Chapitre 5 : Dans les rues de Londres


Elizabeth Seymour, Duchesse de Somerset, se réveilla endolorie par les traitements infligés par son époux ainsi qu’elle en avait pris l’habitude depuis son mariage, trois mois plus tôt. La jeune femme ouvrit les yeux et battit des cils devant le luxe qui l’entourait tandis que la douleur cuisante de son dos s’éveillait en même temps qu’elle. La nuit dernière avait été terrible, Edward, complètement ivre, avait une fois de plus décidé qu’elle devait se soumettre à son devoir conjugal et aucun des cris ou des tentatives d’Elizabeth pour se dérober n’avait été couronnés de succès.

 

Les yeux brillants de larmes et le front en sueur sous l’effet d’une vague fièvre, Elizabeth se força à sortir de son lit. Elle passa avec précaution une fine chemise sur son corps maltraité et grimaça lorsque l’étoffe caressa son dos zébré de rouge, la cravache de son mari ayant laissé de larges sillons sur sa peau tendre. Tremblante, Elizabeth clopina vers sa coiffeuse pour poudrer son visage blême par habitude.

 

Elle sursauta craintivement en entendant la porte de la chambre s’ouvrir derrière elle. Son regard blessé rencontra celui, cruel, de son époux à la faveur des jeux de miroir.

« Bonjour Elizabeth. Avez-vous bien dormi ? Ironisa Edward en la contemplant avec une lueur peu rassurante dans le regard.

- Pourquoi me poser la question puisque vous connaissez la réponse. Répondit Elizabeth en s’efforçant de masquer sa peur

- Si vous étiez plus docile, je ne serais pas obligé de vous punir. » Rétorqua Edward en jetant un morceau de viande à l’un des chiens qui le suivaient partout.

 

Elizabeth ne répondit pas. Elle agrippa le bois de sa coiffeuse alors qu’un vertige brutal la saisissait.

« Vous serez sans doute intéressée par la nouvelle que je vous apporte. Continua Edward en souriant

- Je doute que vous puissiez m’apporter quoique ce soit qui m’intéresse. Rétorqua Elizabeth avec hauteur, l’insolence étant la seule liberté dont elle disposait encore.

- Moi je pense que si…. Répondit Edward en la saisissant par le bras et en la traînant à demi nue vers la fenêtre. Regardez dans la cour ma chère, ma tendre et docile Elizabeth. » Se moqua-t-il.

Une vague d’appréhension saisit Elizabeth tandis qu’elle se penchait par la fenêtre et elle hoqueta brutalement en découvrant le spectacle préparé par Edward.

 

Ce dernier posa un regard satisfait sur la forme suppliciée exposée dans la cour intérieure de son château.

« La reconnaissez-vous Elizabeth ? » Lui demanda-t-il d’un ton aimable.

Sa femme ne répondit pas, elle se détourna pour vomir tandis que des larmes roulaient sur ses joues en découvrant le corps éviscéré de sa femme de chambre.

« Elle est encore vivante vous savez. Lui précisa Edward avec un affreux sourire. J’ai dû la bâillonner pour ne pas que ses cris réveillent toute la maisonnée tandis que mes chiens dévoraient ses entrailles. »

Elizabeth gémit et commença à glisser vers le sol, la poigne d’Edward la maintint debout tandis qu’il la forçait à regarder.

« Allons Elizabeth, pas de mines avec moi voulez-vous ? N’oubliez pas que je connais votre passé. Vous avez voyagé avec des pirates, ce genre de chose doit donc vous être familier. Vous ne me demandez pas pourquoi votre chère Annie a fini ainsi ? »

 

Elizabeth déglutit, des larmes roulant sur ses joues tandis qu’elle imaginait la souffrance qu’avait dû être celle de sa domestique.

« Parce que vous êtes un monstre. Gémit-elle.

- Non Elizabeth, c’est de votre faute tout ça. Répondit Edward d’un ton innocent. Si vous n’aviez pas demandé à Annie de vous aider à quitter ce château cette pauvre fille serait encore en vie. »

Elizabeth frissonna, terrifiée en comprenant que son mari avait découvert le plan qu’elle avait échafaudé quelques semaines plus tôt pour s’évader de sa prison et pour lequel la femme de chambre, qui s’était prise d’affection pour elle, lui avait offert son aide. Derrière elle, Edward se rapprocha et susurra à son oreille d’une voix rauque.

