Son pas léger résonnait à peine sur le sol lustré de la demeure. Son jupon noir glissait sur le plancher dans un délicat bruissement de tissu. Dans la lumière pale du jour, sa peau semblait plus claire qu’auparavant et ses yeux plus sombres aussi...
Aucune larme ne coulait sur ses joues mais son visage gardait les stigmates de longues heures passées à pleurer son père et son fiancé disparus.
« Mademoiselle ? » L’appela Estrella en triturant ses mains.
Elizabeth s’arrêta au milieu du couloir pour regarder sa domestique.
« Oui ? répondit-elle laconiquement.
- Vous devriez vous alimenter Mademoiselle… » osa la servante en jetant un œil désolée à sa maîtresse.
Les paroles bien attentionnées de la domestique rebondirent sur la jeune femme. Ses joues émaciées trahissaient ses présentes priorités.
« Cutler Beckett m’attend. Nous verrons cela plus tard.
- Mais… » Poursuivit spontanément la brave femme, inquiète pour le sort d’Elizabeth et le sien s’il lui arrivait malheur.
Voyant la lueur angoissée dans les yeux de sa servante, la jeune femme se força à sourire.
« Prépare-moi quelque chose. Je mangerai après mon entretien, » déclara-t-elle.
Poursuivant son chemin, elle traversa le hall et aperçut l’envoyé des Indes à travers une fenêtre du salon.
Beckett se tourna vers elle tandis qu’elle sortait sur la véranda :
« Mademoiselle Swann, déclara mielleusement le lord.
- Que faites-vous ici ? demanda-t-elle abruptement.
- Sachez que j’ai dans l’obligation de vous visiter tous les jours. Je suis votre tuteur, à moins que vous ne préfériez que je m’installe ici ?
- Il est sûrement inutile que je réponde, lord Beckett ? rétorqua-t-elle, emplie d’ironie.
- En effet, poursuivit-il. Je constate que vous avez une mine à faire peur.
- Pas assez visiblement pour vous effrayer. »
Beckett sourit tout en s’approchant d’elle.
« Allons, pourquoi tant d’animosité à mon égard ? Je ne désire finalement que vous aider. »
Elizabeth le regarda d’un œil étonné :
« J’ai du mal à vous croire, répondit-elle enfin. Les hommes de votre espèce ne sont motivés que par leurs propres intérêts. Si vous m’aidez, c’est que vous y trouvez quelques obscures motivations. »
Cette fois, un rire froid secoua le giron du lord.
« Inutile de vous mentir. Je ne fais rien par altruisme ni par charité à l’instar de mes autres semblables. Cependant… »
Il s’approcha plus encore d’Elizabeth, si bien qu’elle sentit l’odeur poudrée distillée par la perruque de l’aristocrate.
« Je me répète, je ne peux me résoudre à vous laisser dans cette situation. Pensez ce qu’il vous plait de moi, cela m’importe peu mais ne doutez pas de ma volonté à rendre ce monde meilleur.
- En tuant des hommes ? Cracha la jeune femme.
- Ne soyez pas si naïve. Il ne s’agit pas d’hommes mais de criminels et d’assassins ! Ceux que vous avez fréquentés vous auraient violentée en d’autres circonstances. S’ils n’avaient pas trouvé un quelconque intérêt à vous garder en vie, vous ne seriez plus ici pour défendre leur cause. »
Elizabeth s’apprêtait à répondre quand les traits de Jack s’imposèrent dans son esprit. Pour être honnête, elle n’avait pas toujours été certaine de l’intégrité du pirate sans parler de celle de Barbossa et de ses hommes.
Un frisson courut le long de son corps en se remémorant sa captivité sur le Black Pearl et les menaces qu’elle avait essuyées. Par ailleurs, si elle se trouvait maintenant dans cette situation, c’était à cause de Jack…
Beckett dissimula un sourire en sentant l’interrogation qu’il avait suscitée en elle.
