L’Empress, quelque part en mer,
Elizabeth Turner était assise à la table de travail qui avait jadis été celle de Sao Feng. Une moue concentrée sur le visage elle étudiait les cartes laissées par son prédécesseur. Elle ne savait pas exactement où aller et quoi chercher. L’or et les pierreries ne l’intéressaient pas mais elle savait aussi qu’il lui était impossible de reprendre une vie de femme rangée telle que la bonne société l’entendait. Son père était mort, tué par l’infâme Beckett et en lui disant adieu, elle avait aussi définitivement tourné le dos à Port Royal et à sa vie d’antan.
A présent tous ceux qu’elle avait connu et aimé étaient morts ou presque. James Norrington qui fut son premier fiancé avait sacrifié sa vie pour assurer sa liberté, tué par Bill Turner après lui avoir donné le seul baiser d‘amoureux qu‘ils aient jamais échangés. Tout comme Sao Feng qui était mort après l’avoir embrassée, emporté par un boulet de canon. Et que dire de Will ? Son mari, son amour, lui aussi avait donné sa vie pour elle, pour la sauver de Davy Jones alors qu’ils venaient juste de se marier. Et aussi, il y avait…
Un coup frappé à la porte interrompit le cours de ses réflexions.
« Capitaine, c’est l’heure. » La prévint Tai Huang qu’elle avait gardé comme second.
Sans un mot Elizabeth se leva et alla jusqu’à la proue du navire pour regarder le soleil se lever comme elle le faisait chaque matin depuis trois mois déjà. Toutes ses pensées, son âme et son être tournés vers celui qui l’avait choisie même en sachant quel genre de femme elle était, ce qu’elle avait fait pour sauver leurs vies, même au détriment de son serment fait à son père. Finalement William, l’avait choisie, elle. Il l’avait dit pendant cette fameuse bataille pendant laquelle ils s’étaient mariés. Sa voix résonnait encore douloureusement en elle
« Je t’aime, j’ai fait mon choix. Quel est le tien ? »
Finalement, Will avait renoncé à libérer son père pour elle, parce qu’il l’aimait, parce qu’il savait que poignarder le cœur de Jones les éloignerait à tout jamais. Will avait choisi, lui qui avait tant d’honneur, qui s’était tellement battu pour sortir son père de l’esclavage avait finalement choisi de devenir son époux, la plaçant au sommet de ses priorités. Comment aurait-elle pu hésiter ? Comment aurait-elle pu dire non à un homme qui venait de tourner le dos à toutes ses convictions et à ses promesses juste pour elle ? Il l’avait choisie et elle savait le sacrifice que ce choix représentait pour lui. Personne ne pourrait jamais l’aimer comme Will Turner le faisait. Jusqu’au bout, jusqu’à la fin, il avait donné sa vie pour la sienne.
Les yeux mi-clos elle repensa à leur mariage et au baiser qui l’avait consacré, à la magie de l’instant. Les bras de Will autour d’elle, sa bouche sur la sienne alors qu’autour d’eux la laideur et l’horreur de la bataille semblaient s’effacer. Elle soupira et regarda le premier rayon du soleil illuminer son horizon et annoncer le début d’une nouvelle journée.
« Je garde un œil sur l’horizon Will… »
Le Hollandais Volant, pas notre monde…
William Turner était assis dans ce qui avait été des siècles durant la cabine de Davy Jones et pianotait distraitement sur l’orgue. Chaque jour lui était plus difficile à vivre que le précédent, chaque jour il devait accompagner des malheureux qui ne comprenaient pas toujours qu’ils étaient morts et passés de l’autre côté. Ceux-là cherchaient désespérément à rejoindre une femme, un enfant ou une mère et chaque fois Will devait supporter le spectacle de leur détresse lorsqu’ils comprenaient enfin qu’ils ne reverraient jamais les êtres aimés ou alors dans longtemps. Que jamais ils ne verraient les enfants grandir et que la femme tant aimée était destinée à vieillir seule. Et ça détruisait l’âme de Will peu à peu. Dans chaque mari éploré il se reconnaissait, dans chaque description de celle laissée derrière soi il croyait deviner son Elizabeth. Il aurait tout donné pour pouvoir la serrer encore contre lui, sentir son odeur, goûter sa chaleur, lui faire l’amour. Il fut interrompu par son père.
« Fils, c’est l’heure. »
Mécaniquement, Will se leva et alla se poster à la proue de son navire. Chaque jour, il venait regarder le soleil se coucher. Il pensait invariablement à Elizabeth et se demandait ce qu’elle faisait, où elle était. Il repensa à leur mariage. Cette incroyable cérémonie où il avait saisi sa chance, où il lui avait demandé sa main. Il lui avait dit qu’il avait fait son choix. Ce n’était pas tout à fait vrai. En vérité si les choses s’étaient déroulées comme prévu, il n’aurait pas eu à choisir.
Il avait lu dans les yeux de Jack Sparrow sa terreur devant la mort, son désir d’être immortel. Non, il n’aurait pas dû être ici en train de jouer le transporteur d’âmes. Il devrait être dans les bras de sa douce Elizabeth avec son père que Jack aurait libéré une fois devenu Capitaine du Hollandais Volant. C’était leur accord à Jack et à lui. La seule chose qui l’avait empêché de le tuer. Parce que Jack devait poignarder le cœur et libérer son père. Lorsque Will avait dit à Elizabeth qu’il avait fait son choix, il l’avait fait le cœur d’autant plus léger qu’il pensait ne rien sacrifier.
Avec un soupir, Will regarda le soleil mourir à son horizon, le plongeant à nouveau dans les ténèbres éternelles qu’était sa vie sans Elizabeth.