« Ne vous avisez pas de recommencer Elizabeth. Sinon la prochaine fois je ne me contenterais pas de punir votre complice. »

 

Détournant le regard de la forme qui avait été une femme, Elizabeth se crispa.

« Il m’importe peu de vivre ou de mourir Edward.

- Je ne vous autoriserai pas à mourir Elizabeth. Pas tant que vous ne m’aurez pas donné l’héritier que j’attends. Vous êtes robuste ainsi que Beckett me l’avait assuré. C’est la raison pour laquelle je vous ai préférée aux autres jeunes filles qui montrent une fâcheuse tendance à trépasser au bout de quelques mois. Et il existe de nombreuses manières de torturer une femme sans qu’elle en meure. Ne me forcez pas à vous les montrer. Je serais chagriné de devoir abîmer une telle beauté…” Soupira-t-il à son oreille.

Elizabeth ne répondit pas. Elle laissa s’écouler silencieusement des larmes de détresse et songea que la mort était préférable à l’existence qu’elle menait.

« Ne tentez pas non plus d’en finir avec votre vie Elizabeth. Souffla Edward comme s’il avait lu dans ses pensées. Vous savez fort bien que je ne vous laisserais pas faire…. »

 

Elizabeth ferma les yeux, désespérée et songea à la tentative qu’elle avait faite deux mois plus tôt alors qu’elle se croyait seule. Elle n’avait jamais eu le temps de planter son couteau dans son propre cœur, son geste fut rapidement interrompu par un des sbires de son mari, sorti d’elle ne savait où. Elle était piégée.

 

Edward garda le silence un moment puis la força à se retourner vers lui, appuyant sur ses épaules pour l’obliger à s’agenouiller.

« A présent soulagez votre maître Elizabeth. Et appliquez-vous. Je n’ai pas le temps de vous punir ce matin…. » Soupira-t-il en défaisant la ceinture qui retenait ses braies.

 

Elizabeth poussa un gémissement étranglé alors qu’il forçait le passage entre ses lèvres et l’étouffait à demi. Les larmes continuèrent à rouler sur ses joues tandis qu’il allait et venait dans sa bouche, sa main crispée dans ses longs cheveux blonds et poussait des râles de plaisir entrecoupés d’insultes. Finalement, un liquide amer déferla dans la bouche d’Elizabeth tandis qu’il se poussait vers sa gorge, ne lui laissant pas d’autre choix que d’avaler sa semence avant de la relâcher avec brutalité.

« Mettez votre robe bleue Elizabeth, vous êtes splendide dans celle-ci et je veux que vous charmiez l’évêque de Westminster, j’ai besoin de son appui. » Annonça-t-il froidement.

 

Agenouillée sur le balcon, Elizabeth lui lança un long coup d’œil haineux qui n’eut pas d’autre effet que de le faire sourire.

« Ne vous en faites pas Elizabeth. Je vous ai trouvé une nouvelle domestique. Je suis certain que cette dernière sera plus docile que l’ancienne. » Se moqua-t-il en s’éloignant.

Une fois seule, Elizabeth se détourna et vomit à nouveau avec des spasmes incontrôlables sa propre existence.

 

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Quelques heures plus tard, vêtue de sa somptueuse robe d’un bleu profond, des saphirs assortis ornant son cou et ses oreilles, Elizabeth, appuyée sur le bras de son époux monta en calèche, son visage encore un peu blême témoignant seul de l’horreur dont elle avait été le témoin un peu plus tôt.

« La pâleur vous sied Duchesse. » La complimenta Edward en se glissant à ses côtés.

Elizabeth ne répondit pas, le cœur au bord des lèvres une fois de plus, et tourna le visage vers la fenêtre, regardant les rues qu’ils traversaient sans les voir …

 

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Alors que la somptueuse calèche du Duc de Somerset traversait fièrement les rues de Londres, un homme la suivit longuement des yeux, pétrifié. Ses yeux marron accusant le choc, le jeune homme sentit son cœur accélérer brutalement pendant qu'il se retenait pour ne pas courir derrière la calèche pour s'assurer que le visage mélancolique qu'il avait entrevu était bien celui qui avait nourri tous ses rêves depuis ses douze ans. Un visage qu'il avait cru ne jamais revoir.... Celui de la femme qu'il aimait et qu'il avait dû se résigner à oublier quelques années plus tôt pour ne pas la placer face à un dilemme qui l'aurait fait souffrir quoiqu'elle choisisse.