« Je n’ai pas besoin de vous pour me faire une opinion, déclara-t-elle enfin.
—J’en suis persuadé, poursuivit-t-il en accordant un regard furtif à sa poitrine enserrée dans sa robe noire.
—Est-ce tout ? demanda Elizabeth sans remarquer l’éclat lubrique qui brillait dans ses yeux gris.
—Non. Je vous annonce notre prochain départ pour l’Angleterre. Nous appareillons dans une semaine. Cela vous laisse le temps de vous préparer et de faire vos adieux à certaines personnes… »
Il avait doté ses dernières paroles d’un accent trainant et fort explicite. Une rougeur soudaine colora les joues de la jeune fille qui leva dignement la tête.
« J’y pense, reprit-il. Avez-vous parlé au Commodore à propos de votre père ? Je veux seulement m’assurer que vous m’accordez votre confiance en vue des présents liens qui nous unissent. »
Le rouge qui teintait les pommettes de la jeune femme s’éclaircit brusquement.
« Je ne vous retiens pas lord Beckett, » déclara-t-elle d’une voix blanche.
Ce même sourire ironique accroché aux lèvres, il s’inclina puis se dirigea vers sa voiture. Une fois installé dans l’habitacle, il déclara :
« Je m’amuse décidément beaucoup. Voilà une distraction bienvenue parmi les projets qui m’accaparent. Espérons que le jeu ne se termine pas trop tôt… Que pensez-vous d’elle Monsieur Mercer ? »
Ce dernier sortit son visage des ténèbres :
« Qu’elle devrait bientôt ployer, my lord. »
Tandis que l’attelage s’ébranlait, Beckett écarta le rideau pour apercevoir la demeure de la jeune femme.
« Pas tout à fait, répondit-il. Elle n’est pas encore assez fragile… Une fois à Sight Manor, Elizabeth Swann sera totalement sous mon contrôle. »
Un sourire se dessina sur les lèvres de l’homme de main en voyant le regard de son maître briller d’excitation.
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Oubliant la promesse faite à Estrella, Elizabeth grimpa vivement l’escalier et s’enferma dans sa chambre. Lasse, la jeune femme s’écroula sur son lit et enfouit son visage entre les oreillers. Ainsi, un puissant cri de peine et de frustration se perdit dans l’amas de tissu avant qu’elle ne se retourne enfin.
Le cœur battant, elle contempla un instant le plafond du baldaquin en songeant à son père. Depuis que Beckett lui avait avoué son suicide, elle ne parvenait pas à s’ôter le gouverneur de l’esprit. Elle le revoyait inlassablement dans ce cercueil trop étroit, les traits roidis par la mort et son propre portrait entre les mains.
Une brusque nausée la saisit et elle serra les draps entres ses doigts tremblants.
« Ce n’est pas possible ? Pas vous, père… » murmura-t-elle.
Sa vie entière venait de basculer avec toutes ses certitudes. Elle connaissait son père mieux que quiconque et elle ne pouvait croire à un tel geste.
« Non ! » s’écria-t-elle en se redressant.
D’un geste brusque, elle essuya une larme qui avait réussi à franchir la barrière de ses yeux.
Décidée, elle sortit vivement de la pièce et se précipita aux écuries.
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Le soleil déclinait à l’horizon, renvoyant au monde une lumière ambrée. Les portes du fort s’ouvrirent alors pour laisser sortir un homme monté sur un cheval gris. Les dorures sur sa veste militaire étincelaient dans le couchant, assorties au liseré bordant son tricorne. Cavalier émérite, il se tenait parfaitement en selle et avait fort belle allure. Sur son passage, les jeunes filles revenant de promenades rougissaient. Quant à leurs mères, elles s’éventaient en s’octroyant des pensées bien moins pures que leurs progénitures à son égard.