« Garde un œil sur l’horizon Elizabeth… »
L’Empress, quelque part en mer
Elizabeth laissa un instant son visage profiter des doux rayons du soleil avant de retourner à sa cabine. Elle soupira, consciente des regards de son équipage posés sur elle. Elle savait que ses hommes la voyaient bel et bien comme leur capitaine et comme la reine des pirates qu’elle était de fait. Mais aussi que malgré son identité de femme, aucun d’entre eux ne tenterait de poser la main sur elle, pas parce qu’elle était reine ou capitaine. Mais parce qu’on la disait maudite.
Tous les pirates savaient qu’embrasser Elizabeth Swann, ou Turner selon qu’ils étaient ou non au courant de son nouveau statut, signifiait embrasser la mort. C’était pourquoi, aussi belle soit elle, aucun homme ne prenait le risque de s’approcher d’elle. Elle-même n’était d’ailleurs pas loin de partager l’avis général. Chaque homme qu’elle avait embrassé était mort peu de temps après. Ça avait commencé avec Jack puis Feng, James et pour finir Will, son propre époux. Elle rentra dans sa cabine et jeta une nouvelle fois un regard sur le coffre qui contenait le cœur de son mari avant de se replonger dans les documents laissés par Feng.
Elle en continuait la lecture plutôt ennuyeuse lorsqu’un mot attira son attention. Elle déroula le parchemin, les mains tremblantes puis déchiffra les mots sans oser y croire.
« Celui qui trouvera le péridot de Zebirget et qui viendra vers lui le cœur pur. Pourra demander à la pierre d’exaucer son vœu le plus cher »
Elizabeth sentit son cœur se remettre à battre au même rythme que celui qui se trouvait dans le coffre. Voilà son espoir de retrouver Will ! Elle allait trouver cette pierre précieuse et grâce à elle Will reviendrait pour toujours ! Avec un large sourire elle commença à calculer l’itinéraire qui la conduirait jusqu’à la Mer de Chine, sur l’île de Zebirget.
Fond sous-marin, quelque part quoi !
Celle qu’on appelait jadis Tia Dalma mais qui était à présent redevenue la puissante Calypso examinait attentivement la carapace de crabe qui s’étalait devant elle. A l’intérieur, elle suivait avec attention chacun des gestes de celle que les pirates avaient choisie comme reine. Elle sourit cruellement en voyant l’espoir fou commencer à envahir le visage de la jeune femme. Elle pouvait presque suivre chacune de ses pensées. Elle savait qu’Elizabeth rêvait de retrouver son cher époux, William Turner…
Du bout du doigt, Calypso caressa la nouvelle fenêtre qui venait de s’ouvrir devant elle et qui lui offrait une vue imprenable sur le Hollandais Volant. Ce que cette maudite Elizabeth ignorait c’était que le Hollandais Volant et son capitaine lui appartenaient depuis toujours. Et Calypso n’était pas du genre à se laisser voler ce qui lui revenait de droit.
Avec un sourire pervers, elle projeta son esprit à bord de l’Empress et lut le parchemin que venait de consulter Elizabeth.
« Oh. Murmura-t-elle pour elle-même. Le péridot de Zebirget, ambitieux ma petite. Surtout qu’il est spécifié que tu dois venir vers lui cœur pur, Elizabeth Turner. Cracha-t-elle. Es-tu donc si sure de toi ? Pauvre petite mortelle… »
Sur ces mots, Calypso revint dans son antre et lança les pinces de crabes qui allaient lui permettre de déchiffrer les augures.
« Guidés par le destin. » Énonça-t-elle avant de sourire devant l’avenir qui lui apparaissait.
Singapour…
Un homme, appuyé sur une canne, avançait à petits pas dans les rues de la ville. Son cœur était aussi noir que l’encre et il observait avec satisfaction les corps mutilés de dizaines d’hommes. Dans sa main, il tenait un morceau de parchemin taché de sang sur lequel étaient indiquées les coordonnées de l’île de Zebirget. Là où il allait trouver ce qui lui permettrait de remporter la victoire finale sur ses ennemis. Sans bien sûr qu’il y ait quoique ce soit de personnel là-dedans.
Il sourit et imagina les corps d’Elizabeth Swann et de Jack Sparrow les tripes à l’air devant lui. Il se voyait déjà posséder le cœur de Turner et ainsi le forcer à exécuter ses amis. Ça ou mourir, ce serait intéressant de voir quel choix ferait le jeune Turner. Sa vie ou celle de ses amis ? En attendant il se dirigea lentement vers le port, ses mouvements étaient difficiles depuis son dernier voyage en mer.
Il monta sur le navire qu’il avait fait affréter et qui attendait depuis deux mois qu’il vienne le commander. Un matelot approcha avec hésitation de lui.
« Nous sommes prêts à lever l’ancre Lord Beckett. »
Cutler se retourna. Son visage désormais atrocement brûlé apparut dans la lumière crue du jour et arracha un cri d’horreur au matelot. Sans sourciller, Cutler plongea son épée dans le corps du malheureux qui venait de dire à voix haute ce qu’il pensait chaque matin en voyant son reflet dans le miroir.
« C’est de bonne guerre. » Déclara-t-il avant de se tourner vers l’horizon, le cœur emplit de fiel et de projets de vengeance.
Écrire commentaire
Alice (vendredi, 25 juillet 2014 12:00)
J'adore le: "le hollandais volant, pas notre monde" et "fonds sous marins, quelque part quoi! "
Jess Swann (vendredi, 25 juillet 2014 15:45)
Lol oui je m'étais éclatée dans les localisations ici