 

Une voix agacée le sortit de ses réflexions. 

« Will mon gars, reste pas planté à bailler aux corneilles. S'agaça l'homme qui l'accompagnait. On ne mettra pas la main sur cet or en regardant passer les attelages. »

Will tourna un regard troublé vers ses compagnons et fixa Jack Sparrow.

« Dis-moi, sais-tu à qui appartient l'attelage qui vient de passer ? » Lui demanda-t-il, l'urgence et l'émotion faisant vibrer sa voix

Jack haussa les épaules.

« Sans doute à un noble petit. Allez viens, on n’a pas toute la journée je te signale.

- Tu ne comprends pas. Bredouilla Will. Je, la femme dans cette voiture. »

Jack ne put retenir un petit sourire en l'entendant et lui claqua familièrement dans le dos.

« Pas notre monde petit... Une de ces aristocrates juste bonne à courber la tête et autre chose devant son mari.

- C'était Elizabeth. Murmura Will, déstabilisé par l'afflux de souvenirs et de sentiments qui remontait soudainement en lui et échappait à la prison dans laquelle son cœur les avait muselés.

- Elizabeth ? » Répéta Jack d'un ton insouciant.

 

Cette fois Will se tourna vers lui avec agacement.  

« Oui Elizabeth !!! La femme que je devais épouser. La femme que j’aime.

- Oh... Cette Elizabeth-là. Soupira Jack d'un ton las, ne se rappelant que trop bien l'obsession de Will pour la jeune femme.

- Oui, cette Elizabeth-là. Répéta Will d'un ton froid. Moi qui pensait, qui n'avait jamais espéré pouvoir la revoir un jour. » Murmura-t-il, le regard brillant.

Jack grimaça et lui posa la main sur l'épaule.

« Et au moins te voilà rassuré, la donzelle va bien, elle a fait un beau mariage comme son père l'avait promis et toi tu es libre et pirate comme tu le voulais. Maintenant si nous pouvions... Suggéra Jack en lui désignant la ruelle voisine dans une invite évidente.

- Jack ! C'est Elizabeth ! » S'exclama Will.

 

Jack soupira de nouveau et se pencha vers lui. 

« Tu ne l'as entrevue qu'une seconde, qu'est ce qui te prouve que c'est bien elle ? »

Will ouvrit la bouche pour répondre mais Jack lui imposa le silence d'un geste.

« Et même si c'est elle, la donzelle semble t'avoir oublié non ? Elle est libre .... Pourquoi n'est-elle pas partie te rejoindre ? »

Will secoua la tête, troublé.

« Peut-être parce que, parce qu'elle craignait pour la vie de son père...

- Will, ça fait plus d'un an que le Gouverneur Swann est mort. Répondit Jack. Si elle avait voulu te rejoindre, elle aurait pu le faire cent fois depuis.

- Peut être qu'elle a essayé, peut-être qu'elle ne m'a pas trouvé....

- Et donc ne trouvant pas le "grand amour de sa vie" elle en a épousé un autre, beaucoup plus fortuné comme le prouve sa présence dans un carrosse. » Se moqua Jack.

 

Will secoua la tête, le regard vague. 

« Désolé Jack, mais je dois savoir, je ne la laisserais pas. Pas si j'ai une chance de la revoir, pas si nous avons encore une chance.

- Will. » Soupira Jack.

Le jeune homme ne lui prêta pas attention et commença à avancer dans la direction où il avait vu disparaître la calèche.

« Je dois la retrouver Jack. Si, si elle me dit qu'elle, qu'elle ne veut plus de moi dans sa vie alors je disparaîtrai. Mais je n'abandonnerais pas sans même essayer.

