Bayou de la rivière Pantano

Hector se redressa dans la frêle embarcation qu’il avait fait mettre à l’eau et tenta tant bien que mal de conserver son équilibre que sa jambe de bois rendait précaire. Le pirate adressa un regard noir au second qui le regardait avec inquiétude et inspira longuement.

« Rame. » Ordonna-t-il finalement.

Un silence de plomb retomba sur la chaloupe et Hector fixa l’horizon sans le voir. A mesure qu’ils progressaient dans le marais dense et humide, les battements de son cœur accélérèrent et il mordit joyeusement dans une pomme alors qu’il apercevait enfin la silhouette lugubre de la maison de Tia Dalma.

Là, il se tourna vers l’équipage.

«  Restez ici. » Ordonna-t-il, peu désireux de prendre le risque de voir le sabre dans d’autres mains.

Le second hocha la tête et se crispa en voyant son capitaine monter lentement les degrés de bois, gêné par sa jambe rigide.

Arrivé enfin devant la porte de la cabane au terme d’une ascension qui lui avait fait l’amère démonstration des limites qui étaient désormais les siennes, Barbossa nota mentalement de tuer tous les témoins de la scène avant de pousser la porte de la demeure désormais déserte.

()()

A son entrée, Barbossa vit une ombre bouger et porta la main à son pistolet tandis qu’une jeune fille avançait vers lui.

«  C’est donc vous qui êtes venu me chercher pour me ramener à Shipwreck Cove. » Murmura-t-elle d’une voix un peu hachée où se lisait une pointe d’espoir.

Plus que la jeune fille, Hector reconnut l’intonation et la regarda avec méfiance.

«  Où sont ta queue et tes écailles ? Et que fais-tu ici euh machine. »

Les grands yeux bleus de la jeune fille se posèrent sur lui et elle le regarda avec incompréhension.

«  Une queue et des écailles ? »

Hector regarda autour de lui, méfiant, puis revint sur la jeune fille alors qu’il était manifeste qu’elle était seule.

«  Que fais-tu ici ! »

Cette fois, le visage de cette dernière se renfrogna et elle le fixa.

«  Qui êtes-vous ? »

Barbossa haussa le sourcil, soit elle était complétement idiote soit il se trompait de fille.

«  Je suis le Seigneur Barbossa, Seigneur de la Mer Baltique et Roi de la Confrérie des Pirates. » Déclara-t-il pompeusement.

A ces mots, le visage de la fille s’éclaira.

«  Dans ce cas, c’est bien vous que mon père a envoyé me secourir. Je suis Elliana Morgan. »

Le cœur de Barbossa rata un battement et il ne put retenir un mouvement dans sa direction. Elliana Morgan. Syréna. La sœur de la mère de Jones et l’amante du nouveau capitaine du Hollandais Volant.

«  Euh le missionnaire n’est pas avec toi ? » Demanda Barbossa en jetant un regard alentour.

Elliana le regarda avec perplexité.

«  Un missionnaire ?

- Will ! Pesta Barbossa avant de se reprendre. Non ça c’était Turner, euh Bill ou Patrick ou un nom comme ça. Philip ? »

Elliana secoua la tête.

«  Je ne connais personne de ce nom… »

Barbossa l’ignora et commença à fouiller la pièce, retournant les bocaux et autres récipients remplis de choses dont il préférait ignorer la nature qui encombraient la cabane.

« Que cherchez-vous ? » Demanda Elliana.

Agacé, Barbossa répondit sans la regarder.

« Un sabre, pousse toi de là. »

Elliana fronça les sourcils et s’écarta avant de se diriger vers un coffre tellement usé qu’il se confondait dans la crasse de la pièce.

«  Comme celui-ci ? » Demanda-t-elle.

Barbossa se retourna et faillit défaillir de soulagement à la vue de l’arme qu’elle tenait.

«  Donne-le moi ! »

Elliana le regarda d’un air contrarié et soupesa l’arme. Excédé, Barbossa traversa la pièce et le lui arracha des mains avant de faire demi-tour.

