Dix ans passèrent, durant lesquels, Jack visita de nombreux pays, écuma les mers et les océans du monde à la recherche de ce qu'il pensait être l'amour de sa vie, à la poursuite du symbole de sa liberté, le navire pour lequel il avait été jusqu'à vendre son âme au diable. Son corps se coutura de nombreuses cicatrices tandis que son cœur en restait exempt. Jack alla du Grand Nord aux Confins de l'Afrique, chassé par la Compagnie des Indes il traqua sans relâche l'homme qui lui avait volé son navire.
Pourtant à chaque fois qu'il parvenait à son but c'était pour découvrir que le Black Pearl s'était à nouveau volatilisé, comme s'il s'amusait avec lui.
Jack passa de tavernes en auberges, de catins en courtisanes, de marins terrifiés en soldats arrogants mais chacun lui raconta la même histoire. Il existait un navire démoniaque, un navire invincible dont on disait le Capitaine vomit par l'enfer lui-même. Un homme qui, disait-on, n'avait plus rien d'humain à la lumière lunaire. Un homme qui ressemblait à un squelette plus qu'à un être de chair, un homme pire que Davy Jones lui-même. Le Capitaine Hector Barbossa détruisait tout sur son passage, il ravageait, pillait et massacrait sans discernement, pirates, corsaires et marchands. La renommée de l'ancien second grandissait sur les mers du monde et les marins ne murmuraient le nom de son navire qu'avec beaucoup de crainte. On disait que le trésor qu'il avait accumulé était fabuleux et que Barbossa avait fait de l'île de la Muerta, une île légendaire renommée introuvable, son coffre au trésor.
Au tout début de sa traque, après avoir volé son premier navire, Jack avait tenté de retrouver le Pearl à l'aide du compas qu'il avait dérobé à Tia Dalma. Mais l'aiguille resta désespérément fixe, comme si toute la magie avait déserté l'objet, alors le pirate avait du se résoudre à reprendre sa poursuite avec des moyens purement humains. Il aurait bien sur pu retourner voir Tia Dalma, lui expliquer que son compas ne fonctionnait plus mais chaque fois qu'il prenait le chemin du bayou, quelque chose l'empêchait d'y arriver. Jack était comme un oiseau, il papillonnait entre les gens et les aventures, quittait les lieux avant d'être mis en cage et partait vers un horizon qu'il espérait chaque fois meilleur. Sa coiffure s'était agrémentée de souvenirs de ses différentes aventures les plus marquantes. Un os du renne qu'il avait tué à mains nues (si si !) dans les contrées froides de ce continent qu'on appelait l'Amérique. Des perles et colifichets colorés ornaient aussi sa chevelure et voisinaient avec la perle bleue un peu ternie par les années écoulées qui substituait comme ultime vestige de l'homme amoureux qu'il avait un jour été.
Jack avait écouté toutes les légendes et les histoires sur le Black Pearl, enrageant intérieurement lorsqu'on présentait Barbossa comme le « fameux Capitaine » alors qu'il n'était qu'un misérable voleur, traître, mutin valant à peine la corde pour le pendre. Il avait aussi appris que le Black Pearl attaquait toujours plus violement les navires en provenance d'Angleterre comme si Barbossa cherchait quelque chose. On disait aussi qu'au début, l'équipage du Black Pearl avait fait couler l'or à flots, dépensant sans compter dans les tavernes et bordels puis était brutalement devenu avare.
Jack avait ainsi interrogé une des catins que Bo'Sun, un de ses anciens hommes avait particulièrement goûtée un moment. Scarlett la rousse qui lui avait raconté que Bo' Sun lui avait remis une pièce étrange, ornée d'une tête de mort en paiement de ses services, pièce qu'elle s'était bien sur empressée de dépenser. Jack n'en avait pas pour autant perdu son temps et avait fait de la jeune beauté sa maîtresse parmi tant d'autres avant de l'abandonner dans la chambre d'une taverne dont il avait oublié le nom.
Durant ces dix années, Jack n'avait pas revu les personnes qui appartenaient à son passé, pas plus son père qui semblait avoir disparu de la surface de la terre, que sa mère et sa sœur, Cutler ou même Sao Feng. Comme s'il était un homme sans passé, sans existence avant l'abandon de Barbossa sur une île déserte. Il n'avait d'ailleurs jamais plus vu le navire qui était le sien et qu'on disait à présent quasi spectral, pourtant Jack savait qu'il reconnaîtrait son précieux Pearl entre tous. Il était le capitaine Jack Sparrow, connu pour sa ruse et pour être sans navire. Mais cette fois la coupe était pleine, il allait se rendre dans le bayou et demander l'aide de la seule personne qui pouvait le faire : Tia Dalma.