- Toi et tes foutues idées romantiques... Grommela Jack d'un ton résigné. Je suppose qu'il est inutile de te dire de ne rien faire de stupide. »

Will se retourna vers lui et lui sourit légèrement en guise de réponse avant de s'éloigner.

« Will ! Le Pearl lève l'ancre dans deux jours. Ceux qui ne seront pas à bord lorsque nous partirons resteront sur place. Insinua Jack

- Je sais. Je ne te demandais pas de m'attendre. » Répondit le jeune homme avant de s'enfoncer dans les rues de Londres.

 

Une fois Will disparu de son horizon Jack se retourna vers Gibbs et le reste de ses hommes, l'air las.

« En route. On applique le plan. Marcus remplacera cet imbécile. Déclara-t-il

- Jack ! Protesta faiblement Gibbs. Peut-être que nous devrions ...

- Pas de peut-être ! Le coupa Jack. Si Will préfère courir après une donzelle ça le regarde, nous, nous avons un tas d'or qui attends que nous faisions main basse sur lui. »

Gibbs et le reste de l'équipage échangèrent un long regard indécis.

« Tous les trésors ne sont pas d'argent et d'or. Soupira Jack. Mais pour ma part je préfère des espèces sonnantes et trébuchantes à une donzelle jolie ou non. Qui est avec moi ? » Demanda-t-il avec un grand sourire.

Cette fois tous ses hommes, y compris Gibbs hochèrent la tête avec conviction et Jack eut un léger sourire tandis qu'il les entraînait vers le but de leur voyage.

 

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Le cœur cognant douloureusement dans sa poitrine, Will progressait rapidement dans les rues de Londres, son regard inquiet cherchant l’attelage dans lequel il avait entrevu le visage d’Elizabeth. Il ne l’avait vue qu’une seconde tout au plus mais il était certain que la femme qu’il avait aperçue était Elizabeth. Il l’aurait reconnue n’importe où tant ses traits étaient gravés dans ses souvenirs.

 

Tandis qu’il cherchait le carrosse et bousculait les badauds sans entendre leurs protestations outrées, Will repassa en mémoire tous les moments précieux qu’il avait partagés avec Elizabeth. Leur premier baiser sur les remparts de Fort Charles, leurs journées passées à rire et à imaginer ce que serait leur vie ensemble, les préparatifs du mariage et le petit air mutin qu’avait Elizabeth lorsqu’il la questionnait sur sa robe et qu’elle ne voulait pas répondre arguant que le fiancé ne devait rien savoir sur la tenue de la mariée avant le grand jour. Les moments remplis de retenue aussi, ceux où il était forcé de s’écarter pour ne pas succomber au désir qu’elle lui inspirait, son visage, son sourire…. Elizabeth.

 

Son cœur rata un battement en découvrant le carrosse arrêté devant l’abbaye de Westminster. L’attelage prestigieux était entouré par des curieux venus voir de plus près la richesse des nobles. Une seule des pièces d’or fin qui ornaient la calèche aurait suffi à les nourrir pendant un mois et Will rougit à cette idée. Voilà qu’il commençait à penser comme Jack…

 

Jouant des coudes pour se rapprocher, le jeune homme parvint finalement au plus proche de l’attelage et une boule lui remonta dans la gorge en découvrant que ce dernier était vide.

« Où est-elle donc ? » Murmura-t-il en cherchant du regard la silhouette d’Elizabeth.

A ses côtés une vieille femme l’entendit et se tourna vers lui.

« T’es nouveau toi. Faut patienter petit. Le Duc il est à messe. Ricana-t-elle. Faut attendre… »

Will la regarda brièvement tandis que la femme le détaillait.

« T’as pas l’air malheureux toi. Faut-il que t’aies besoin d’la pièce quand nous autres on crève de faim … »

Cette fois Will rougit en réalisant que les déguisements procurés par Jack étaient de fait plus des habits de seigneurs que de paysans.

« Je ne suis pas là pour ça. Glissa-t-il. Et je n’ai pas besoin de son or. Je veux juste le voir de plus près. »

La femme le détailla avec suspicion et se tourna vers ceux qui l’accompagnaient pour les consulter. Craignant d’être écarté, Will fouilla dans sa bourse, se félicitant de ne pas avoir dépensé tout l’argent gagné lors de leur dernière rapine et tendit une pièce à la femme.