« Mais que faites-vous ? S’indigna Elliana.

- Je pars.

- Vous devez m’emmener ! Mon père ne sera pas content si vous ne me ramenez pas ! »

Barbossa grinça des dents. Il avait envie de faire taire une bonne fois pour toutes la donzelle mais une pensée l’arrêta. Elle était la preuve vivante qu’une sirène pouvait redevenir humaine même s’il ignorait pourquoi Calypso l’avait libérée. Ou même les raisons de son geste. La laisser derrière lui ne serait pas prudent. Il risquait d’en avoir besoin par la suite. Barbossa plaqua donc un sourire faux sur son visage et se retourna vers elle.

«  Après vous. »

()()

Les hommes se renfrognèrent en les voyant revenir et Scratch soupira avant de lancer étourdiment :

«  Bah y’a pas assez de place dans la chaloupe, fallait prévoir avant si y fallait la ramener. »

Barbossa grinça des dents et tira son pistolet. Sans hésiter il logea une balle dans la tête de l’homme qui bascula dans la rivière.

« Faites donc une place à Mademoiselle Morgan, » suggéra-t-il avec onctuosité.

Echaudés par le sort de leur compagnon, les marins obéirent avec un empressement qui fit sourire Hector. Il était capitaine, il avait le sabre, la fille de Morgan et bientôt, il retrouverait Héléna. Tout était parfait.

Shipwreck Cove,

Teague tourna la tête en entendant le cri d’Elizabeth et son sang se glaça dans ses veines.

« JACKIE !! » Hurla t’il avant de se mettre à courir dans leur direction.

Elizabeth heurta de plein fouet Angelica et la déséquilibra au moment précis où le coup partait.

Immobile, Jack sentit une brulure se répandre dans son épaule tandis qu’Elizabeth et Angelica roulaient à terre.

« Jackie !! » Répéta Teague de très loin alors qu’un voile sombre recouvrait les pensées de Jack.

Le sang s’écoula de sa blessure et le pirate tomba sur le sol.

Elizabeth poussa un hurlement de rage et repoussa Angelica qui tentait de l’étrangler. La jeune espagnole encaissa le coup.

« Je ne te laisserai pas l’avoir ! » Hurla t’elle.

Eperdue, Elizabeth la repoussa de nouveau de toutes ses forces. Angelica vacilla avant de tomber en arrière alors que son pied ne rencontrait que le vide. Ses mains se tendirent et ses doigts se refermèrent sur un rocher alors que le gouffre s’ouvrait sous elle.

Sur le haut de la corniche, Elizabeth poussa un gémissement douloureux et se précipita vers elle.

« Angelica !! »

Un soupir de soulagement lui échappa à la vue de sa sœur suspendue à une pierre.

« Prend ma main ! Vite ! » S’écria Elizabeth en se penchant dangereusement vers le vide.

Un sanglot lui répondit et Elizabeth s’affola.

« Je t’en prie, Angelica, dépêche-toi. Quoiqu’il se passe, nous, nous réglerons cela plus tard ! »

La jeune espagnole la fixa. Pendant un instant elle caressa l’idée de la faire basculer dans le vide avant de se souvenir que ce serait inutile. La Fontaine la sauverait une fois de plus.

«  Angelica, prend ma main, je t’en supplie… » Balbutia Elizabeth.

Angelica fixa le visage baigné de larmes d’Elizabeth et un sanglot rauque lui échappa alors qu’elle prenait sa décision.

« Angelica, » la pressa Elizabeth.

Angelica lui renvoya un regard haineux et un léger sourire éclaira ses lèvres.

« Jack nunca le perdonará por haber matado a mi* … » Souffla-t-elle avant de lâcher la pierre à laquelle elle s’était raccrochée.

Au-dessus d’elle, elle entendit le hurlement d’Elizabeth tandis qu’elle flottait dans le vide. Puis, son corps rencontra les rochers qui bordaient l’océan et Angelica ferma les yeux.

Quelques mètres plus haut, Teague tira violemment Elizabeth en arrière et la ramena contre lui.

