Chapitre 15 : La légende en marche


 

Trois ans plus tard… Nassau.

 

Jack Sparrow courrait comme un dératé dans les rues de la ville, serrant entre ses mains la bourse bien remplie d'un marchand. Il finit par pénétrer dans une étroite ruelle sans la moindre hésitation, et finit sa course folle en se dissimulant derrière une sorte de statue, le cœur battant à l'idée que quelqu'un l'ai vu. Heureusement pour lui ce ne fut pas le cas et au bout d'un long moment, Jack put donc sortir de sa cachette et adopta à nouveau le pas nonchalant et le sourire désinvolte qui étaient les siens la plupart du temps. Il s'admira un instant dans la vitrine d'un marchand où lissa sa moustache et prit des mines. Il avait bien changé depuis l'époque où il n'était qu'un gamin qui rêvait en regardant l'horizon.

 

A présent il avait mûri et s'était surtout endurci. Il avait dit adieu à ses rêves de gamin, jamais il ne serait un homme « honorable » comme son père l'était il y a si longtemps, pas plus qu'il ne fonderait une famille ou ne ferait ses preuves au sein de la Royal Navy. La marque indélébile que lui avait laissé Cutler avait modifié son destin et l'avait fait changer lui aussi. Jack ne pensait pas devenir un pirate, cependant n'avoir aucun soucis, personne pour lui dire ce qu'il devait faire, pas de femme à ménager, pas d’enfant à élever, n'était-ce pas ça la vraie liberté ? Finalement sa vie était assez plaisante, sans soucis, sans contrainte, enfin si on exceptait que le grand projet de Jack ne s'était toujours pas réalisé. Il n'avait pas encore son propre navire et il lui languissait de s'entendre appeler Capitaine Jack Sparrow. Puisque tout le reste lui avait été refusé, ce ne serait que justice que ses ambitions soient au moins satisfaites dans ce domaine.

 

Il fut sorti de ces considérations par le passage en voiture d'une jeune fille à la mine très avenante mais au regard si triste que Jack en fut piqué par la curiosité et la suivit jusqu'à son domicile. Il eut un petit sourire carnassier en la voyant descendre de sa voiture et admira sans réserve la tournure, le cambré délicat du dos et les cheveux d'un noir de jais de la jeune fille. Son sourire s'accentua encore à la vue de l'homme qui venait à la rencontre de la jeune fille avec une expression qui ne laissait aucun doute sur ses sentiments. Ainsi donc le gouverneur de la très riche Nassau était amoureux d'une jouvencelle qui avait au moins la moitié de son âge. Jack ne put s'empêcher d'avoir pitié de la demoiselle. Une si jolie fille, qui allait à coup sûr terminer dans les bras de cet affreux barbon, victime du jeu des alliances et des ambitions de ses parents.

 

Quelques jours plus tard …

 

Jack se trouvait toujours à Nassau et l'argent commençait à manquer cruellement. Depuis son aventure qui l'avait conduit à se terrer une nouvelle fois comme un rat, il se montrait plus prudent. La prison l'ennuyait profondément et il n'avait pas envie d'y entrer encore une fois. Il se trouvait donc en pleine hésitation sur ce qu'il convenait de faire lorsqu'il aperçut la jeune fille qu'il avait suivi quelques jours auparavant. Celle-ci, seule, se dirigeait vers l'église ce qui arracha un soupir exaspéré à Jack. Quel problème avaient donc toutes ces jolies demoiselles pour préférer la froideur hostile d'une chapelle à la douce chaleur du soleil sur la peau ou des embruns sur le visage ? Néanmoins celle-ci lui plaisait, enfin plus exactement sa chute de rein lui plaisait, aussi Jack pénétra-t-il dans l'église derrière elle et affecta une foi religieuse qu'il était très loin de ressentir.

 

Les yeux embués de larmes la jeune fille priait avec une ferveur que Jack avait rarement observée. Il prit le temps de lisser sa moustache avant de s'approcher d'elle, l’air détendu.

« Pourquoi une telle ferveur ? »

La jeune fille leva ses prunelles noisette sur lui, rouge d'embarras de constater que c'était bien à elle que cet homme s'adressait. Pour toute réponse elle baissa vivement les yeux ce qui fit naître un sourire amusé sur les lèvres de Jack. Il se pencha sur elle et murmura doucement à son oreille.