« S’il vous plait, acceptez ça … »

 

Une main sèche et avide se referma sur la pièce et la femme mordit avec rapidité dans le métal. Une fois sure que Will ne l’avait pas abusée, elle le regarda à nouveau.

« Qu’est-ce tu fais là alors ? »

Will déglutit et n’hésita pas.

« La femme, il y avait une femme. C’est elle qui m’intéresse. Savez-vous qui c’est ? » Demanda-t-il en produisant discrètement une nouvelle pièce.

La vieille la prit sans sourciller et le regarda comme s’il était complètement ignorant.

« Bah c’est la Duchesse bien sûr. D’où tu sors petit ? »

Will dédaigna de répondre à sa question et fixa les portes fermées de l’église, refluant son chagrin à la pensée qu’Elizabeth en avait épousé un autre

« Hé ça va petit ? T’es tout pâle… » Commenta la femme en jetant un coup d’œil intéressé vers la bourse qui pendait à sa ceinture.

Will lui décocha un pâle sourire avant de se pencher vers elle avec avidité

« Connaissez-vous son nom ? Ou son prénom ?

- Elle … Bah c’est la Duchesse de Somerset. C’est Eléanor je crois. »

 

Le visage de Will se remplit de consternation à l’énoncé du prénom. Eléanor. Se pouvait-il qu’il ait rêvé ? Que la femme sur les traces de laquelle il s’était lancé ne soit qu’un mirage ?

« Tu dérailles la Mère. Intervint un homme à l’air maladif qui avait suivi leur conversation. Eléanor c’était la cinquième Duchesse. Celle-ci est la sixième. Parait qu’elle vient des colonies et que c’est pour ça qu’on la connaît pas. »

Will se retourna vers lui avec vivacité.

« Son prénom ?

- Qu’est-ce que je sais ? C’est la Duchesse c’est tout. » Commenta l’homme sous le ton d’une évidence.

Avant que Will ait le temps d’objecter la femme lui donna un grand coup de coude et lui désigna le groupe qui sortait de l’église.

« Tient petit la v’la la Duchesse. »

 

Will ne répondit pas, son cœur accéléra en reconnaissant sans doute possible le visage d’Elizabeth au milieu des prélats et autres nobles. Un rayon de soleil joua dans ses cheveux blonds adroitement bouclés et relevés et il tendit la main vers elle.

« Elizabeth. » Murmura-t-il.

Will se crispa en voyant un homme resserrer fermement sa main sur le bras de la jeune femme, la faisant grimacer. Jouant des coudes, il chercha à se déplacer dans la foule et la suivit alors qu’elle s’apprêtait à monter dans son carrosse.

« Elizabeth ! » Appela-t-il plus fort sans s’en rendre compte.

La jeune femme releva brutalement le visage et leurs yeux se croisèrent un bref instant avant qu’elle ne se détourne, l’air apathique. Will mit un moment à réaliser qu’elle ne l’avait pas reconnu. Le cœur lourd, il s’apprêtait à se détourner lorsqu’il remarqua que le regard d’Elizabeth semblait glisser sur la foule sans la voir, son visage avait l’expression lointaine qu’il lui connaissait lorsqu’elle était tourmentée. Ou malheureuse.

 

Fort de cette découverte, Will fendit la foule dans l’autre sens et ses bottes claquèrent sur les pavés tandis qu’il s’empressait de rejoindre le seul homme qui pouvait l’aider à la sauver…

 

()()

 

Will mit plus de trois heures à retrouver la trace de Jack qui fêtait la bonne avancée de ses « affaires » dans un des bouges de Londres. Sans tenir compte de la fille qui gloussait sur les genoux de son ami, Will se laissa tomber en face de lui.

« C’est elle. » Annonça-t-il.

 

Jack lui jeta un regard embrumé par l’alcool, un sourire lascif aux lèvres tandis que la fille l’embrassait dans le cou et glissait sa main dans l’échancrure de sa chemise.

« Qui ça ?

- Elizabeth ! S’agaça Will. C’est bien elle, elle est devenue Duchesse de Somerset et, je, elle est malheureuse, je l’ai bien vu dans son regard. Elle… Bafouilla t ‘il. Jack il faut la sauver ! »

Jack leva les yeux au ciel, agacé.

