Chapitre 34 : Le Conquérant


Anamaria avait passé des jours à Tortuga, pestant après Jack qui outre le fait d'avoir condamné Will à sa place, lui avait volé son navire. Elle avait entendu les rumeurs selon lesquelles Jack se mourrait dans sa cabine mais n'en avait pas été émue. Elle haïssait le pirate qui avait fait tant de mal au jeune forgeron dont elle était amoureuse. Anamaria avait bien compris que c'était le départ qu'elle avait arrangé pour Elizabeth qui avait précipité le seigneur pirate qu'elle connaissait depuis l'enfance dans la maladie mais n'en concevait aucun remords. Jack était mauvais. Il avait agi en égoïste et elle ressentait une joie sans mélange à l'idée qu'il puisse enfin souffrir comme il l'avait fait souffrir elle.

 

Elle avait donc finalement trouvé un petit navire et des hommes puis avait quitté Tortuga sans un regard en arrière, faisant confiance au compas pour la guider vers l'homme qu'elle désirait le plus au monde. Le tricorne vissé sur la tête, entourée d'un équipage plus que disparate, Anamaria s'efforçait de guider tant bien que mal le Conquérant entre les récifs et regrettait de ne plus sentir la légèreté du Black Pearl sous ses pieds.

 

Anamaria posa un regard froid sur les hommes qui s'agitaient sur le pont et qui ignoraient leur véritable destination. En effet, afin de ne pas effrayer des hommes qui ne lui étaient pas acquis et qui ne lui inspirait que de la méfiance, Anamaria avait préféré prétendre être à la poursuite d'un trésor et regrettait amèrement la fidélité naïve de l'équipage du Pearl. Machinalement, la jeune pirate ouvrit son compas et vérifia une fois de plus son cap qui lui indiquait où se trouvait Will. L'aiguille se mit à osciller avant d'indiquer sans hésitation une nouvelle direction vers laquelle elle dirigea son navire. Ce changement soudain de cap la fit soupirer de lassitude, elle en avait assez d'errer à la recherche du Hollandais Volant mais elle était décidée à retrouver Will et à offrir tout ce qu'elle pourrait en échange de la libération du jeune homme. Elle le sauverait quel qu’en soit le prix.

 

Elle secoua la tête et libéra son opulente chevelure sombre qu'elle laissa retomber en mèches soyeuses sur ses épaules sous le regard envieux de certains de ses hommes. Faisant semblant de ne pas s'en apercevoir, Anna retira le bandana jaune vif qu'elle portait avant de le réajuster sur son front. A cet instant Borti, son second, s'approcha d'elle d'un pas hésitant.

« Capitaine. Il y a un navire devant nous.

- Et alors ?

- Il a été coulé Capitaine. » Expliqua le second.

Anamaria sourit. Il ne lui restait plus qu'à attendre, Will serait bientôt là.

 

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Sur le Hollandais Volant, les hommes travaillaient durement et les muscles de Will avaient forcis grâce aux tâches que Jones lui avait imposées. Loin de le ménager, le Capitaine semblait prendre plaisir à le charger des choses les plus ingrates et les plus dures si bien que le soir Will s'écroulait sur le pont ou dans un quelconque coin du navire pour prendre quelques heures de repos.

 

Cependant il arrivait que Jones le demande dans sa cabine. Will s'y rendait toujours avec appréhension, anticipant les ordres spéciaux que Jones allait lui donner, son cœur battant la chamade lorsque son maître venait le rejoindre dans la tiédeur de la cabine. Will ne savait jamais ce que le poulpe allait lui demander et ce dernier semblait prendre plaisir à l'humilier, dispensant caresses et coups de fouet au gré de ses désirs les plus enfouis.