« Une jeune personne aussi ravissante que vous ne devrait pas perdre son temps en prières mais au contraire profiter de la vie et de tout ce qu'elle peut lui offrir. »

La jeune fille leva les yeux sur lui à nouveau avant de répondre d'un ton pincé.

« Je ne vois pas en quoi ça vous concerne nous ne nous connaissons pas et vous m'importunez. »

Jack sourit. Elles disaient toujours ça au début. Il se pencha à nouveau sur elle et prit l'air concerné.

« Allons, cessez de vous morfondre et racontez à Jack ce qui vous chagrine à ce point.

- Je ne vois pas pourquoi je vous raconterai ça ! Je ne vous connais pas. S'insurgea la jeune fille sans toutefois se décider à partir.

- Jack, Jack Sparrow pour vous servir Mademoiselle. » Répondit moqueusement Jack en s'inclinant.

 

Pour toute réponse la jeune fille se leva et s'éloigna sans dire mot, ses pas résonnant durement sur le sol de l'église. Jack, un regard ironique, la regarda partir et se jura qu'il l'aurait. Après tout personne ne pouvait lui résister, non ?

 

Jack se laissa donc vivre, comme à son habitude en cherchant des rapines occasionnelles et de quoi subsister. Il s'arrangeait pour croiser régulièrement la jeune fille et lui adressait des sourires sans toutefois se risquer à lui parler.

 

Cette situation dura jusqu'à ce que son ingéniosité ne lui permette de trouver un moyen de s'introduire au dîner de fiançailles du gouverneur et de la jeune fille. Il ne put s'empêcher de sourire devant l'étonnement de celle-ci en se voyant présentée à Lord Downey, un noble anglais un peu excentrique, actuellement en visite à Nassau. Avec flegme il baisa sa main et ses lèvres s'attardèrent sur la peau douce de la jeune fille.

« Les félicitations s'imposent mademoiselle Viviane. Je suis sûr que le plus grand des bonheurs vous attend.

- Je, sûrement monsieur. » Bredouilla-t-elle troublée par son discours qu'elle savait teinté d'ironie.

 

Jack passa une bonne partie de la soirée à passer de groupe en groupe. Il évaluait la fortune étalée devant ses yeux, un sourire gracieux aux lèvres mais songeait pour lui-même que cette société vaine et ennuyeuse était vraiment détestable. Un instant il eut une pensée pour sa mère, Karolina, qui assurément aurait été heureuse de le voir évoluer dans ce cercle. Ça aurait pu être son destin du reste s'il n'y avait pas eu cette marque. Mais il était trop tard à présent, il était un pirate et à tout prendre Jack ne le regrettait pas. Il se faufila dans une pièce qu'il avait repérée un peu plus tôt et avec un sans gêne déconcertant commença à fouiller les tiroirs et à entasser tout ce qui pouvait avoir de la valeur. Mais un grincement mit tout ses sens en alerte et d'un geste machinal, Jack porta une main au pistolet qu'il avait dissimulé sous ses vêtements avant de se détendre en reconnaissant la jeune fille qui venait d'entrer.

« Oh la future mariée… Pleine de bonheur et rosissant d'émotion. » Se moqua-t-il en continuant sa fouille minutieuse.

 

Viviane le regarda, ébahie par son sans gêne.

« Mais qui êtes vous donc ? »

Jack s'approcha d'elle. Il sourit largement et posa un bras contre le mur.

« Qui je suis ma belle ? Je suis un pirate sans âme et sans cœur venu dans cette maison pour y dérober tout ce qui peut avoir une quelconque valeur. Je compte bien ravager et piller toutes les richesses du vieillard auquel vous êtes fiancée. »

Viviane déglutit, elle savait qu'elle aurait dû crier mais le charme de cet homme la retint de le faire. Elle le regarda intensément et chercha à voir s’il était sérieux.

« Tout. Tout son argent. Vous comptez lui voler toutes ses richesses ? L'interrogea-t-elle dans un souffle.

- Tous les trésors ne sont pas d'argent… Murmura Jack en caressant sa joue. Et vous êtes beaucoup trop belle pour être offerte à ce vieux débris. »

 

La respiration coupée, comme hypnotisée Viviane regarda la bouche de l'homme se rapprocher de la sienne avant de la prendre avec exigence. Jack la relâcha au bout d'un long moment et souffla à son oreille.