« Tu veux la sauver. Mais peut être que la donzelle, pardon Duchesse, n’a aucune envie d’être sauvée.

- Mais tu n’écoutes donc pas ce que je dis !!! Elle est malheureuse.

- Des tas de femmes sont malheureuses. » Répondit Jack en embrassant la catin dans le cou

 

Will lui saisit le poignet et le fixa.

« Jack. Aide-moi à la sauver. Ou à la voir. Je ne veux rien d’autre. »

Le pirate se dégagea de son étreinte avec une grimace de dégoût.

« Lui as-tu parlé ? T’a-t-elle dit qu’elle n’était pas heureuse ? » Se moqua-t-il.

Will se renfrogna à cette question, sachant ce que sa réponse entraînerait

« Non. Mais…

- Non. Le coupa Jack d’un ton sentencieux. Donc tu ne peux savoir ce que la donzelle peut vouloir, par conséquent tu ne peux vouloir la sauver attendu qu’elle n’est pas en position d’être secourue.

- Je la connais ! Rétorqua Will. S’il te plait Jack… Tu connais tout le monde ici, je veux juste lui parler, même deux minutes.

- Et pourquoi je ferais ça ? Pourquoi je risquerais la corde pour que tu puisses parler à cette Duchesse ?

- Parce qu’elle porte des saphirs au cou et aux oreilles. » Répondit Will, usant le seul argument qu’il savait avoir de l’effet sur Jack.

 

Cette fois le regard de Jack se mit à briller légèrement et il se tourna vers lui.

« Gros comment les saphirs ? »

Will, mima la taille des pierres et Jack réfléchit à nouveau.

« Bien sûr … Ce serait une belle prise de libérer de tels bijoux… Mais qu’est-ce qui me dit que tu ne me mens pas ?

- Je te le jure sur mon honneur Jack, sur ce que j’ai de plus cher, sur

- Ça va, ça … Coupa Jack en se levant. Désolé ma belle, une course urgente. » S’excusa-t-il auprès de la catin.

 

Will se leva immédiatement mais Jack le retint d’un geste

« Non. Toi tu restes là et tu attends. »

Agacé par le goût prononcé de Jack pour les secrets, Will se força à patienter contre mauvaise fortune bon cœur et il se versa un verre sans toutefois le boire, l’esprit entièrement occupé d’Elizabeth…

 

()()

 

Jack revint deux heures après et se laissa tomber face à Will, un léger sourire aux lèvres.

« La fille est partie ? Demanda-t-il en cherchant la catin du regard

- Qu’as-tu découvert? S’impatienta Will.

- Faut te détendre mon gars… Ton Elizabeth est bien la Duchesse, la sixième pour être précis. Son mari la surveille étroitement, blabla,

- Alors comment pourrais-je la voir ! » Se désespéra Will.

 

Jack hésita un instant et se pencha vers lui, lui soufflant son haleine chargée de rhum au visage tandis qu’il répondait d’un ton de conspirateur.

« Ce soir … Il y a un grand bal chez je ne sais quel Comte. Un bal costumé. » Sourit Jack, fier de son effet.

A ces mots, le sourire de Will revint aussi vite qu’il avait disparu et il se leva.

« Je dois m’y rendre, trouver un déguisement. Je, merci Jack ! »

Le pirate soupira et secoua la tête.

« J’espère que tu sais ce que tu fais petit. N’oublie pas les pierres surtout !! »

Will s’empressa vers la porte de la taverne, galvanisé par l’espoir.

« Je n’oublierai pas ! Cria-t-il

- Imbécile. Marmonna Jack avant de regarder alentour et de se lever souplement pour rejoindre une catin. Bonsoir ma belle. » Lui dit-il d’une voix séductrice tout en lissant ses moustaches.

 

Dehors, Will avait déjà oublié Jack et ses catins. Le cœur serré, il commença à se mettre en quête d’un déguisement tandis qu’il se rappelait avec tristesse de l’expression du visage d’Elizabeth.

« Oh Elizabeth. Murmura-t-il pour lui-même. Qu’est-ce que Beckett a fait de toi … »

 


Chapitre 4                                                                                                         Chapitre 6


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