James Norrington, dans l'ignorance totale des derniers événements et de la mort de son geôlier, s'éveilla après un lourd sommeil aviné. Regardant autour de lui, il s'aperçut rapidement que son environnement avait changé. En effet, il ne restait plus rien du décor de débauche qui l'entourait jadis, et surtout il n'y avait plus une seule goutte d'alcool pour le tenter.
Il secoua la tête et se frotta les yeux, les excès des derniers jours (semaines ?) l'ayant laissé incertain quant à la fiabilité de ses perceptions. James rouvrit lentement les paupières et s'efforça de calmer les battements sporadiques de son cœur. Non il ne rêvait pas, le paysage cauchemardesque qui l'emprisonnait jadis avait totalement laissé place au néant.
Promenant son regard ébahi autour de lui, James vit le fond des océans, spectacle grandiose que jamais être humain hormis Bill le Bottier en une certaine circonstance n'avait contemplé avant lui. Médusé par les splendeurs qui s'étalaient devant lui, James s'approcha d'un corail d'une couleur dont il ignorait même l'existence et en tendant la main pour le toucher, il rencontra une résistance.
C'est à ce moment, qu'observant plus attentivement l'endroit, où il se trouvait, il réalisa qu'il se trouvait bloqué dans une sorte de cage dont les parois ainsi que le sol étaient translucides. James sentit une goutte glacée lui descendre le long de l'échine, qu'est-ce que cette maudite pieuvre était encore allée inventer pour le torturer ? Pour ne rien arranger, il commença à sentir les prémices d'une soif irrépressible. Oh pitié, non pas maintenant, pensa t'il.
Mais les dieux ne devaient décidément pas être de son côté car son désir d'alcool se fit plus exigeant et mobilisait à lui seul l'ensemble de ses pensées rationnelles. James tenta de se reprendre et de maitriser cette pulsion en se concentrant sur les raisons qui avaient pu conduire Jones à modifier ainsi sa prison. Plissant le front sous l'effort et tentant d'ignorer les tremblements de ses membres, premiers signes du manque, il réfléchit intensément. Hélas pour lui, une seule idée l'obsédait : SOIF, criait son esprit.
Refusant, dans un reste de sa dignité d'antan de se laisser asservir, Norrington frappa le sol de ses poings jusqu'à ce que la douleur soit la plus forte et chasse ses démons. Les larmes aux yeux, il atteignit son but, et lorsqu'il se releva les articulations de ses doigts étaient en sang. James se mit à appeler et intima l'ordre à Jones de lui fournir des explications, se disant que ce dernier était "homme" à réagir à la provocation. Mais au bout d'un long moment, il dut se rendre à l'évidence: Jones ne lui répondrait pas.
C'est à cet instant qu'il la revit. La femme aux cheveux sombres, celle qui s'appelait Ellen. Oh pas elle, pas cette femme…songea t'il fugacement.
« Edward, mon chéri pourquoi me regardes tu de cette manière ? Lui demanda-t-elle, un léger sourire aux lèvres.
- Je ne suis pas Edward, je suis James, le Commodore James Norrington. Déclara t'il en détachant chaque mot, tant pour affirmer son identité à la femme que pour s'en convaincre
- Voyons ne fais pas l'enfant ! Tu es ridicule à force de toujours répéter cela ! Viens donc avec moi, John t'attend il a, nous avons quelque chose à te dire. »
John, mon frère. Cette idée s'imposa à lui comme une évidence et il se mit en devoir de suivre Ellen. Celle-ci le regarda faire avec un sourire malveillant et commença à le mener vers l'extrémité de sa prison. Autour de lui, imperceptiblement commença à apparaître le Plymouth des années 1200, tandis qu'Ellen le conduisait au bord du dernier bastion qui empêchait que la folie s'empare définitivement de son esprit. Alors que Norrington allait entrer de plein pied dans un délire permanent, une voix très lointaine l'arrêta.
« Commodore Norrington, que faites-vous ? »
Elizabeth ? Cette pensée suffit à faire reculer l'aliénation dans les méandres de son esprit. Il se retourna vers la direction d'où provenait la voix d'Elizabeth tandis qu'un sourire haineux déformait les traits d'Ellen
« Elizabeth ? C'est vous ?
- Commodore, ne la suivez pas, ce n'est pas vous qu'elle veut. »
James observa, fasciné, la femme qu'il aimait toujours s'approcher de lui. Vêtue d'une longue robe blanche et ses cheveux blonds ondoyant autour d'elle, il la trouvait plus belle et lumineuse que jamais. Elizabeth tendit la main pour l'éloigner du danger que représentait Ellen, matérialisant ainsi les efforts que faisait son esprit pour ne pas basculer dans la folie.