« Laissez-moi exaucer vos prières, laissez-moi vous montrer ce qu'est un homme. »

Viviane recula brutalement, consciente qu'elle devrait être choquée par ce que sous entendait cet homme. Cependant il était séduisant et elle devait s'avouer que la pensée des mains du Gouverneur sur elle la faisait frémir. Peut-être que cet homme pourrait… Mais c'était péché.

 

Jack suivit avec attention le cheminement de pensée de la jeune fille et attendit, son corps frôlant le sien, sûr de lui. Au bout d'un moment Viviane leva un regard vers lui sans dire un mot. Jack sourit avec vanité. Il avait gagné. Avec des gestes mesurés il commença à défaire le corsage, arrachant au passage un morceau de la dentelle dont il était recouvert, et embrassa profondément la jeune fille.

 

Leurs ébats à peine terminés, ils furent interrompus par l'arrivée d'un gouverneur furieux de constater que sa fiancée n'avait plus rien de virginal s'il en jugeait par le désordre de sa tenue. Jack les regarda alternativement d'un air amusé.

« Je crois que vous allez avoir beaucoup à vous dire. Viviane, ma douce, vous êtes parfaite.

- Lord Downey ! Gronda le gouverneur. Je vous demande réparation pour cet acte inqualifiable ! »

Jack poussa un soupir exaspéré. Dieu que ces emperruqués pouvaient être stupides.

« Je ne suis pas Lord Downey. Je suis Jack Sparrow. Je suis un pirate. Affirma-t-il fièrement avant de porter le morceau de dentelle arraché à ses lèvres. Un souvenir délicieux ma belle… » Dit il avant de ramasser les objets précieux qu'il avait entassés.

Jack se dirigea vivement vers la fenêtre et se retourna une dernière fois vers Viviane qui ne put s'empêcher de sourire en voyant la mine dont il la gratifia.

« Ce fut un plaisir madame future gouverneur ! » Dit il avant de sauter.

 

Le gouverneur de Nassau explosa de rage et en un instant l'intégralité de la garnison de la ville fut aux trousses de Jack Ce dernier courut dans les rues comme un dératé et ne trouva cette fois aucun coin où se dissimuler. Il frémit en entendant le gouverneur lancer d'un ton rageur qu'il offrirait cinquante pièces d'or à celui qui lui rapporterait la tête de ce Sparrow. Les soldats, galvanisés par cette annonce, coururent dans les rues de la ville, jusqu'au port où leur zèle à le rechercher détruisit beaucoup d'échoppes.

 

Jack, en nage, se retrouva acculé dans une impasse et il eut beau regarder autour de lui désespérément aucune issue ne s'offrait à lui.

« Bugger … » Murmura-t-il alors qu'il entendait le bruit des bottes se rapprocher dangereusement de son refuge illusoire.

C'est alors qu'il lui sembla entendre résonner la voix de Tia Dalma. Il tâtonna dans sa poche et sentit avec un soulagement immense le bouchon de la fiole qu'il lui avait dérobée.

« Prends la le jour où tu te sentiras vraiment acculé… » Avait dit la sorcière.

 

Pour Jack il ne fit aucun doute que ce jour était arrivé. Résolument il avala le contenu de la fiole alors que les soldats débouchaient dans l'impasse où il se trouvait. Jack, le cœur battant, attendit le coup des soldats. Mais rien ne vint. L'un d'entre eux lui demanda même s'il avait vu passer un pirate affreux aux longs cheveux noirs et au regard diabolique. Jack contint son étonnement et répondit d'une voix claire qu'il n'avait assurément rien vu sur quoi les soldats s'éloignèrent sans lui prêter plus d'attention.

 

Remettant à plus tard ses réflexions sur ce fait curieux, Jack s'éloigna rapidement et embarqua discrètement sur un navire prêt à partir tandis que les soldats mettaient à sac le port en le recherchant. Jack l'ignorait encore mais cet épisode ferait le tour du monde et serait une des premières pierres de sa légende : Celle de Jack Sparrow, l'homme qui avait mis à sac le port de Nassau sans tirer un seul coup de feu !


Chapitre 14                                                                                                  Chapitre 16


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Commentaires: 1
  • #1

    anana.kiss (mercredi, 02 décembre 2015 17:59)

    Une jeune fille dans une voiture ? Tu ne te serais pas trompé de siècle par hasard ??