Chapitre 7 : La piraterie dans le sang


Elizabeth attendit des heures que James revienne, le cœur serré alors que le temps s'écoulait inexorablement et la rapprochait du moment où l'aube se lèverait et où Will serait pendu. Finalement, le soir tombait sur Port Royal lorsque le pas désormais familier de James retentit dans l'allée. Sans attendre l'aide d'un domestique, Elizabeth se rua vers la porte et l'ouvrit à la volée.

« Beckett accepte de vous recevoir, Elizabeth, mais uniquement en ma présence et je crains qu'il n'y ait que peu d'espoir. Murmura James à regret.

- Il y a toujours un espoir tant qu'il y a quelqu'un pour y croire… » Répondit Elizabeth en passant une capeline à la hâte.

 

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Assis confortablement dans un fauteuil bien rembourré devant le feu nourri, Cutler Beckett regardait pensivement son verre lorsqu'Elizabeth et James firent leur apparition. Il posa son regard glacé sur eux et leur fit signe d'approcher.

« Madame Turner … J'ai été informé par le Commodore Norrington que vous souhaitiez me parler. En raison de la position qu'occupait votre père et du respect que j'avais pour lui, je vous écoute. Soyez brève je vous prie.

- Libérez Will et amnistiez le. »

Cutler éclata d'un rire froid avant de la regarder avec dureté.

« Je crains que ce ne soit pas possible et du reste pourquoi compromettrais je ma réputation et mon honneur pour cet homme ? »

Elizabeth s'approcha avec vivacité, un éclat dans le regard.

« Parce que Will est un homme bien. Parce qu'il a des valeurs et parce que ce serait un crime de le condamner pour un acte de charité qu'il n'a pas été le seul à commettre. »

Cutler leva pensivement son verre avant de boire une profonde gorgée.

« Vous ne lui avez rien dit Norrington ? »

James grimaça tandis qu'Elizabeth, surprise, se retournait vers lui.

« Me dire quoi ?

- Que je sais depuis le début le rôle que vous avez joué dans cette histoire, tout comme celui de James. Pour différentes raisons, j'ai choisi de ne pas vous inquiéter. Votre père m'a supplié de ne pas le faire tout comme James et William. »

 

Elizabeth rougit et s'approcha.

« Mais alors, pourquoi ne pas faire preuve de la même générosité pour Will ! C'est un homme bien.

- Ça c'est-ce que vous dites Madame Turner… J'excuse vos paroles ainsi que votre naïveté qui sont sans doute causées par un aveuglement hélas commun à tout les amoureux mais le fait est que Turner est un pirate et pirate il restera. Son père en était un. Il en est un à son tour. »

Elizabeth blêmit légèrement à ces paroles.

« Son père pourquoi parlez vous de son père ? »

- Oh voyons ma chère, Bill le Bottier… Son sang coule dans ses veines… Voilà pourquoi Turner ne peut bénéficier de la même indulgence que vous ou Norrington. Les pirates tout comme les hors la loi ont ça dans le sang. Peu importe l'éducation, le rang ou la chance qu'on leur donne, un jour ou l'autre le sang finit par parler. Aussi vaut-il mieux en finir dès qu'on en a l'occasion. »

 

Elizabeth recula légèrement et sa main se posa sur son ventre.

« Vous voulez dire que vous ne condamnez Will que parce que son père était un pirate ? A cause de son sang ? Mais…

- Le mal doit être éradiqué à la racine Madame Turner et la mauvaise graine ne doit pas avoir de chance de se développer en effet. Du reste il vaut mieux pour vous en finir avec Turner dès maintenant avant qu'il ait eu une chance de vous donner un pirate. J'ai toujours détesté voir les larmes des mères aux exécutions. Finit Cutler d'une voix songeuse. Sans doute ai-je trop de cœur. »

Elizabeth, tremblante, s'approcha de lui.

« Du cœur ? Vous n'en avez aucun espèce de monstre ! » Dit-elle en levant la main pour le frapper

Sans se démonter, Cutler regarda Norrington.

« Derrière cette porte il y a cinq gardes qui n'attendent qu'un geste de moi pour entrer. Essayez donc de calmer votre amie. Son intérêt n'est pas de me frapper. »

 

James s'approcha doucement d'Elizabeth et la saisit dans ses bras, l'empêchant d'aller plus loin.

« Calmez-vous …

- Du reste, pour vous prouvez que je ne suis pas dépourvu de cœur comme vous semblez le penser… Je vous autorise à aller dire adieu à votre mari Elizabeth. Déclara Beckett avec un gracieux sourire.

- Madame Turner ! Toujours.

- Si vous y tenez … Répondit Beckett avec indifférence. Emmenez la Norrington et surveillez-la. Cette visite que j'ai la clémence d'autoriser est sous votre entière responsabilité. Veillez à ce que l'incident de Sparrow ne se reproduise pas. Me suis-je bien fait comprendre ? »

La gorge brutalement sèche, James hocha la tête et entraîna Elizabeth qui tremblait de tous ses membres, le visage chaviré par les larmes.