 

A la saveur des plaisirs interdits que Jones lui infligeait, Will avait presque oublié Elizabeth Swann. Le souvenir de la jeune femme s'estompait peu à peu tout comme l'émoi que lui procurait la pensée de la jeune femme. Il la trouvait toujours belle mais pensait de moins en moins à elle et guérissait de la blessure que son rejet lui avait infligé. Peu à peu, Will en vint à ne plus parvenir à imaginer une autre existence que celle qu'il menait, rythmée par les étreintes fugaces et profondes de Jones. Certaines fois, Will sortait de la cabine en tremblant, le cœur prêt à exploser de frustration parce que son maître ne l'avait pas autorisé à se libérer, le laissant partir pantelant après leur étreinte bestiale et le sexe gonflé d'un plaisir trop longtemps retenu. Will n'avait alors pas d'autre choix que de se réfugier dans un coin sombre où il faisait retentir ses râles tandis qu'il s'assouvissait.

 

Il croisait rarement son père, les deux hommes s'évitaient, gênés des circonstances de leurs retrouvailles. Chaque fois que Will croisait le regard bleu et triste de son père il lui semblait y lire une condamnation et une déception qu'il n'était pas prêt à accepter. Pourtant, chaque fois que Will sortait de la cabine de Jones, son père était là, un air navré sur le visage qui semblait lui demander pardon. A force de laisser traîner une oreille, Will avait appris que son père avait lui aussi été l'amant de Jones. Souvent il avait tenté d'aller voir Bill, de lui dire ce qu'il ressentait mais il ne parvenait pas lui-même à se l'expliquer. Will se sentait à la fois sale et excité par les caresses du Capitaine, ses reins appelaient toujours le sexe de Jones, allant parfois jusqu'à le supplier de le prendre lorsque le Capitaine se contentait d'introduire un tentacule en lui. Parfois des larmes brûlantes d'humiliation perlaient à ses paupières tandis qu'à quatre pattes devant Jones, il l'implorait de le prendre enfin, le cœur battant à l'idée d'essuyer un refus. Il n'avait plus honte de son désir car il avait renoncé à l'honneur. Il s'était vendu pour un père qui l'évitait mais même cela ne l'arrêtait pas et chaque étreinte lui procurait plus de plaisir que la précédente.

 

Jones passa à côté de Will et grimaça en voyant son air rêveur et sa peau encore lisse de jeune homme. Sans le regarder il lui désigna sa cabine du tentacule et Will leva un regard plein d'espoir, définitivement sorti de ses pensées. Jones continua sa route tandis que Will, frissonnant, se précipitait vers sa cabine, se demandant quel serait le plaisir du capitaine.

 

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Quelques minutes plus tard, Jones entra dans la pièce à son tour et eut un sourire cruel en lisant l'attente dans le regard de sa jeune recrue, non il ne lui permettrait pas de s'assouvir. D'un geste pressé, Jones défit son propre pantalon, il exhiba son sexe noueux et fit signe à Will.

« Dépêchez-vous maître Turner. » Dit-il avec un zeste d'ironie.

Will s'agenouilla sans un mot et prit le sexe de Jones dans sa bouche, il lui dispensa ses caresses humides tandis qu'il sentait sur sa tête la pince de Jones qui, lentement, lui imprimait le mouvement qu'il souhaitait le voir adopter.

 

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Anamaria attendait et faisait mine de ne pas remarquer les regards soupçonneux que lui lançait son équipage. Finalement, Borti se décida à approcher et prit la parole d'une voix bourrue.

«  Captain… Faut pas qu'on reste là, j'sais pas si vous savez mais bientôt le vieux Jones va venir faire sa moisson d'âmes. Et les gars et moi on veut ête bien loin quand ça arrivera. »

Anamaria se contenta de le toiser avec froideur et répondit lentement.

« Si tu as peur tu peux partir mais le navire reste ici. »

Le second la regarda avec un air d'impuissance désespérée et allait argumenter lorsque le Hollandais Volant jaillit dans une gerbe d'eau salée.

 

Anamaria elle-même recula avant de se reprendre, elle ne devait pas perdre la face devant ses hommes pas plus qu'elle ne devait se laisser impressionner par Jones qu'on appelait la terreur des mers. Elle avança lentement vers la proue du navire, sous les regards effarés des marins qui cette fois la pensait folle et prit une brutale inspiration. Elle était un seigneur de la piraterie à présent et il était temps que chacun le mesure et le comprenne. D'une voix forte elle s'adressa au Hollandais Volant.

« Davy Jones ! J'ai une requête pour toi et un marché à te proposer. » Cria-t-elle, reprenant inconsciemment les termes que Jack avait adressés au poulpe onze ans plus tôt.