James Norrington était le meilleur parti de toute la colonie britannique et même de celles alentours. Il était jeune, riche, bel homme et bien né, tout ce qu’une fille de bonne famille souhaiterait avoir pour époux. Pourtant, une de ces jeunes personnes semblait ignorer quelle effervescence soulevait James parmi la bonne société de Port Royal…
Ce dernier salua à peine une baronne et sa fille installées dans une berline jaune lorsqu’il passa près d’elle. Il était las des œillades appuyées et des sous-entendus explicites qu’aucune de ces aristocrates ne manquaient de lui servir.
Avec soulagement il perçut enfin les contours de sa propriété. Descendant de cheval, il gravit les marches et fut introduit à l’intérieur par son majordome.
« Vous êtes encore plus ponctuel que moi, plaisanta James à l’adresse de son fidèle domestique.
-Est-ce possible, Commodore ? »
Un petit rire secoua le torse de James qui lui remit sa veste et son tricorne.
« Pardonnez-moi mais une jeune personne vous attend dans votre bureau, le héla-t-il alors que James s’apprêtait à monter dans ses appartements. »
Ennuyé par cette annonce, il se retourna en répondant plus froidement qu’il ne l’aurait voulu :
« Je ne suis disponible pour personne. Renvoyez-la. »
Depuis des semaines, et plus exactement depuis l’officialisation du mariage de son ex fiancée, le Commodore était assailli par les invitations et visites de filles à marier.
« Il s’agit d’Elizabeth Swann, Monsieur. »
James avait déjà grimpé la moitié des escaliers quand il fit demi-tour. Rapidement, il se dirigea vers son bureau et découvrit la jeune femme.
De noir vêtue, sa taille semblait encore plus fine qu’avant. Ses cheveux dénoués tombaient sur ses épaules, rendant ses mèches plus claires sur le tissu sombre.
« Elizabeth ?
- James, » s’exclama-t-elle.
Elle s’élança avant de se raviser, le visage soudainement rembruni.
« Vous ne devriez pas être ici, déclara-t-il avec un sourire.
- Ma réputation m’est complètement égale. Mon père n’étant plus, celle-ci n’a plus la moindre importance, » rétorqua-t-elle.
Il s’approcha d’elle avant de s’arrêter, stoppé par le bras que tendait la jeune femme pour mettre de la distance entre eux.
« Mon père s’est-il suicidé ? » demanda abruptement. Elizabeth.
James baissa un instant ses yeux verts avant de retrouver son regard.
« Le gouverneur a été retrouvé les poignets entaillés, » murmura-t-il.
Elle était désormais trop proche de Beckett pour la mettre dans la confidence. Cette suspicion à propos du lord pouvait la mettre en danger…
La jeune femme laissa échapper un gémissement de douleur en portant une main à sa bouche.
« Mais… c’est impossible ! S’exclama-t-elle. Père n’aurait... jamais… fait ça ! Non !
- Je suis désolé, » répondit James en s’approchant doucement d’elle.
Anéantie, elle s’appuya contre le bureau massif avant qu’il ne vienne passer un bras autour de sa taille.
« Comment a-t-il pu ? Souffla-t-elle en posant sa tête contre l’épaule du Commodore
—Il vous aimait plus que tout au monde, répondit-il. C’est tout ce que vous devez garder de lui… »
Epuisée, Elizabeth se laissa aller contre lui et ne sentit pas l’inconscience la gagner.
Seuls comptaient pour l’heure la voix de James et son torse plus solide que n’importe quel rempart.
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Lorsqu’Elizabeth ouvrit les yeux de nouveau, elle était allongée et une couverture avait été soigneusement déposée sur son corps pour la garantir du froid. Un peu perdue, elle cligna des yeux tandis qu’une voix soulagée s’élevait.
« Dieu merci Elizabeth vous voilà revenue à vous. »
La jeune femme fixa le Commodore Norrington et mit quelques instants à se souvenir de l’endroit où elle se trouvait ainsi que ce qui l’y avait amenée. Ses yeux s’embuèrent de nouveau alors qu’elle songeait à son père et la voix de James la ramena au présent.