« Elle a glissé, lui murmura-t-il avec tristesse. Vous n’auriez rien pu faire. »

Elizabeth hoqueta et releva le visage vers lui.

« Elle, elle, a refusé de prendre ma main, elle s’est lâchée, elle… »

Teague soupira lourdement et la serra contre lui.

« Elle savait qu’elle avait perdu… Je suppose qu’elle a cru que c’était la meilleure chose à faire. Pour Jack. »

Elizabeth frémit à la mention du pirate et se dégagea de l’étreinte de Teague.

« Jack !!

- Non. Restez là. La retint Teague. Il est en vie Elizabeth. La balle s’est logée dans l’épaule. »

Elizabeth fondit en larmes.

« C’est ma faute.

- Ne soyez pas stupide. Angelica a visé le cœur, si vous n’étiez pas intervenue, Jack serait mort. Vous lui avez sauvé la vie Elizabeth. Vous avez sauvé la vie de mon fils. » Souffla Teague avec émotion.

La jeune femme se décomposa et jeta un regard vers le gouffre où avait disparu Angelica. Teague se crispa.

« Ne restez pas là. Venez, je crois que nous avons tous besoin de boire une ou deux bouteilles de rhum. »

Anéantie, Elizabeth se laissa guider vers la forteresse, le cœur lourd à la pensée qu’elle était responsable de la mort de sa sœur.

Le Hollandais Volant,

Les yeux dans le vague, Philip regardait sans les voir les chaloupes chargées d’âmes qui se pressaient vers son navire. Depuis son marché avec Calypso il n’avait plus revu Syréna. Pas plus que ses sœurs. La solitude l’envahit et il se demanda une fois de plus s’il avait fait le bon choix avant de se reprendre. Bien sûr qu’il l’avait fait. C’était la seule chose à faire pour l’âme de Syréna, la meilleure à faire quand bien même il en souffrait.

Le jeune homme posa un regard absent sur les âmes avant d’écarquiller les yeux à la vue de la jeune femme qui venait de monter à bord.

« Angelica ?? Mais que s’est-il passé ? » Souffla t’il alors qu’il vacillait sous le choc.

C’était la première fois qu’il avait à mener une âme qu’il avait connue.

Angelica lui adressa un regard bouleversé.

« Je vais aller en Enfer Philip… »

Les doigts de la jeune femme se tordirent autour du crucifix qui ne quittait jamais son cou et le jeune homme retrouva ses réflexes de prêtre.

« Allons bien sûr que non, je sais que vous n’êtes pas mauvaise Angelica et Dieu le sait aussi. » La consola t’il.

Angelica secoua négativement la tête.

« L’enfer attend les âmes de ceux qui se sont suicidés… Gémit-elle avant de l’agripper. Je ne veux pas aller en Enfer Philip !! Je ne veux pas ! »

Philip la fixa, ému par sa détresse.

« Allons que s’est il passé…

- Jack m’a quittée. Pour elle. Alors, je, j’ai pris le pistolet et j’ai tiré sur lui mais elle, elle m’a poussée dans le vide et je… »

Statufié, Philip la fixa alors qu’elle s’étouffait à demi dans ses sanglots.

« Seigneur, » murmura-t-il en se signant à la hâte.

Angelica lui jeta un regard où le défi se mêlait à la terreur.

«  Je ne pouvais pas la laisser gagner !! Je ne pouvais pas prendre sa main et la laisser me sauver alors qu’elle m’avait déjà tout pris ! Je ne pouvais pas lui devoir ma vie en plus du reste !!! »

Philip soupira et la serra dans ses bras tandis qu’elle inondait sa chemise de larmes amères.

« Elle m’a tout pris Philip. Elle a volé Jack et mon père, mon père ne m’aimait pas, il ne m’a jamais aimée. Personne ne m’aimait, personne et maintenant je vais aller en Enfer. » Gémit Angelica, sa voix enflant dans les aigus à mesure qu’elle parlait.

Sans réfléchir, Philip caressa ses cheveux.