 

Sur le pont du Hollandais Volant, un remue-ménage inquiétant salua ses paroles, les monstres se pressèrent au bastingage pour apercevoir celle qui avait l'audace de braver ainsi leur maître. Anamaria ne fit pas attention à eux et fouilla du regard le pont, cherchant à apercevoir Will parmi les esclaves de Davy Jones.

 

Finalement, Jones et son équipage se matérialisèrent brutalement sur le pont du Conquérant, faisant reculer les marins effrayés tandis que leur capitaine continuait à scruter la foule à la recherche des traits familiers du jeune forgeron. Le poulpe la jaugea quelques instants avant de se rappeler qui elle était.

« C'est Sparrow qui t'envoie ? C'est donc qu'il a du retard pour remplir la seconde condition de notre accord et qu'à mon tour je vais devoir le rappeler à ses obligations. »

Anamaria plissa les yeux, en colère.

« Jack Sparrow ne m'envoie nulle part et je n'ai que faire de son sort. Si je suis ici c'est pour d'autres raisons. »

Jones bourra sa pipe lentement avant de reprendre la parole, cherchant à évaluer l'impatience qu'il lisait dans le regard de la jeune femme.

« Vraiment ? Dans ce cas que veux-tu de moi ? »

Anamaria regarda brièvement derrière le capitaine et un sourire joyeux illumina un instant ses traits.

« Will… » Murmura-t-elle peinée par la maigreur et l'air de lassitude du visage du jeune homme dont les yeux sombres semblaient plus fiévreux que jamais.

 

Jones se retourna et la regarda étrangement, imaginant déjà comment il allait faire souffrir la jeune métisse.

« Ah… l'amour… » Siffla-t-il entre ses dents.

A ces mots, Anamaria sembla se rappeler de sa présence.

«  Je veux récupérer William Turner.

- Ah, et qui te prouve que je vais accéder à ta requête ?

- Je vous offre ce que voulez en échange. Déclara calmement Anamaria. Quel est votre prix ? »

 

Jones frissonna en entendant la décision et les sentiments qui faisaient vibrer la voix de la jeune femme et, lentement, leva un tentacule qu'il laissa glisser vers la chemise d'Anamaria. Elle ferma brièvement les yeux avant de les rouvrir, luttant contre la répulsion que provoquait le contact de l'appendice. Elle se força à rester immobile, si pour obtenir la liberté de Will elle devait vendre son corps elle y était disposée. Rien ne comptait plus que les grands yeux sombres qu'elle pouvait voir derrière le monstre qui continuait à s'insinuer sur elle, laissant une traînée poisseuse sur sa peau sombre. Anamaria sentit les boutons de sa chemise céder l'un après l'autre tandis que le tentacule continuait sa lente exploration de son corps. Finalement la torture cessa et Jones lui souffla sa fumée au visage.

« Ton corps ne vaut pas celui de Turner, je garde le gamin. » Ricana-t-il satisfait de voir la jeune femme rougir d'humiliation.

Anamaria avala sa salive et s'efforça de garder son calme devant l'insulte à peine déguisée.

« Et mon âme ? Pensez-vous aussi qu'une éternité à votre service ne vaut pas la liberté de Will ? »

Jones la regarda pensivement.

«  Tu serais prête à sacrifier ton âme, ta vie tout entière et plus encore, pour passer quelques années avec le jeune Turner ? »

Anamaria occulta sa crainte et répondit posément, puisant sa force dans le regard de Will.

« Oui. »

 

Jones eut un lent sourire et appela.

«  Maître Turner, approchez je vous prie. »

Will obéit, il jeta un bref regard à Anamaria, ne comprenant pas ce qu'elle attendait de lui.

«  Qu'y a-t-il Capitaine ? » Demanda-t-il en tremblant de crainte que l'autre lui demande de tuer Anamaria.

Il avait de l'affection pour la jeune femme, mais il savait que son glaive était au service du poulpe et qu'il ne se déroberait pas à l'ordre. Il ne risquerait pas de mécontenter Jones, pas pour Anamaria.