« Vous sentez vous mieux ?
- Comment le pourrais-je, » souffla Elizabeth.
Elle leva ses mains vers son visage, malade de chagrin, mais James l’arrêta.
« Ne pleurez pas, il ne voudrait pas vous voir ainsi, vous êtes tellement…. »
Elizabeth attendit pendant que James posait un regard anxieux sur ses traits tirés par le manque de sommeil et de nourriture.
« Depuis quand n’avez-vous pas pris un vrai repas ? » Lui demanda-t-il abruptement.
Elizabeth soupira alors que la conversation lui rappelait celle qu’elle avait eue un peu plus tôt avec Estrella.
« Je ne sais plus… »
James se leva et sonna vigoureusement son domestique.
« Faites préparer un bouillon léger, des œufs mollets et du pain frais. Et faites cueillir des courbarils également ! » Sembla se souvenir James.
Là, il se tourna vers Elizabeth.
« Ce sont toujours vos préférés n’est-ce pas ? »
Médusée, elle hocha la tête tandis que le domestique s’empressait de sortir. James le regarda alors un instant, ému par la fragile beauté dont elle n’avait même pas conscience. En cet instant, elle était plus belle qu’elle ne l’avait jamais été à ses yeux, dépourvue de tout artifice féminin tel la coiffure ou des parures de bijoux et James dut se forcer à ne pas traverser la pièce pour la serrer contre lui.
« Comment le savez-vous ? »
Pendant une fraction de seconde horrible, James crut qu’elle voulait parler de son père à nouveau puis réalisa avec soulagement qu’elle faisait allusion au fruit. Ce qui le soulagea grandement, il lui déplaisait de mentir à Elizabeth, même pour son bien.
James la regarda.
« Vous les avez toujours aimés, dès l’instant où vous les avez goutés vous avez décidé que ce seraient vos fruits favoris. »
Elizabeth sourit tristement à ce souvenir qui la ramenait des années en arrière, à un temps où sa vie était encore insouciante, et leva ses yeux cerclés de noir sur James.
« James, que vais-je faire ? Lord Beckett m’a annoncé que nous allions partir dans une semaine tout au plus et, balbutia-t-elle.
- Pour l’instant vous allez manger, ordonna calmement James. Vous affamer ne vous sera d’aucune utilité face à Beckett. »
Une expression mélancolique passa sur le visage d’Elizabeth et elle soupira.
« A quoi bon ? Peut-être que cela serait plus simple ainsi, si… »
A ces mots, James se sentit défaillir sous l’angoisse et il la prit par les épaules.
« Comment osez-vous dire une telle chose ? Je vous l’interdis Elizabeth, je ne vous le permettrais pas ! «
Elizabeth soupira et reposa la tête contre l’épaule de James. Elle était si lasse, si fatiguée et pour la première fois depuis des jours, elle se sentait enfin en sécurité.
James avala brutalement sa salive, les mains qu’il avait crispées sur les épaules de la jeune femme se relâchèrent et il l’enlaça, laissant ses doigts s’enfoncer dans sa blonde douceur. Elizabeth releva les yeux vers lui et elle se rapprocha instinctivement. En ces instants où elle était plus perdue que jamais, elle ressentait le besoin d’être rassurée, cajolée, désirée…
« James, » souffla-t-elle.
Les doigts qui caressaient sa chevelure se crispèrent et Elizabeth put sentir le cœur du Commodore cogner dans son torse. Les yeux verts de ce dernier se posèrent sur l’ourlet de ses lèvres et il attira sa nuque à lui.
Leurs bouches se frôlèrent mais un toussotement gêné les fit sursauter.
« Pardonnez-moi Monsieur, j’avais cru comprendre que le repas était urgent. » S’excusa le domestique.