« Vous n’irez pas en Enfer Angelica. Vous allez rester ici pour m’aider. »

La jeune femme se détacha de lui et le fixa, incrédule.

« Quoi ?

- Calypso m’a accordé le droit de choisir une âme pour m’aider. Si vous souhaitez le faire et rester sur le Hollandais Volant, vous le pouvez.

- Pourquoi faites vous ça pour moi ? Souffla Angelica. Je ne vous ai pas aidé quand vous en aviez besoin et je, j’ai été

- Le passé est le passé, la coupa Philip. Ce qui se passe dans l’autre monde n’a plus cours ici. Quand à mes raisons, disons que je sais à quel point il est douloureux de perdre la personne qu’on aime. Même si on sait qu’elle sera plus heureuse ainsi. » Ajouta t’il avec amertume.

Angelica le fixa avec angoisse et il soupira.

« Ce n’était pas Elizabeth si c’est ce que vous pensez. C’est… Syréna.

- Elle vous a quitté…

- Non, je l’ai laissée partir. » Murmura Philip.

Leurs regards se nouèrent puis Angelica hocha la tête.

« J’accepte votre offre Philip. Je, merci, vous ne le regretterez pas.

- J’en suis certain, » mentit Philip qui, à présent que l’exaltation du moment était passée, commençait à se demander si son choix était vraiment le bon.

Shipwreck Cove,

La nuit était tombée depuis longtemps lorsque Jack ouvrit les yeux à nouveau. Le pirate tenta de se redresser mais un cri de douleur lui échappa alors qu’il s’appuyait sur son épaule blessée.

« Bugger j’ai cru qu’elle allait me tuer cette fois. » Maugréa-t-il avant de se tourner vers Elizabeth.

Un léger sourire moqueur lui échappa à la vue des yeux rougis par les larmes de la jeune femme.

« Allons trésor, j’en ai vu d’autres, ce n’est pas une simple balle qui pourrait venir à bout du Capitaine Jack Sparrow. » Pavoisa-t-il en retenant une grimace de douleur malvenue.

Contrairement à ce qu’il avait espéré sa plaisanterie ne dérida pas Elizabeth et il tendit sa main valide vers elle.

« Je vais bien Elizabeth, souffla-t-il avec douceur cette fois. Arrête de pleurer ainsi, j’ai peut-être été blessé mais je n’ai pas changé d’avis, encore moins après ça. » Grimaça t’il en jetant un regard de biais à son épaule étroitement bandée.

Elizabeth détourna le visage et de nouvelles larmes brillèrent dans ses yeux avant qu’elle ne se décide à le regarder à nouveau.

« Jack, Angelica, elle, elle, balbutia-t-elle.

- Oui, je sais elle a toujours été un peu impulsive, ce n’est pas la première fois qu’elle me tire dessus tu sais, mais elle me rate à chaque fois et cette fois était la dernière. D’ailleurs, je suppose qu’elle est partie. »

Elizabeth ne bougea pas et Jack se troubla.

« Ne me dis pas qu’elle a volé le Pearl ! Bugger cette garce en serait bien capable, pesta t’il.

- Jack, elle est morte. » Souffla Elizabeth d’une voix brisée.

Le sang se retira du visage de Jack et il secoua la tête.

« Je, quoi, non, je…

-Je suis désolée Jack, sanglota Elizabeth. Je, elle, on s’est battues et elle, elle a glissé de la falaise et… »

Les épaules secouées par les sanglots, Elizabeth s’interrompit tandis que Jack restait immobile.

Désemparée, Elizabeth se mordit les lèvres et le fixa.

« Je, j’ai essayé de, je te jure que j’ai essayé mais Angelica, elle, elle n’a pas voulu et

- Je, j’ai besoin d’être seul. » La coupa Jack d’une voix atone.

Elizabeth pâlit et elle avança la main vers lui mais il se détourna. Le cœur lourd, la jeune femme sortit.

Une fois seul, Jack serra les draps qui le couvraient et y étouffa un hurlement. Angelica était morte. Elle était morte alors qu’il s’était juré de la protéger.

