Durant la bataille,
L’immortel Davy Jones se tenait sur son navire, certain d'être vainqueur. Il avait au bout de sa lame le jeune William Turner, cet avorton sentimental qui avait jadis prétendu pouvoir lui donner des leçons sur l'amour. L'amour…. Cette chose stupide qui asservissait les hommes comme elle l'avait jadis asservi, lui, à la cruelle Calypso. Cette femme sans pitié qui lui avait piétiné le cœur sans la moindre considération et l’avait condamné à charrier les âmes jusqu'à la fin des temps. Et voilà que se présentaient ces deux ignorants stupides, William et Elizabeth Turner. Que croyaient-ils donc ? Qu'ils pouvaient gagner ? Qu'il les laisserait être heureux alors que lui avant tant souffert ?
Lentement Jones leva son épée et adressa une caricature de sourire à l'homme qu'il allait tuer.
« Dis-moi, William Turner as-tu peur de la mort ? »
Sans attendre la réponse, Davy allait frapper le jeune inconscient lorsqu'une voix l'arrêta net.
« Et toi ? »
Il se retourna lestement et croisa le regard de Jack Sparrow. Le pirate tenait son cœur entre les mains et se préparait à le poignarder.
« Quelle joie d'avoir le droit de vie ou de mort dans le creux de sa main…. Commenta ce dernier d'un air ironique
- Tu es d'une cruauté sans pareille Jack Sparrow !
- La cruauté est affaire de perspective. Commenta Jack, dont la lame se rapprochait inexorablement du cœur de Jones.
- Tu crois ça ? » Demanda Jones avant de se tourner rapidement vers le jeune homme qu'il tenait à sa merci.
Là, il planta d'une main ferme son épée dans son cœur et savoura la résistance molle de la chair du forgeron.
Derrière lui Elizabeth poussa un cri de détresse et de surprise tandis que Jack, horrifié, contemplait le jeune forgeron que la vie commençait déjà à déserter. Jones laissa son épée fichée dans le corps de celui qui n'était déjà plus qu'un souvenir pour lui avant de se tourner vers Jack. Il savoura l'expression catastrophée de son ennemi et rit. Il avait gagné, il avait désarçonné le pirate !
Jack resta un moment, le cœur entre les mains, il ne voyait plus Jones, il ne pensait plus à l'immortalité qu'il convoitait tant. Derrière le poulpe monstrueux, Elizabeth s'agenouilla aux côtés de Will et caressa son visage.
« Oh… Gémit-elle tandis que le forgeron la fixait, l'air perdu. Will ne m'abandonne pas ça va aller. » Cria-t-elle entre deux sanglots, cherchant à capter le regard de son époux.
Jack hésitait, le cœur entre les mains, il ne savait plus ce qu'il devait faire. Poignarder le cœur et devenir immortel ou ne pas le faire et laisser une chance à Will d'être avec Elizabeth. Le pirate ne fit pas attention à Bill le Bottier, qui, désespéré, se jetait sur Jones décidé à venger son fils. Il ne voyait qu'Elizabeth. La jeune femme était auprès de Will et caressait son visage tandis que la vie s'éteignait peu à peu du regard de son époux.
« Will ? Regarde-moi ! REGARDE-MOI ! » Hurla-t-elle tandis que Will fermait les yeux.
Son cri déchira Jack, c'était celui d'une femme amoureuse, d'une femme qui ne voulait pas perdre son époux. Alors, il sut ce qu'il devait faire. La voix d'Elizabeth, désespérée, emplie de souffrance était plus qu'il ne pouvait en supporter. Lentement Jack s'approcha de Will et lui offrit l'immortalité dont il rêvait tant pour lui-même. Il avait peur de la mort mais il ne pouvait pas laisser Will mourir.. Il ne pouvait pas vivre en sachant qu'à cause de lui, qu'à cause de son choix, Elizabeth serait malheureuse. La jeune femme ne le regarda même pas, trop occupée à caresser le visage de son époux, ne se retournant que lorsque le cri d'agonie de Davy Jones creva l'air.