James pesta entre ses dents et se leva avec brusquerie.
« Posez cela sur le chevet. »
Elizabeth, le rouge aux joues, bredouilla.
« Je peux me lever.
- Pas tant que vous n’aurez pas mangé. »
Affamée et épuisée, Elizabeth ne résista pas plus longtemps et se rua sur le plat chaud avec appétit.
Assis non loin d’elle, James la regardait manger, animé par différentes pensées. Si les circonstances n’avaient pas été aussi dramatiques, il aurait savouré pleinement le fait de voir Elizabeth installée dans un lit, dans sa propre demeure. Mais le Gouverneur était mort et Elizabeth promise à un autre, à moins que Beckett n’en décide autrement. La pensée de Beckett amena un doute à James et il fixa Elizabeth qui terminait ses fruits avec une moue gourmande.
« Qui sait que vous êtes ici Elizabeth ? »
Ragaillardie par la nourriture, la jeune femme releva le visage d’un air bravache et le fixa droit dans les yeux.
« Personne. »
James avala brutalement sa salive. Elizabeth était seule chez lui, dans une de ses chambres et tout le monde l’ignorait. Un vertige saisit le Commodore et il songea à toutes les possibilités qu’offrait la situation avant de se reprendre. Elizabeth s’était tournée vers lui parce qu’elle lui faisait confiance. C’était une preuve de considération qu’il ne tenait pas à fouler de son désir quand bien même…
Elizabeth se tourna alors vers lui et interrompit ses réflexions.
« Je ne comprends pas comment j’en suis arrivée là. Beckett va m’emmener en Angleterre, Will est parti et Père… »
La voix d’Elizabeth se brisa sur les derniers mots et James se précipita vers elle, oubliant toute prudence. Il referma ses bras autour du corps maigre de la jeune femme et son cœur se serra en sentant ses os sous sa peau.
« Vous n’êtes pas seule, » souffla t’il.
Elizabeth leva ses grands yeux sombres sur lui et James raffermit son étreinte autour d’elle.
« Elizabeth, » commença t’il.
La jeune femme ne lui laissa pas le temps d’aller plus loin. Pour la première fois depuis la mort de son père, elle se sentait bien, à sa place, James était tout ce qui lui restait de son bonheur enfui et de ses rêves. Sans réfléchir, elle posa ses lèvres sur celles du Commodore.
Le désir, puissant, inonda le sang de James alors qu’il goutait ses lèvres. Elles avaient le gout du sel des larmes qu’elle avait versées pour son père et James se força à rompre leur étreinte. Elizabeth était faible, perdue, la séduire en cet instant serait indigne de lui comme de la jeune femme.
Sous sa bouche, Elizabeth inspira brutalement et détourna le visage avec tristesse.
« Pardonnez-moi. Sans doute n’aurais-je pas dû venir ainsi chez vous. Surtout après ce que je vous ai fait, James je suis si désolée. »
Le Commodore lui prit la main avec vivacité et secoua la tête.
« Vous avez été honnête, je ne peux pas vous en vouloir. Au contraire, cela me conforte dans mes sentiments, Elizabeth, je… » Commença-t-il, ému.
Elizabeth retint sa main dans la sienne.
« J’ai été stupide et aveugle James. »
Le cœur du Commodore manqua un nouveau battement tandis qu’elle l’attirait à elle.
« Elizabeth, ne faites pas ça, souffla t’il. Je ne saurais pas résister et vous…
- Je répare mes erreurs, » murmura Elizabeth avant de poser ses lèvres sur les siennes.
A la grande surprise de James, la langue de la jeune femme pressa doucement sa bouche pour la forcer à s’ouvrir et il sentit son corps chaud se plaquer contre le sien. Il inspira profondément l’odeur discrète de violette qu’elle dégageait toujours et glissa sa main dans le creux de son dos. Le baiser s’approfondit tandis que la respiration d’Elizabeth se faisait plus hachée. Inquiet, James se força à rompre leur étreinte.