 

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Elizabeth, suivie par Norrington se jeta aux barreaux de la cellule de Will, faisant sursauter ce dernier.

« Tu n'aurais pas du venir… » Murmura Will qui s'approcha et serra ses doigts autour de ceux d'Elizabeth.

Le visage bouleversé, celle-ci étreignit nerveusement sa main.

« J'ai vu Beckett. Will, il dit, il a dit que si tu étais pendu c'était parce que tu es le fils d'un pirate ! Cette décision n'est pas juste ! Il a dit que c'était la seule alternative pour ceux qui ont du sang de pirate ! Tu étais condamné depuis le début. Il faut te sortir de là ! »

Will le visage sombre accusa le coup tandis qu'elle se tournait vers Norrington.

« James, je vous en prie… »

Blême, James la fixa un instant, devinant ce qui allait suivre.

« Elizabeth ne me demandez pas ça…

- Vous seul pouvez le sortir d'ici. »

 

Alors que James se décomposait, un cliquetis lointain se fit entendre, suivi par un chuchotement quasi inaudible.

« Les gardes sont ici Elizabeth. Déclara lentement Will. Beckett ne fait pas confiance à Norrington. A la minute où je sortirais de cette prison vous serez arrêtés. »

Elizabeth se tourna vers lui, le visage ravagé par les larmes.

« Will ! Tu n'as pas le droit d'abandonner pense à nous, pense à notre bébé… Dit-elle plus bas.

- Seigneur… Murmura James qui entendit involontairement ses derniers mots.

- Justement Elizabeth j'y pense. Répondit Will en s'approchant doucement d'elle, le plus près possible. Même si cette évasion réussissait nous passerions notre vie à fuir, nous serions proscris de toute vie sociale ou de tout ce qui nous permettrait de mener une existence honorable. Ce n'est pas la vie que je choisis pour ma femme et mon enfant.

- Will ! » S'exclama Elizabeth en pleurs.

Le jeune homme caressa maladroitement sa joue et s'efforça d'essuyer ses larmes.

« J'aimerais parler quelques instants avec le Commodore Norrington si tu le permets. »

Elizabeth le regarda sans comprendre.

« S'il te plait … » Plaida Will.

Avec un soupir las, Elizabeth se leva et s'éloigna tandis que James se rapprochait.

 

Will regarda longuement le Commodore dans les yeux.

« Vous étiez là lorsque Beckett a vu Elizabeth ?

- Oui, Will elle dit vrai et je … Bon sang si vous saviez ce que je regrette…

- Vous n'avez pas de reproches à vous faire. Coupa vivement Will. Vous aviez tenté de me prévenir il y a des mois.

- Oui mais…

- Pour ça non plus. Coupa Will à nouveau. Mais il y a une chose que vous pouvez faire pour moi.

- Laquelle ? » Demanda James prêt à tout pour racheter sa conscience.

Le regard triste, Will prit la parole lentement.

« Si j'en crois les motivations de Beckett il est prêt à tout pour mettre fin à ma lignée. Enfin, à une lignée de pirates… Précisa-t-il d'un air désenchanté. Elizabeth, elle… »

Will s'interrompit et serra les poings à faire blanchir ses jointures.

« Elle attend un enfant. Souffla-t-il. Si Beckett apprend qu'il est le mien il n'hésitera pas …

- C'est à craindre. Murmura James d'un ton navré. Je devine ce que vous voulez. Je la mettrais en lieu sûr je vous le jure sur l'honneur.

- Ce n'est pas ce que je veux. Murmura Will avec regrets. Pas une vie de fugitive, Commodore … Est-ce que vous aimez Elizabeth ? »

 

La respiration de James se bloqua alors qu'il rougissait de honte.

« Oui… Murmura-t-il avec regrets. Mon dieu oui…

- Alors épousez-la. Rapidement et dites que l'enfant est de vous. Ainsi vous leur offrirez la vie qu'on ne m'a pas laissé leur offrir et dont je rêvais.

- Vous n'êtes pas sérieux… Lâcha James le souffle coupé.

- Je ne l'ai jamais autant été. Répondit Will. Mais, vous, seriez-vous prêt à le faire ?

- Oui mais elle n'acceptera jamais… C'est vous qu'elle aime Turner… Murmura James à regret.

- Je me charge de la convaincre James. Je sais que vous êtes quelqu'un de bien et que vous avez le sens de l'honneur. Peu importe ce que vous avez fait. Vous pensiez agir dans le sens de la justice, cela j'en suis sur.

- William…

- Vous voyez je ne fais plus l'erreur de croire que je suis le seul homme à se soucier d'Elizabeth… » Ajouta Will avant d'appeler sa femme sans lui laisser le temps d'argumenter.

Bouleversé, James se leva et s'éloigna de quelques pas, le cœur battant à tout rompre après la conversation qu'ils venaient d'avoir et le cadeau que lui faisait Will en plus d'un pardon qu'il savait ne pas mériter.