 

Cette dernière sentit une joie délirante s'emparer d'elle en voyant Will si proche, et ne put se contenir, elle se jeta au cou du jeune homme qui la reçut avec un air ahuri. Anamaria leva sa main et caressa tendrement la joue de Will, puis fouilla son regard à la recherche d'un signe de reconnaissance, tremblant de peur à l'idée que le Hollandais Volant ait commencé à dévorer l'âme du forgeron.

«  Will, je t'ai cherché partout. » Murmura-t-elle avec émotion, tendant les lèvres vers celles de celui que son cœur désirait.

 

Le jeune homme la regarda un instant, une expression fugace de reconnaissance passa dans son regard avant qu’il ne s'écarte. En voyant Anamaria il ne pouvait penser qu'à Elizabeth et à son rejet, au temps qu'il avait passé sur les océans à la chercher alors qu'elle n'avait pas hésité à le trahir. Il regarda la jeune femme qu'il n'avait jamais désirée et lut dans ses yeux le reflet de ce qu'il avait ressenti lorsqu' Elizabeth l'avait rejeté avant de se tourner vers Jones, semblant guetter un ordre de sa part, son corps frissonnant au souvenir de leurs étreintes.

 

Anamaria intercepta ce regard qui était plus celui d'un amant que d'un esclave envers son capitaine et sentit les larmes monter à ses paupières. Elle arrivait trop tard. Le Hollandais Volant avait déjà laissé sa marque sur lui Elle se maîtrisa, ne voulant pas perdre la face devant Jones qui la regarda avec ironie.

«  Je crois que Maître Turner ne souhaite pas cette liberté que vous vous offrez à marchander pour lui. Peut-être que le plus cruel serait encore de vous le rendre. » Ricana-t-il.

Anamaria se sentit perdre et fit un pas en direction de Will qui se rapprocha imperceptiblement de Jones. Ce dernier éclata d'un rire cruel avant de reprendre à l'adresse d'Anamaria.

« Je n'accepte pas ton offre Sorcière. En revanche j'accepte les âmes de tes matelots. Tuez-les tous. Sauf elle. » Ordonna-t-il en fixant Anamaria

La jeune métisse hurla lorsque les hommes de Jones commencèrent à massacrer son équipage, inondant le pont du Conquérant de sang. Elle leva son arme pour se battre et chercha à blesser Jones mais Will s'interposa et la retint par les épaules.

« Ne faites pas ça Anamaria je vous en prie. Vous ne réussirez qu'à vous faire tuer. »

 

Anamaria sentit les larmes brûlantes rouler sur ses joues tandis que retentissait le dernier cri d'agonie des hommes auxquels elle avait fait miroiter un rêve de richesse pour finalement les conduire vers la mort et l'esclavage pour ceux qui choisiraient le marché de Jones. Déjà ce dernier passait dans les rangs et répétait invariablement sa proposition aux mourants. Anamaria se laissa aller quelques instants dans les bras de Will, souhaitant à son tour en finir puisqu'elle avait échoué en tout. Jones se tourna alors vers elle et sourit cruellement.

«  Turner nous partons. Madame est libre de rejoindre la terre, seule ! » Ricana-t-il tandis que les marins désertaient le pont et laissaient Anamaria seule au milieu du bain de sang dont elle était responsable

 

La jeune femme, les yeux brouillés par les larmes vit le Hollandais Volant disparaître et emporter à son bord celui qu'elle avait tellement voulu sauver.

 

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Les heures s'écoulèrent, la nuit sombre et épaisse tomba sur le navire laissant Anamaria prostrée dans sa détresse et sa culpabilité, la rage et la haine au cœur devant le traitement de Jones. Finalement un sourire étrange étira ses lèvres alors qu'elle prenait le compas de Jack. Elle connaissait un moyen de se venger de Jones et d'obtenir Will. Elle n'avait qu'à trouver le coffre contenant le cœur de Jones, elle savait déjà où trouver la clef. Une fois cette arme en sa possession elle pourrait faire payer sa cruauté au poulpe. Le tricorne vissé sur sa tête et les yeux secs, Anamaria se remit en route. Elle n'abandonnerait pas Will, jamais.


Chapitre 33                                                                                                    Chapitre 35


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