Le Queen Anne’S Revenge

Le sabre soigneusement posé dans un coin de sa cabine, là où il l’avait déposé à peine revenu du bayou, Hector croqua joyeusement une pomme. Alors que le jus coulait largement sur son menton, Elliana pénétra dans sa cabine.

« On t’a jamais appris à frapper ! » Ragea Hector que la surprise avait failli faire s’étouffer.

Elliana posa un regard bouleversé sur lui.

« Capitaine Barbossa ! Je… les hommes disent que nous sommes en 1750 mais ce, c’est impossible… »

Barbossa haussa les épaules.

« Je ne vois pas ce qui te choque. »

Elliana le fixa avec horreur.

« Mais mon père, où est mon père !! Que m’est-il arrivé !! Je, je ne peux pas être partie si longtemps !! »

Barbossa réalisa alors qu’elle n’avait aucun souvenir des années écoulées dans le corps d’une sirène et frémit.

Elliana gémit et se laissa tomber sur une chaise.

« C’est cette femme n’est-ce pas ? Cette femme, ce, c’était une sorcière ? » Demanda t’elle d’un ton craintif.

Barbossa ricana et songea que la description était parfaite pour Calypso.

« Oui c’est une sorcière mais rassure toi je vais faire en sorte qu’elle n’ensorcèle plus personne. »

Elliana soupira et ses yeux s’embuèrent.

« Que vais-je devenir ? »

Barbossa la détailla du regard et songea avec cynisme que les taverniers et les matelots de Shipwreck Cove auraient tôt fait de lui trouver une utilité satisfaisante pour tous. Après tout cette vieille crapule de Morgan aurait sans doute apprécié que sa fille se rende utile et ce n’était que justice après la malédiction qu’il avait attirée sur eux en traitant avec Calypso. Barbossa la regarda de nouveau et secoua la tête avec mépris. De toute manière, elle était trop pleurnicharde pour prétendre devenir quoique ce soit d’autre. Amusé par cette idée, le vieux pirate tendit un fruit à la jeune fille.

« Tu aimes les pommes ? »

Shipwreck Cove

Teague était assis dans son repaire et s’efforçait sans trop de succès de composer un air de musique pour se changer les idées lorsqu’une fille de l’auberge pénétra dans la pièce.

« Qu’est-ce que tu veux ? » La rabroua le Gardien.

La jeune fille blêmit et bredouilla.

« Il faut que vous veniez. Elle a dit que c’était urgent. »

Le cœur de Teague rata un battement et il se leva à la hâte.

« Elizabeth ? Il est arrivé quelque chose à Jack ? 

- Non, c’est, le Seigneur Teach, elle a dit que, qu’elle vous suppliait de venir… »

Teague n’écouta pas la suite et se précipita dans le couloir, droit vers la chambre qu’occupait Héléna.

Un hurlement retentit et Teague frémit avant de s’immobiliser devant la porte. Là, un second cri s’éleva et il grimaça avant d’entrer.

()()

La sage-femme lui adressa un regard mauvais avant de s’adoucir en le reconnaissant.

« Pardon Capitaine Teague, je ne savais pas que vous étiez le

- SUREMENT PAS !! » Hurla Héléna avant de retomber sur le matelas, essoufflée.

Teague soupira tristement et s’approcha d’elle.

« Tu m’as fait demander…

- Pas le choix, haleta Héléna. Pas trouvé Eli. »

La fin de sa phrase se perdit dans un nouveau cri et Teague lança un regard à la sage-femme.

Penchée entre les cuisses d’Héléna, cette dernière lui fit un sourire rassurant.

« La tête arrive, arrête de pousser ! »Ordonna-t-elle à Héléna.

Epuisée, cette dernière se laissa retomber sur les draps tâchés de sang et de sueur et adressa un sourire mauvais à Teague.

« Parie que c’était pas comme ça que tu espérais voir mes cuisses…

- J’ai toujours su que je les verrais s’écarter, » se força à plaisanter le Gardien.