« Calypso… » Gémit-il d'un ton désespéré tandis que le ciel semblait lui répondre dans un dernier éclair et que son corps tombait dans la noirceur des abysses du maelstrom créé par la sorcière.
A l'intérieur du maelstrom,
Calypso ferma les yeux de douleur en entendant la supplique, le cri d'agonie de celui qu'elle avait si mal aimé. Elle se précipita et retint le corps de Davy Jones dans sa chute vers les flots bouillonnants pour adoucir son trépas. L'étreinte liquide de ses bras caressa le visage qui avait retrouvé forme humaine dans la mort tandis, qu'aussi sombre que les abysses dans lesquelles il se noyait, l'âme du Capitaine maudit désertait son corps.
Jones était ivre de vengeance et de souffrance. Il refusait d'être guidé vers l'ultime repos qu'il avait refusé aux malheureux qui tombaient sous sa coupe. Il ne pouvait pas mourir, il était le Capitaine du Hollandais Volant, la terreur des mers, il était l'océan.
Calypso gronda de fureur en recueillant le corps qui n'était plus qu'une coquille vide. Cette fois c'était à elle que l'âme du marin échappait, fuyant l'étreinte de ses bras.
« Que fais tu ? Souffla-t-elle. Ne vois tu pas que c'est ainsi que nous serons réunis ?
- Je cherche un cœur à t'offrir, Calypso… » Répondit doucement Davy Jones.
Son âme remonta à la surface, à la recherche un homme qui, comme lui, avait le cœur brisé.
Pendant la bataille,
Jack Sparrow ne vit même pas le monstre s'effondrer. Il ne voyait qu'Elizabeth, le visage de Will entre ses mains, les yeux dans ceux du forgeron, sa bouche frôlant celle du mourant pendant que ce dernier fermait les yeux sur la vie.
« Non, non. Répétait Elizabeth. NON ! » Hurla-t-elle en se rendant compte que Will ne réagissait plus à ses caresses.
Jack la regarda avec pitié, avec douleur aussi. Elle aimait Will et il s'en rendait compte seulement maintenant. Envolée la jeune femme joueuse avec qui il avait flirté, celle qui lui avait donné un baiser. Tout cela ne signifiait rien pour elle. Elle aimait William Turner.
Autour d'eux, les hommes de Jones commencèrent à se masser, répétant la même phrase comme un mantra.
« Partie du navire. »
Jack comprit qu'ils devaient fuir, vite, s'ils voulaient rester en vie. D'une main ferme il arracha Elizabeth aux bras de Will.
« Ne m'abandonne pas Will. » Sanglota la jeune femme cramponnée au corps de Will.
Elle hurla lorsque Jack la saisit aux épaules.
« NON ! Répéta-t-elle, cherchant à rejoindre le jeune forgeron tandis que Jack, anéanti, la tirait en arrière. Je ne t'abandonnerais pas ! »Hurla-t-elle une nouvelle fois alors que Bill, son couteau à la main se penchait sur le corps inerte de Will.
Jack retint Elizabeth, l'empêchant de rejoindre Will, et les projeta tous deux dans les airs, serrant contre lui Elizabeth qui avait cessé de lutter.
« Accrochez-vous… »Dit-il simplement alors qu'ils s'envolaient et quittaient le navire que les flots engloutissaient.
Ils volaient. Jack avait enfin appris à voler. Contre lui Elizabeth, désormais calmée, regarda le Hollandais Volant couler et posa sa tête sur son torse. Jack pouvait sentir les tremblements de chagrin de la jeune femme, sa douleur. Elle aimait Will. Ils volèrent ainsi quelques instants, étroitement enlacés, mais Jack savait qu'elle n'était pas avec lui. Elle était en bas, elle ne s'accrochait à lui qu'en raison de son envie de vivre.