« N’arrêtez pas, souffla Elizabeth.
- Elizabeth, votre honneur…
- N’a plus aucune importance pour moi je vous l’ai dit James. »
Le Commodore plongea dans les grands yeux sombres d’Elizabeth avant de glisser sur sa peau pâle que le noir de sa robe faisait paraitre de nacre.
« Personne ne sait que je suis ici et je ne voudrais être nulle part ailleurs, » souffla la jeune femme.
James sentit son cœur accélérer alors qu’elle posait négligemment la main sur sa cuisse. Son désir redoubla au contact à la fois innocent et familier et il cessa de le refouler. Ses mains agrippèrent les épaules de la jeune femme et il sentit son corps se tendre vers lui tandis qu’il prenait à nouveau ses lèvres.
Elizabeth, éperdue, se raccrocha à James. Elle savoura le vertige que son étreinte lui procurait et frissonna en percevant le désir qu’il avait d’elle et qui faisait tellement écho au sien. Ses doigts se glissèrent sur la nuque de James et elle bascula instinctivement en arrière pour lui offrir sa gorge que la robe de deuil découvrait largement.
Emporté par son désir, James la repoussa sur le lit tandis qu’il basculait avec elle. Tremblant d’excitation, il sentit les doigts d’Elizabeth effleurer sa chemise tandis qu’il plaquait son bassin contre les reins de la jeune femme sans la moindre pudeur. Ils étaient tous deux tellement pris par leur désir qu’ils n’entendirent pas les exclamations du majordome de James.
« Et bien j’ose croire que l’irréparable n’a pas encore été commis. » Ironisa Beckett.
James s’immobilisa net et rougit de honte à la pensée du spectacle qu’ils devaient offrir.
Un sourire sardonique se forma sur les lèvres de Beckett et il reprit.
« Voulez-vous bien vous lever de ma pupille Norrington ? »
James, honteux de sa conduite, obéit tandis que Beckett se tournait vers Elizabeth.
« J’imagine que je peux en conclure que vous avez fait vos adieux au Commodore ? »
Elizabeth ne répondit pas et Beckett claqua des doigts.
« Soit, Monsieur Mercer, veuillez accompagner Mademoiselle Swann jusqu’à mon équipage. »
Enhardie et revigorée par la nourriture, Elizabeth se redressa d’un bond.
« Vous n’avez pas d’ordres à me donner !! »
Beckett lui renvoya un regard ennuyé tandis que Mercer l’empoignait sans douceur. Elizabeth se tourna vers James, éperdue.
« Lord Beckett, » commença ce dernier.
Cutler le fixa.
« Allons Commodore, ne commettez pas l’erreur de vous interposer… » souffla-t-il d’un ton doucereux.
Le sang de James se glaça et il songea que s’opposer ouvertement à Beckett en l’absence de preuves de sa duplicité pourrait s’avérer aussi dangereux pour lui que pour Elizabeth. S’il avait raison et que le Lord était le vrai responsable de la mort du Gouverneur, il courrait lui aussi un risque. Cette perspective ne lui faisait pas peur pour lui-même mais s’il venait à lui arriver quelque chose, qui se soucierait alors de tirer Elizabeth des griffes de l’homme ? Aussi, la mort dans l’âme, James vit Mercer emmener Elizabeth.
Beckett le gratifia d’un signe de tête.
« Bien, je vois que vous avez retrouvé la raison. »
James inspira et se tourna vers Beckett. Les mots franchirent ses lèvres avant qu’il ait le temps de les retenir.
« Laissez-moi l’épouser.
- Je vous demande pardon ?
- Elizabeth…. C’est une charge pour vous, laissez-moi l’épouser et ainsi vous serez libérer de la contrainte qu’elle représente pour vous. »
Un ricanement méprisant échappa au lord et il le fixa.