Une ombre de sourire passa sur le visage d’Héléna et elle se redressa légèrement.

« Besoin d’aide Teague… »

Il hocha la tête et serra sa main à la briser.

« Dis-moi ce que tu veux que je fasse.

- Me conduire… Après quand elle sera là. Conduis-moi. Calypso. »

Teague blêmit.

« Héléna non…

- Si… Pas lui donner ma fille, » souffla Héléna, à bout de forces.

Teague tenta d’argumenter mais la sage-femme poussa une exclamation alors qu’un léger cri s’élevait.

« Une belle petite fille… »

Des larmes montèrent aux yeux d’Héléna et elle tendit les bras.

« Donne-la moi.

- Je dois déjà la nettoyer, après. »

Héléna posa un regard éperdu sur le corps sanguinolent de l’enfant et Teague intervint.

« Elle a dit maintenant !! Donne-lui !! »

La femme déglutit et posa l’enfant dans les bras d’Héléna. La jeune femme gémit et des larmes roulèrent sur ses joues alors qu’elle plongeait dans les grands yeux bleus du bébé.

« Héléna, » murmura Teague.

Un sanglot lui répondit et Héléna embrassa doucement le crane du bébé avant de se tourner vers lui.

« Emmène-moi. » Murmura-t-elle tandis que la sage-femme lui reprenait l’enfant.

Teague renâcla et Héléna grinça des dents.

« Avec ou sans toi j’irais. 

-D’accord, » souffla Teague.

Le cœur lourd, il se tourna vers la sage-femme.

« Occupe-toi de sa fille, veille sur elle jusqu’à ce que je t’ordonne d’arrêter, tu as compris !!! »

La femme frémit.

« Oui Capitaine Teague. »

Une fois qu’elle fut sortie, Teague se tourna vers Héléna.

«  Tu n’es pas obligée de faire ça ! Pourquoi te sacrifier !

- Parce que c’est ma fille et que c’est le prix à payer, haleta Héléna. C’est une chose que tu peux comprendre non ? »

Teague déglutit tandis qu’elle se levait. Là, Héléna vacilla, à bout de forces. Sans réfléchir, Teague la retint et la souleva dans ses bras.

« Fais le Teague. Souffla Héléna. Si notre amitié a un jour compté pour toi, tu dois le faire, tu me le dois… »

Le Gardien soupira et se dirigea vers la porte, Héléna dans les bras.

Ils remontèrent un long couloir puis Teague tourna dans un passage qui n’était plus emprunté depuis un siècle.

« Tu comptais pour moi, tu comptes toujours, murmura t’il.

- Alors, veille sur Hector, empêche le, se servir du sabre.

- Tu sais bien que je l’aurais fait de toute façon, » souffla Teague.

Héléna s’apprêtait à répondre lorsqu’ils arrivèrent dans une immense salle sombre où la lune se reflétait dans l’eau qui s’écoulait en son centre.

« Ponctuelle Héléna Teach, » ricana Calypso.

Teague frémit.

« Calypso, tu n’as pas le droit de

- Me défies tu Gardien ? » Le coupa Calypso d’une voix grondeuse.

Héléna frissonna et se tourna vers Teague.

« Dépose moi ici. Et part.

- Héléna je

- PART !!! »

Anéanti, Teague obéit et s’éloigna tandis que Calypso se penchait sur Héléna.

« Où est l’enfant ? Où est ma fille ? »

Héléna leva un regard mort sur la nymphe.

«  Son sang est le mien. Je prends sa place. »

Calypso sursauta et un sourire cruel se forma sur ses lèvres.

« Es-tu sûre de ton choix Héléna Teach ? Il est encore temps d’envoyer le Gardien la chercher… »

Teague se redressa alors qu’Héléna haletait.

« Prend moi qu’en finisse.

-Comme tu voudras, » susurra Calypso.

La nymphe psalmodia à mi-voix et un gémissement de frayeur échappa à Héléna en voyant des dizaines de visages crever la surface de l’eau.

« Tes sœurs sont venues pour t’accueillir. » Ricana Calypso.