Quelques instants plus tard, alors que la fureur de Calypso semblait enfin s'être calmée avec la mort de Jones, Jack et Elizabeth retrouvèrent le plancher rassurant du Black Pearl. Le pirate se sentait étrange, plus fort que jamais malgré la peine qui lui vrillait le cœur mais qui, déjà, s'adoucissait un peu. Il s'avança au milieu des hommes, brusquement pris d'une envie de vengeance, d'un désir de destruction et fit son choix d'une voix ferme.
« Je n'ai jamais aimé les traditions, nous allons nous battre. »
Jack s'avança, entendant à peine les objections de Barbossa et des autres et leur ordonna le silence d'un ton sans appel. Tout ce qu'il voulait c'était détruire, détruire Beckett et sa compagnie qui avaient eu l'audace de tenter de lui dicter sa conduite.
Il eut un sourire désabusé en voyant le Hollandais Volant jaillir des profondeurs des abysses, Will Turner à la barre et avec assurance il lança l'ordre qui signait la fin de Beckett. A la proue du Black Pearl, Jack regarda l'Endaviour exploser. Beckett n'avait pas la moindre chance, pris entre ses canons et ceux du Hollandais Volant. Lorsque les deux navires furent passés il ne restait rien de ce qui avait fait la fierté de la Royal Navy. Jack sourit fugacement avant de se tourner vers Elizabeth. Il l'avait vengée, il avait tué le meurtrier de son père. Pourtant la jeune femme ne le regardait pas, elle qui pour il avait tout abandonné, ses rêves, ses espoirs, ne le voyait pas…
Elizabeth regardait le Hollandais Volant, un air émerveillé sur le visage tandis qu'elle cherchait la silhouette de son époux revenu à la vie. Jack regarda ensuite vers ses hommes qui, comme tous les pirates alentour, fêtaient bruyamment la victoire et sourit avec amertume. Il avait vaincu le démon mais n'en retirait pas le moindre plaisir.
Après la bataille…
Elizabeth n'avait pas quitté le pont supérieur et fixait avec intensité l'endroit où se trouvait Will. Dans quelques instants elle allait partir rejoindre les bras de son époux pour toujours.
La chaloupe fut mise à la mer et Jack baissa la tête, refusant de la regarder s'approcher alors qu'elle venait lui dire adieu. Elle s'arrêta à quelques pas de lui et ignora les autres hommes. Le cœur de Jack se serra lorsqu’elle avança vers lui.
« Jack ça n'aurait jamais pu marcher entre nous …
- Vous aimeriez vous en convaincre. » Répondit-il faussement assuré tandis qu'il lui semblait que son cœur se broyait.
Elizabeth sourit et fit un nouveau pas dans sa direction. Jack se sentit brusquement paniqué. Il leva ses mains pour éviter l'étreinte grâce à laquelle elle l'avait déjà trompé une fois
« Une fois suffit amplement…
- Merci… » Souffla-t-elle avant de s'éloigner sans un regard en arrière.
Jack la suivit du regard un moment, elle allait rejoindre William, celui qu'elle aimait. Tout n'avait été qu'un jeu pour elle.
Tortuga, quelques semaines plus tard…
Jack s'avança, une femme sous chaque bras. Le Black Pearl avait fait escale à Tortuga et il avait passé sa journée à écumer les tavernes dans l’espoir d’oublier la blessure. Les semaines avaient passées et peu à peu le souvenir d'Elizabeth s'estompait, la souffrance aussi. Elle aimait le forgeron ? Grand bien lui en fasse.
Jack chercha des yeux le Black Pearl, sourd aux caquètements des deux catins qui l'accompagnaient. Mais le Black Pearl avait disparu à l'horizon, comme tout ce qu'il avait toujours désiré…
Jack regarda les deux femmes qui se trouvaient devant lui, elles n'avaient pas d'importance, aucune de ces créatures ne pouvait en avoir. Jack avait un but désormais, trouver la vie éternelle. Il ouvrit son compas que nulle femme ne faisait plus hésiter, qu'aucun sentiment ne venait troubler, et lentement Jack entonna la chanson qu'Elizabeth lui avait apprise. Il regagnerait l'immortalité à laquelle il avait droit, quoiqu'il lui en coûte.
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