En effet, ça faisait des jours que Jack croupissait à Tortuga et se soûlait avec un certain Joshuamee Gibbs, un homme brisé par le service dans la Royal Navy, un homme comme Jack aurait pu le devenir s'il était resté au service de la Compagnie. Gibbs avait servi loyalement le roi pendant des années, jusqu'à ce qu'un jeune Capitaine nommé Norrington ne lui dise que la place des vieillards superstitieux qui avaient tendance à abuser de la boisson n'était pas dans l'armée mais plutôt dans les rues. Du jour au lendemain, Joshuamee s'était donc retrouvé à la rue sans la moindre ressource et avait tout naturellement épousé la voie qui s'offrait à lui : devenir brigand. Il s'était donc retrouvé parmi la vermine qui peuplait Tortuga et écoutait avant un sourire indulgent les délires du pirate qui se trouvait à côté de lui.
Finalement d'une voix à l'élocution douteuse, Gibbs asséna.
« Arrête Jack… Tu sais très bien que personne ne peut attraper le Black Pearl ! Ce navire est maudit et a été vomi par l'enfer, tout comme son capitaine.
- C'est moi son capitaine… » Affirma pour la centième fois un Jack à la voix fatiguée.
Avant que Gibbs ait le temps d'objecter à cela, une jolie blonde fit son apparition.
« Jack ! S'écria-t-elle d'un ton caressant
- Giselle ! Comment vas-tu ma belle ? »
La femme se jeta à son cou et lui colla un baiser humide sur la bouche que Jack rendit avec bonne volonté tout en faisant un clin d'œil à Gibbs qui sourit avec philosophie. Depuis qu'il connaissait Jack il avait constaté que ce dernier exerçait un certain attrait chez les femmes. Qu'elles soient catins ou aristocrates, jeunes filles ou femmes expérimentées, toutes se jetaient au cou du pirate. Il sourit en voyant Jack disparaître dans une chambre avec la fille.
A l'intérieur, Giselle se jeta sur celui qu'elle convoitait et couvrit son visage de baisers.
« Tu es revenu ! Enfin ! Tu m'as tellement manqué, alors ça y est, tout est arrangé ? » Demanda-t-elle avec une certaine angoisse dans la voix.
Jack réfléchit que lui avait-il promit à celle-là ?
« Non pas encore. » Déclara-t-il prudemment en jouant machinalement avec un des rubans de la jeune femme.
Le visage de Giselle prit une expression chagrine.
« Je t'avais bien dit que mon frère ne t'autoriserait jamais à m'épouser. Il préfère que je reste ici à faire ce travail ! »
Jack se maudit intérieurement. Comment avait-il pu promettre à cette petite catin qu'il allait l'épouser et la sortir du guêpier dans lequel elle s'était elle-même fourrée. Le mariage n'était pas fait pour lui encore moins avec une fille comme celle-là ! Adroitement il embrassa Giselle, avant de reculer pour la contempler comme si elle était le plus précieux des joyaux du monde. C'était tellement facile. L'instant d'après, Jack soupirait de plaisir dans les bras d'une femme prête à tout pour satisfaire son héros.
Jack s'en fut au milieu de la nuit, sans explications, conscient que la fille découvrirait un jour qu'il n'était que mensonges. Il sourit en remettant son tricorne sur sa tête, la fille avait été docile et douce et il pourrait sans doute en profiter encore peu gratuitement. Il sortit de la pièce en refermant la porte d'un air affecté et tomba nez à nez avec une jeune femme aux prunelles sombres, Jack reprit son sourire automatique et l'écarta doucement de son passage.
« Excuse-moi ma belle. »
La fille le regarda d'un air furieux et le rattrapa par le bras.
« Capitaine Sparrow ! » S'exclama-t-elle.
Jack la regarda avec plus d'attention, cherchant à se souvenir s'il avait déjà couché avec elle et laissa son regard errer sur les courbes généreuses de la jeune femme.
« Je ne crois pas qu'on se connaît. Lui dit-il en arborant un sourire charmeur.
- Vraiment ? Pesta la fille. Il y a dix ans, Capitaine vous avez abandonné une gamine de quinze dans un port étranger ! Une gamine qui ne parlait même pas un mot de la langue utilisée là-bas ! »
Jack sembla réfléchir un instant, l'incompréhension la plus totale sur son visage, jusqu'à ce que la fille perde patience et le gifle violement, le faisant hoqueter de surprise.
« Anamaria ! Je suis Anamaria ! »
Jack porta la main à sa joue, ramené dix ans en arrière… Il la reconnaissait maintenant. Elle était la petite dont il avait pris la défense à Port Royal et qui l'avait giflé.