Terrifiée, Héléna vit les beaux visages des sirènes converger vers elle puis se changer en gargouilles monstrueuses alors que la plus proche lui attrapait la jambe pour l’attirer vers l’eau.

« Hector… » Sanglota Héléna.

Le cœur au bord des lèvres, Teague se précipita vers elle tandis que les sirènes se jetaient sur leur proie pour déchirer ses chairs. Héléna hurla alors qu’elles la dévoraient tout en l’entrainant vers le fond et Calypso se tourna vers lui.

« N’avance plus Gardien. Ou elles pourraient décider de te dévorer toi aussi et alors qui ferait respecter le Code ? Avec qui pourrais-je passer un nouvel accord. »

Les yeux rivés sur l’eau qui se teintait de rouge, Teague répondit.

« Il n’y aura jamais aucun accord entre nous Calypso.

- Qui sait Gardien, susurra Calypso en se détournant vers l’eau. Elle souffre tellement maintenant mais lorsqu’elle naitra à nouveau, elle aura oublié la douleur, elle aura oublié tout ce qu’elle a vécu avant d’être mienne. »

Teague ne répondit pas et Calypso se durcit.

« Ne commet l’erreur de tenter de me contrer Gardien. Si je venais à être tuée, mes créatures passeraient l’éternité dans un abîme de souffrances dont nul ne pourrait les délivrer. »

Teague se détourna et Calypso s’évanouit lentement dans la brume.

()()

Teague resta des heures dans le passage dérobé avant de reprendre le chemin de la forteresse. Une fois-là, il se dirigea comme un somnambule vers la chambre qu’avait occupée Héléna et s’approcha de l’enfant endormie.

« J’espère que tu en valais la peine, » marmonna t’il.

Une clameur retentit soudain et Teague se retourna alors qu’Hector pénétrait dans la pièce, suivit par une jeune fille dont les traits lui étaient vaguement familiers.

« Héléna tu me dois des expli, » commença Hector avant de s’interrompre à sa vue.

Réveillée, l’enfant poussa un hurlement et Elliana se précipita vers le berceau.

« Oh que tu es jolie, » souffla t’elle en la prenant dans ses bras.

Hector laissa retomber le sabre qu’il tenait et posa un regard égaré sur la pièce.

« Où, où est Héléna… »

Teague détourna le regard et Barbossa le saisit par le col.

« OU EST HELENA !!! »

Elliana se retourna.

« Taisez-vous ! Vous lui faites peur. »

Barbossa, excédé, se tourna vers la jeune fille et posa son regard sur le paquet emmailloté qu’elle tenait. Une boule remonta dans sa gorge et il tendit les bras.

« Donne. »

Elliana le fixa avec hésitation et Hector siffla.

« Donne-moi ma fille !!! »

La jeune fille obéit et Teague soupira.

« C’était ce qu’elle voulait Barbossa…

-Dehors Gardien, » gronda Hector.

Pour une fois, Teague ne protesta pas et sortit, faisant signe à Elliana de le suivre.

()()

Hector berçait maladroitement sa fille depuis une bonne heure lorsqu’Elizabeth se glissa silencieusement dans la pièce, les yeux rouges.

« Je ne suis pas d’humeur Madame Turner. »

Le regard d’Elizabeth glissa sur le bébé et pendant une fraction de seconde son visage prit une expression envieuse avant qu’elle ne se reprenne. Sans tenir compte de ce qu’avait dit Barbossa, elle s’assit à ses côtés.

« Elle est très belle, murmura-t-elle.

- Que venez-vous faire ici ?

- Héléna m’a laissé une lettre, elle m’a demandé de vous la remettre et de vous dire, de vous dire qu’elle vous aimait. » Souffla doucement Elizabeth.

Hector inspira longuement, les yeux brillants et se leva pour déposer l’enfant dans son berceau.

«  Alors tout le monde savait ce qu’elle avait prévu de faire sauf moi ! »

Elizabeth ne répondit pas et Barbossa tourna un visage ravagé par le chagrin sur elle.