« Je vous laisse…. »

 

Will se tourna vers Elizabeth, le sourire forcé.

« Elizabeth lorsque tu m'as épousé, tu m'as offert tout ce dont j'avais toujours rêvé, même si ce bonheur n'a duré qu'une journée. Je t'aime.

- Moi aussi Will. Pleura Elizabeth, le cœur déchiré.

- Il y a une chose ou plutôt plusieurs que je voudrais que tu fasses pour moi.

- Je t'écoute. Murmura-t-elle en faisant un effort pour maîtriser ses sanglots.

- Je veux que lorsque demain matin on me pendra.

- Will !

- S'il te plait … Murmura-t-il la voix étranglée par l'émotion. Je ne veux pas que tu viennes. Je veux garder le souvenir de toi telle que tu m'apparais en ce moment … Belle, forte, courageuse. Parce que c'est de cette femme dont je suis tombé amoureux. »

Se mordant les lèvres pour retenir ses larmes, Elizabeth hocha la tête.

 

Will soupira et glissa une main sur son ventre.

« Je veux que tu sois forte pour notre bébé. Et je veux que, lorsque je ne serais plus là tu épouses James Norrington. »

Elizabeth ouvrit la bouche pour parler mais Will l'arrêta d'un geste.

« Fait le pour notre enfant. Norrington est prêt à lui donner son nom. Si vous faites ça rapidement personne ne pourra affirmer que je suis le père.

- Mais Will…

- Tu as entendu Beckett. Et si en tant que père mon seul acte est de protéger mon enfant en renonçant à toi alors je veux pouvoir le faire. »

Elizabeth le regarda, les yeux brouillés par les larmes.

« Ne me demande pas ça …

- C'est le seul moyen. Je ne le regrette pas Elizabeth. Je ne regrette rien de notre histoire jamais. » Murmura Will en glissant la main vers son ventre.

Le cœur au bord des lèvres, Elizabeth hocha la tête.

« Si c'est-ce que tu veux, s'il n'y a pas d'autres moyens alors oui. Dit-elle à contre cœur.

- Je veux une vie sure pour cet enfant et pour toi. » Se borna à répondre Will.

 

Les mains entrelacées sur le ventre d'Elizabeth, les deux époux se regardèrent longuement, chacun pensant aux moments si rares mais si précieux qu'il avait vécu aux côtés de l'autre.

« Je t'aimerais toujours Will, je ne t'oublierais jamais. Dit Elizabeth avec ferveur.

- Depuis le premier jour et jusqu'au dernier tu es la seule à mes yeux Elizabeth. Je t'aime. » Répondit Will d'une voix vibrante.

 

Un garde arriva brusquement. Il mit fin à leur moment de paix et les ramena à la réalité.

« C'est l'heure Madame. Je dois le préparer. »

Elizabeth poussa un gémissement étranglé tandis que Will la forçait à le regarder.

« Elizabeth, sourit moi, une dernière fois, je ne veux pas partir avec le souvenir de tes larmes. »

Elizabeth secoua la tête avant de se forcer à sourire, la bouche tremblante alors que ses larmes menaçaient. Will lui sourit en retour et lui caressa doucement la joue.

« Merci ma courageuse Elizabeth. Merci pour ce dernier cadeau que tu me fais. Dit-il alors que Norrington, pressé par le garde, s'approchait.

- Veillez sur elle Commodore. Dit-il simplement.

- Je le ferais. Répondit James se sentant stupide d'avoir lui aussi les larmes aux yeux.

- Je t'aime. » Dit une dernière fois Will qui tendit la main à travers les barreaux tandis que James, son bras passé autour de la taille d'Elizabeth pour la soutenir, l'emmenait.

 

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Le soleil se levait à peine sur Port Royal lorsque la foule des curieux se pressa à Fort Charles pour voir mourir William Turner. Les fers aux poings mais la tête haute, le jeune homme monta à l'échafaud, son regard semblant glisser sur la foule sans les voir. William ne prêta pas attention aux murmures avides de ceux qu'il avait côtoyés, ni à l'expression mêlée de fascination et d'horreur des visages tournés vers lui. Il ne vit pas plus la cinquantaine de gardes massés autour de la place pour l'occasion.

 

Il écouta d'une oreille distraite la longue annonce du crieur public, son regard portant loin dans la foule en direction de la maison d'Elizabeth. Lorsque le bourreau lui passa la corde au cou avec ce qui sembla être de la retenue aux observateurs, Will pensa à Elizabeth, à leur première rencontre lorsqu'ils étaient enfants, au premier baiser qu'ils avaient échangés sur ces mêmes remparts après une exécution qui n'avait pas eu lieu. Un vague sourire naquit sur ses lèvres au souvenir de leur unique nuit d'amour puis ses pensées s'arrêtèrent alors que le bourreau ouvrait la trappe sous ses pieds. Une fraction de seconde plus tard, Will Turner était mort, ses traits figés pour toujours en un sourire pour son Elizabeth.

 


Chapitre 6                                                                                                         Chapitre 8


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