« Vous êtes James Norrington et non Edward. Insista Elizabeth.
- Ne l'écoute pas, tu n'es pas celui qu'elle croit, tu es Edward. » Contra Ellen.
Sous les assauts conjugués des deux femmes, James tomba à genoux, leurs voix se mêlaient dans sa tête, la confusion la plus totale régnait dans son esprit, c'était même pire qu'avant. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait et pour cause.
Avec la mort de Davy Jones, plus rien ne retenait tous les souvenirs et souffrances qu'il avait accumulés pendant des siècles et des siècles et ceux-ci s'étaient tout naturellement déversés dans l'esprit de Norrington. C'est pourquoi sa psyché était de plus en plus envahie par les souvenirs de Davy Jones qui tentaient d'annihiler totalement la personnalité du Commodore. Seule l'image d'Elizabeth et son amour pour elle, lui permettait de garder un semblant de raison.
En attendant, Norrington n'avait pas conscience de la bataille engagée dans son esprit pour sa santé mentale et ne comprenait donc pas ce qui lui arrivait, pas plus qu'il ne réalisait le caractère hallucinatoire de la présence d'Ellen et d’Elizabeth. Son cœur et son âme tout entiers vers Elizabeth, il repoussait peu à peu Ellen lorsque de nouvelles pensées vinrent l'envahir.
Elle est partie avec mon frère. James sursauta, il n'avait jamais eu de frère ou alors si ?
« Je ne sais plus. Gémit-il. Par pitié arrêtez de me torturer ainsi et laissez-moi mourir…
- Commodore ! Cessez immédiatement de vous conduire comme un lâche et relevez-vous ! L’exhorta la voix d'Elizabeth.
- Edward, viens à moi… » L'appela Ellen d'une voix caressante.
Elle est partie avec ce pirate, elle m'a quitté pour lui. Norrington ne savait même plus d'où lui venait cette pensée et laquelle des jeunes femmes elle concernait, il prit sa tête entre ses mains dans une tentative dérisoire pour expulser toutes ces pensées de son esprit. Un instant la terrible ironie de sa situation lui apparut dans son intégralité. Il était déchiré entre deux femmes qui l'avait toutes les deux quitté pour un autre (euh était ce bien lui qu'elles avaient quitté ?)
Jack Sparrow c'est lui qui m'a volé ma vie, James s'accrocha à cette certitude le plus possible et c'est alors qu'il vit se matérialiser le pirate devant lui. Elizabeth se détourna alors de lui pour s'approcher de Jack, un sourire tremblant aux lèvres. James ressentit à nouveau la souffrance que lui avait procurée cette vision, le temps n'en avait pas altéré l'intensité. Oh Elizabeth pourquoi lui ? Pourquoi cet homme ?
L'image d'Ellen s'imposa alors à lui et détourna son attention du couple enlacé.
« Tu vois Edward, cette femme n'est rien pour toi, viens avec moi. » Répéta-t-elle, tentatrice, en lui prenant la main.
James la suivit alors sans protester, le cœur en berne. Derrière lui l'image d'Elizabeth s'estompa et la lumière avec elle. Norrington s'enfonça dans les ténèbres à la suite d'Ellen qui l'amenait petit à petit vers l'extrémité de sa cage sous-marine.
Mon fils, tu m'as volé mon fils pour lui donner, à lui ! A cette pensée Norrington se rejeta violemment en arrière et son esprit refoula loin de lui l'image d'Ellen. Celle-ci disparut et James se retrouva nez à nez avec le Kraken, en effet ses pas l'avaient guidé jusqu'à l'endroit où se trouvait celui-ci.
James le regarda avec attention, libéré de toute crainte. Ainsi c'était cela le redoutable Kraken ! Envouté par le monstre, Norrington leva la main pour le toucher mais se heurta aux parois transparentes de son îlot. Il recula, déçu, il avait pensé pouvoir enfin en finir avec cette vie mais ce n'était pas le cas, apparemment.
Avant qu'il ait eu le temps de reprendre une contenance, les voix de son esprit recommencèrent à le harceler. Elles l'appelaient, chacune par un prénom différent. La mort dans l'âme Norrington se retourna vers elles. Ellen et Elizabeth, l'ombre et la lumière…
L'esprit de Norrington recommença son oscillation entre raison et folie jusqu'à ce que l'homme s'écroule, vaincu par la bataille qui assiégeait son âme.
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