« Pourquoi a-t-elle fait ça ! Pourquoi !!! »

Elizabeth se troubla et secoua la tête.

« Aucune mère ne peut supporter de laisser son enfant se sacrifier pour elle Barbossa, aucune… »

Barbossa la fixa alors qu’elle lui adressait un regard éploré et il grimaça.

« Pouvez-vous surveiller Rosa pendant que je…

- Rosa ? S’étonna Elizabeth.

- Oui Rosa Héléna Barbossa, ma fille. »

Stupéfaite, Elizabeth le regarda s’éloigner et détourna les yeux tandis qu’il déchirait l’enveloppe d’une main tremblante.

Hector,

C’était mon dernier mensonge. Je sais que tu m’en veux, je te comprends. Mais c’était la seule chose à faire. Je ne pouvais pas donner notre fille à Calypso. Je ne pouvais pas te laisser devenir comme mon frère. C’était la seule solution. J’espère qu’un jour tu comprendras et me pardonneras. Sache que j’étais sincère avec toi, dans mes sentiments. Je…

Adieu

Héléna

Barbossa froissa la lettre et explosa brusquement.

« FOUTUE MENTEUSE !!!! »

Elizabeth sursauta tandis que le pirate s’éloignait à grands pas vers la salle du Conseil.

()()

Teague posa un regard las sur lui.

« Je vais la tuer !! Avec ou sans ton aide. 

- Je t’aiderais si cela pouvait changer quelque chose mais ça ne la libérera pas. » Répondit Teague.

Barbossa sonda son regard mais n’y lut que la tristesse.

« Je sais qu’il existe un moyen, je le trouverais !! »Ragea-t-il avant de s’éloigner à grands pas.

Sans faire attention aux hommes qui le dévisageaient, Barbossa pénétra dans la pièce où se tenaient Elizabeth et Elliana.

Bouleversée, Elizabeth se tourna vers Hector.

« C’est Syréna…

- Plus maintenant, lui lança le pirate. Elliana donne moi ma fille, je pars. »

Elliana regarda le bébé qui gigotait dans ses bras et elle secoua la tête.

« Dans ce cas je pars avec vous !

- Hector vous ne pouvez pas, commença Elizabeth.

- D’accord, la coupa le pirate. Tu t’occuperas de Rosa. »

Elizabeth les regarda s’éloigner et se précipita à leur suite.

« Enfin c’est de la folie !! »

Barbossa se retourna d’un bloc.

« Mêlez-vous de vos affaires Madame Turner.

- Quoi ?

- Ca veut dire que je reprends ma liberté et vous envoie au diable vous et votre foutue Confrérie !!! » Hurla Hector avant de se remettre en route.

Rosa hurla en réponse et Hector se tourna vers Elliana.

« Fais la taire !! »

La jeune femme déglutit et berça doucement le bébé tout en s’efforçant de le suivre.

Elizabeth secoua la tête et se précipita vers la salle où régnait Teague.

« Il faut que vous, » commença-t-elle avant de s’interrompre devant sa mine.

Teague s’approcha d’elle et secoua la tête.

« Elizabeth, je suis navré pour vous.

- Que, que se passe-t-il, bredouilla la jeune femme.

- Jack est parti ce matin à l’aurore. Je viens de l’apprendre. »

Elizabeth recula et retomba sur un siège, le regard vide. Angelica était morte, Héléna était partie, et maintenant Jack…

« Elle avait raison, souffla-t-elle. Jack ne me pardonnera jamais sa mort.

- Ce n’était pas votre faute, murmura Teague.

-Quelle importance, » répondit Elizabeth d’une voix atone avant de se lever.

Hébétée, la jeune femme sortit.

Elle se sentait vide.

Un Seigneur la tança vertement mais elle n’écouta pas. Elle se moquait de leur Confrérie, elle moquait de tout. Elle avait perdu Jack et une fois de plus elle se retrouvait seule.

Traduction :

* Jack ne te pardonnera jamais de m’avoir tuée.

Chapitre 44                                                                                                          Epilogue