« Toujours aussi tendre. Déclara-t-il en se frottant la joue
- Je vous ai aidé ! Et vous m'avez abandonnée ! »
Jack jeta un petit air inquiet autour de lui, la fille parlait fort et il ne tenait pas à ce que Giselle se réveille et ne joigne sa voix criarde au concert des reproches de celle-ci. Aussi il décocha un sourire ravageur à la jeune Anamaria.
« En effet mais j'avais une excellente raison pour cela. » Commença-t-il en avançant un peu vers elle, les yeux plongés dans les siens.
Anamaria se mordit nerveusement les lèvres, le regard dans celui de l'homme auquel elle avait pensé pendant dix ans, celui qui l'avait à la fois sauvée et trahie. Jack eut un petit sourire suffisant en comprenant ce qui se passait en elle.
« Tu étais trop jeune alors. » Murmura-t-il en glissant un doigt sur sa joue.
Anamaria, le fixa avec l'envie désespérée de le croire, de redorer le blason du seul homme parmi tous ceux qu'elle avait connus à avoir l'étoffe d'un héros. Jack sourit, il la plaqua contre le mur et la subtilisa ainsi adroitement aux regards sans qu'elle s'en rende compte. Anamaria n'y tint plus et l'embrassa langoureusement, savourant les lèvres auxquelles elle avait souvent pensé durant les années qui avaient fait d'elle une femme. Jack savoura l'étreinte avant de s'écarter.
« Voilà une bien meilleure entrée en matière Anamaria.
- Capitaine. Je suis capitaine à présent. »
Jack ouvrit de grands yeux étonnés. La petite était devenue pirate et capitaine qui plus est ! Avec un sourire il étudia la tenue masculine, le bandana jaune qui ornait les cheveux encore plus brillants que dix ans auparavant, le sabre qui pendait à la ceinture.
« Vraiment ? Et si tu me montrais ton navire… »
Anamaria lui sourit et le guida jusqu'à un bâtiment d'une taille plus qu'honorable qui amena un sourire radieux sur les lèvres de Jack. Avec un tel navire il pourrait aller jusqu'au bayou et demander à Tia de réparer son compas. Il se tourna vers Anamaria et l'embrassa légèrement.
« Anamaria ma belle. J'ai très envie d'en voir beaucoup plus. »
La jeune femme se laissa entraîner, pensant mener le jeu, et dans la cabine qui était la sienne s'offrit à celui qui l'avait abandonnée quand elle n'était qu'une gamine. Dès le lendemain, Jack persuada Anamaria de naviguer dans des eaux proches du bayou et inventa une histoire de trésor perdu propre à attiser la convoitise de tout pirate qui se respecte.
Les jours passèrent ainsi rapidement, Jack découvrait un peu plus la jeune femme chaque nuit tandis qu'Anamaria s'attachait un peu plus chaque jour. Un beau matin, ils arrivèrent suffisamment près du bayou pour que Jack songe à remonter le fleuve. Restait le problème de son encombrante maîtresse. Il avait dans l'idée que la présence d'Anamaria ne plairait pas à Tia. Jack remâchait donc ce problème, le regard fixé sur l'horizon et sa promesse de liberté, si proche et à la fois si lointaine. Anamaria glissa ses bras autour de sa taille, amenant un sourire agacé vite réprimé sur les lèvres du pirate.
« Où allons-nous à présent ? »
Jack fouillait toujours l'océan du regard et cherchait une issue lorsqu'il vit le banc de sable. Il sourit à Anamaria, le plus innocemment possible.
« Par-là ma belle. Le trésor est là. »
Sans hésiter Anamaria manœuvra dans la direction indiquée, pour se retrouver bloquée.
« Jack ! » S'écria-t-elle.
Le pirate lui décocha un sourire diabolique avant de se précipiter sur le bastingage. Il manqua de perdre l'équilibre devant l'équipage qui le fixait avec autant d'incompréhension que leur capitaine. Le pirate reprit ses appuis avant de se tourner vers eux avec un sourire satisfait.
« Mes amis, souvenez-vous de ce jour comme de celui où vous avez permis au Capitaine Jack Sparrow de »
Anamaria l'interrompit.
« Tu m'as utilisée ! »
Jack lui sourit et affecta un air contrit.
« J'en ai bien peur chérie. »
Anamaria le regarda, tremblante de rage et avançait vers lui lorsqu'un coup de canon creva l'air, les faisant tous se retourner dans la direction des assaillants. En reconnaissant le pavillon de la Compagnie, Jack blêmit et plongea, sans se soucier de ce qu'allaient devenir Anamaria et son équipage. Il nagea tant qu'il put, jusqu'au fleuve, sachant très bien qu'une fois dans le bayou il arriverait assez facilement à semer d'éventuels poursuivants pour rejoindre Tia.
