ? »

Elle détourna le visage et il l’obligea à le regarder.

« Hey… Je sais que j’ai pas été à la hauteur dernièrement, mais cette fois je le serais. Tu as besoin de parler et je suis là. »

Kaydel hésita mais le besoin d’épancher sa peine fut plus fort que son désir de garder son secret. Et puis, Poe n’était pas n’importe qui, c’était son plus proche ami depuis des années et ils avaient toujours pu compter l’un sur l’autre.

« Tu me jures de…

— Muet comme une tombe, s’empressa de déclarer Poe.

— Pas même à Holdo ? Je ne veux pas que…

— A personne, » promit Poe, sincère.

D’une voix entrecoupée par les sanglots, Kaydel entreprit à voix basse le récit de sa rencontre avec Sabé et les découvertes qu’elle avait faites. Une fois qu’elle eut terminé, elle posa un regard rempli de larmes sur son ami.

« Elle a dit vrai, Poe. Ma mère était bien la fille d’Anakin. J’en ai eu la preuve au palais et je me suis souvenue de …Bref. Je ne pourrais plus jamais être avec Luke et je ne sais pas si je le supporterais. Je l’aime tellement, » avoua-t-elle, sa voix se brisant sur les derniers mots.

Choqué, Poe la considéra en silence quelques secondes avant de la serrer contre lui.

« Je suis désolé, murmura-t-il.

— Menteur, gémit Kaydel. Depuis le début, tu es contre notre relation, alors à présent, ne fais pas semblant d’avoir de la peine pour nous.

— Parce que j’ai toujours pensé, et je le pense encore, que tu mérites mieux que Skywalker, la corrigea le pilote. Mais ce n’est pas pour autant que je me réjouis de savoir que votre relation est devenue impossible. Tu es mon amie et ça me fait mal de te voir aussi malheureuse.

— Pardon, sanglota Kaydel. Je ne voulais pas m’en prendre à toi, c’est simplement que sans Luke… Poe, c’est l’amour de ma vie. Et je ne pourrais plus jamais être avec lui. C’est tellement injuste. J’ai envie d’hurler, de pleurer, de…

— Je sais, soupira le pilote tout caressant les fins cheveux blonds de la jeune femme afin de l’apaiser. Pleure tout ton saoul. Crie-moi dessus, si ça peut te faire du bien. »

Ils restèrent enlacés de longues minutes, les doigts de Poe passant inlassablement dans les cheveux de son amie. 

« Chut, murmura-t-il en l’embrassant sur la tempe, voyant que son chagrin ne s’apaisait pas. Tu n’es pas toute seule, continua-t-il. Jamais… 

— J’ai tellement mal, murmura-t-elle.

— Je sais, répéta Poe. Je suis là, je t’aiderais à aller mieux, je te le promets », continua-t-il, ses lèvres frôlant les joues humides et salées de la jeune femme.

Kaydel se tourna vers lui et leurs bouches s’effleurèrent. Sans réfléchir, Poe déposa un baiser léger sur les lèvres de la jeune femme puis un second.

« Je ne te laisserai pas tomber. Quoi qu’il arrive, je serais toujours là pour toi, » répéta-t-il contre ses lèvres.

  Il l’embrassa avec tendresse avant de se laisser emporter par la fièvre que lui procuraient la sensation de son corps contre le sien et la saveur au gout de vin de sa langue. Il dévorait sa bouche avec passion lorsqu’il se retrouva brusquement éjecté à quelques mètres de la couchette où ils se trouvaient. 

Dégrisée, Kaydel lui adressa un regard emplit de dégout. 

« Quand je pense que j’ai cru à tes belles paroles, cracha-t-elle. A ta soi-disant amitié désintéressée. Tu n’as pas changé. Toujours prêt à tirer parti de la moindre faiblesse pour attirer les femmes dans ton lit. Je plains Holdo, elle ne mérite pas ça. »

Partagé entre la honte, l’humiliation, l’incompréhension et la colère, Poe rougit.

« Pardon, je ne sais pas ce qui m’a pris, bafouilla-t-il. Je ne voulais pas, je ne cherchai pas, ce, ce n’est pas ce que tu crois…

— Laisse-moi, le coupa Kaydel, blême. 

— J’essaie juste de t’expliquer que

— Si tu veux que notre amitié ait une chance de survivre à ce que tu viens de faire, pars maintenant, » sanglota Kaydel, bouleversée.

Elle avait beau être en colère après Poe, elle ne pouvait se mentir : elle avait répondu à ses baisers. Même si elle ne pourrait plus jamais être avec Luke, elle l’avait trahi. Elle se massa les tempes, écœurée de son propre comportement. Comment avait-elle pu se laisser aller ainsi ?

« S’il te plait, Poe, va-t’en. Je ne peux pas parler de ça avec toi maintenant. Je n’arrive même plus à réfléchir. Je crois que je vais être malade. »

Devant le visage anéanti de son amie, Poe s’inclina.

« Je voulais juste te réconforter, rien d’autre, ce qui s’est passé était un accident, » répéta-t-il avant de s’en aller, le cœur en berne.

Chapitre 62                                                                                                 Chapitre 64