« Décidément vous êtes plus stupide que je ne le pensais Commodore, vous laisser prendre à un piège aussi grossier… »
James le regarda avec doute et Beckett se pencha vers lui.
« Allons mon cher, ne me dites pas que vous n’avez pas remarqué que l’intérêt d’Elizabeth à votre égard a curieusement augmenté depuis que son fiancé l‘a abandonnée et que je lui ai annoncé son départ pour l’Angleterre, où je m’assurerais de brider ses fantaisies. Une chose à laquelle le Gouverneur aurait dû se résoudre depuis bien longtemps mais hélas il semblerait que le pauvre homme n’ait réalisé son erreur que récemment. »
Troublé, James le fixa.
« Que sous entendez-vous ? »
Beckett éclata d’un rire où perçait une pointe de cruauté.
« Dois-je vous rappeler la manière dont elle vous a éconduit ? Les témoins de la scène et dieu sait qu’ils sont nombreux, m’ont rapporté que ses paroles étaient sans appel. »
James blêmit à ce souvenir pénible mais il ne se laissa pas décourager.
« Ses sentiments ont changés ! »
Beckett secoua la tête d’un air navré.
« Allons Norrington.
- Laissez-moi l’épouser, le coupa le Commodore. Elle ne représente rien pour vous. »
Le lord le fixa avec cynisme.
« Vraiment ? J’y vois une merveilleuse opportunité de tester votre fidélité pourtant… Sans oublier qu’il me faut agir au mieux des intérêts de ma pupille, vous en conviendrez. »
James blêmit.
« Que voulez-vous dire ? »
Beckett sourit et reprit mielleusement.
« Que j’attends des preuves de votre loyauté Amiral, ainsi que de la véracité des sentiments de ma pupille à votre égard. »
James inspira et attendit la suite avec résignation.
« Six mois me paraissent un délai raisonnable ne croyez-vous pas ? Passé ce temps et une fois certain de votre mérite et de la constance de cette chère Mademoiselle Swann, j’autoriserais votre mariage. Un délai suffisant pour que la réputation de ma chère pupille n’en souffre pas, je pense que cette solution devrait satisfaire tout le monde, non? »
James sentit le regard rempli de défi de Beckett sur lui et, la mort dans l’âme, approuva. Il n’avait pas le choix…
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Ladypirate (jeudi, 24 mai 2012 20:07)
Ce chapitre est passionnant !!
Je suis persuadée que James saura attendre Elizabeth mais je ne suis pas sûre qu'elle puisse en faire de même, Beckett ne va pas la laisser tranquille et elle est tellement fragile la pauvre :(
En plus, si Lizzie apprend que Will est toujours en vie, je pense que (malheureusement) elle va à nouveau laisser tomber James... Sans oublier le capitaine Jack Sparrow !! Comment pourra-t-elle lui résister ? lol
En tout cas, Lizzie a l'embarras du choix ^^
Marquise des Ombres (jeudi, 24 mai 2012 20:24)
Merci Lady Pirate, contente que ce chapitre t'ait plu !
Elizabeth et la constance... grande interrogation ! Comme tu dis, elle a l'embarras du choix. Merci pour ta lecture !
JessSwann (jeudi, 24 mai 2012 21:22)
Coucou :)
Lol je vois que tu n'as plus beaucoup d'illusion sur Lizzie.
Pour Liz, elle pense surtout que Will l'a abandonné ... Quand à Jack il court vite.
Pour la suite de notre Liz..... a t'elle encore le choix ??
Ladypirate (vendredi, 25 mai 2012 17:14)
C'est vrai qu'il ne faut pas oublier qu'il y a Beckett et je sens qu'il a ici un grand potentiel de perversité, pauvre Lizzie !!
C'est très difficile d'imaginer la suite, il y a trop de possibilités lol !!!!!!
JessSwann (vendredi, 25 mai 2012 17:25)
Ah bah Beckett et perversité ça va limite de soi mdrrr