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Au bout de quelques heures, Jack parvint à la cabane perchée dans les arbres, presque attendri de découvrir que rien n'avait changé. Il grimpa lestement les marches de bois et ouvrit la porte sans hésitations. En face de lui, Tia leva les yeux, un instant follement heureuse de le voir, avant de reprendre une contenance.
« Je te croyais mort. Ça fait combien de temps ? Huit ? Neuf ans ? Demanda Tia qui le savait parfaitement.
- Broutilles ! S'exclama Jack. Allons ma belle, le temps ne compte pas pour nous.
- Nous ?
- Oui nous ! Toi et moi. Commença Jack, l'air séducteur.
- Que veux-tu Jack ? » Le coupa brutalement Tia, agacée par son numéro.
Jack baissa les bras, sachant très bien qu'il n'aurait jamais le dernier mot avec Tia. Cette dernière semblait toujours savoir ce qu'il pensait
« J'ai besoin que tu répares mon compas Tia. Celui dont tu m'as fait cadeau.
- Que tu m'as volé !
- Si tu veux.Tia, je, j'ai perdu le Pearl. Barbossa me l'a volé. J'ai passé les dix dernières années à le chercher mais sans le compas…
- Je vois et qu'as-tu à m'offrir en échange de mon aide ? » Testa Tia.
Jack resta interdit un instant. Il n'avait pas prévu que Tia serait aussi froide à son égard. Avec un sourire sûr de lui, il se désigna.
« Moi, toute une nuit. » Déclara-t-il avec arrogance.
Tia en resta suffoquée. Ainsi donc voilà ce que Jack était devenu, un homme suffisant, froid, sans cœur pour qui seul comptait son foutu navire…
« Qu'est-ce qui te prouve que tu vaux un tel service ?
- Essaie-moi. » Murmura Jack en s'approchant d'elle.
A cet instant Tia sut qu'elle ne l'aimait plus, qu'elle n'aimerait plus jamais ce jeune homme aux prunelles sombres qui l'avait tant ensorcelé. La sorcière comprit qu'il n'était pas pour elle, qu'il ne l'avait jamais été. Cependant elle se devait d'obéir aux ordres donnés.
« On t'a volé le Black Pearl n'est-ce pas ? Et le mutin s'est emparé du trésor de la Muerta. »
Jack continua à faire mine d'être plongé dans la contemplation d'un cabochon égaré parmi les nombreux objets éparpillés dans la pièce.
« Et tu veux savoir comment récupérer ton navire. Murmura Tia. Pour cela tu dois trouver l'enfant. »
Jack interrompit sa fouille un instant.
« Quel enfant ?
- Celui qu'ils cherchent, celui qui possède la pièce. Celui dont le sang brisera la malédiction.
- Oh … cet enfant-là. Déclara Jack d'un air qui se voulait entendu.
- En effet. Seul le fait de briser la malédiction te rendra ton précieux Black Pearl.
- Donc, je dois trouver l'enfant…
- Tu dois trouver l'enfant. Confirma Tia en lui tendant le compas. Et n'oublie pas pour la prochaine fois. Il faut me payer. »
Jack prit le compas en souriant, ravi de s'en tirer à si bon compte et persuadé de ne j plus jamais avoir à faire appel aux services de l'inquiétante dame du bayou.
« Oh si … Tu reviendras Jack Sparrow… » Murmura Tia tandis qu'il passait la porte de sa demeure après un dernier regard qui se voulait empli de gratitude.
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Une fois Jack parti, la voix ironique de Tezcatlipoca emplit la tête de Tia.
« Tu lui as rendu le compas.
- Oui. Et je lui ai parlé de l'enfant. Et de la malédiction. Comme tu me l'as ordonné. Répondit Tia, un peu incertaine
- Il ne connaît pas le sexe de l'enfant ? Ni son nom ?
- Tu m'avais ordonné de ne pas parler de William Turner.
- C'est bien Tia, c'est parfait. Jack doit ignorer pour l'instant qu'il ne manque qu'une seule pièce à Barbossa. La pièce que son cher ami et soutien, Bill a envoyé à son fils avant que cet imbécile de Barbossa le tue. Enfin le livre à Davy Jones. Tout cela est parfait… » Ricana le dieu tandis que Tia frissonnait.
Elle savait qu'il était inutile de demander au dieu quels étaient ses projets. Sans rien dire, elle alla s'asseoir. Il suffisait d'attendre que le destin se mette en place.
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Jack progressa dans le bayou et trouva une barque légère. Sans hésiter il se l'appropria et passa à côté d'Anamaria et de ses hommes qui fuyaient les soldats de la Compagnie, sans le moindre remords. Il avait observé la jeune femme, elle s'en sortirait.
Une fois revenu en mer, Jack ouvrit le compas et sans hésiter, se dirigea vers l'endroit où se trouvait ce qu'il désirait le plus au monde et qui, ironiquement, était Port Royal…
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