Lorsque Philip ôta sa chemise pour la couvrir, Syrena sut que ce mortel là était différent de ses compagnons et des autres humains. 

Surprise par cette réalisation, elle se retourna et croisa le regard limpide du jeune prêtre. Le moment passa, rapidement gâché par Blackbeard et Syrena tenta de se lever. Ses jambes humaines, peu habituées à la terre ferme, se dérobèrent sous elle. 

Le souffle de la sirène se bloqua dans sa poitrine en sentant les bras de Philip l’enlacer et la soulever sans le moindre effort. 

A cet instant, elle sut qu’elle pourrait tomber amoureuse d’un humain.

Privée de ses nageoires, Syrena était vulnérable, incapable de se défendre. Les muscles atrophiés de ses membres humains ne répondaient pas aux ordres qu’elle leur envoyait et, à terre, elle n’était plus un prédateur mais une proie…

Alors que la nuit était tombée sur la forêt, la jeune sirène entendit un craquement sur sa droite. Elle sursauta, effrayée, avant de reconnaitre le jeune prêtre qui l’avait tellement aidée un peu plus tôt.

Pendant une fraction de seconde l’espoir qu’il soit venu pour la délivrer déferla en elle puis, elle vit la lueur qui brillait dans ses yeux et la terreur remplaça l’espérance. 

Sans la moindre hésitation, Philip écarta les cuisses de la sirène.

« Ne fais pas ça, s’il te plait, tenta-t-elle. 

— Silence, tentatrice fourbe ! Tu n’es qu’un animal, » lui renvoya-t-il avant de s’allonger sur elle.

Des larmes perlèrent aux yeux de la sirène tandis qu’il grognait sur elle, gémissant des prières ordurières. Alors que Philip jouissait, la silhouette sombre de Blackbeard apparut derrière lui et il tira le jeune homme en arrière.

« Rien de tel qu’un amour déçu », s’amusa-t-il en récoltant les larmes de la sirène.

Une fois obtenu ce qu’il convoitait tant, Blackbeard se tourna vers Philip.

« Fais ce qui te plait de cette chose, elle est à toi, » lança-t-il.

Tandis que Philip avançait de nouveau vers elle, Syrena comprit que son véritable calvaire commençait à peine.

Les rayons du soleil la brulaient, asséchaient sa peau et son âme. Loin de l’océan, Syrena se mourrait. Elle leva une dernière fois ses yeux vers le ciel puis les ferma, bercée par l’approche de la mort.

Philip avait couru comme un fou, jamais il n’était allé aussi vite de toute son existence. 

Lorsqu’il découvrit la sirène à jamais inanimée, à quelques centimètres à peine de l’eau salvatrice, il poussa un long hurlement avant de se jeter dans la mer, laissant cette dernière le submerger et envahir ses narines et ses poumons.

Philip ne pensait pas être capable de respirer sous l’eau mais pourtant, enserré dans les bras de Syrena il se découvrit une étrange aptitude à vivre dans les abysses. 

Finalement, au bout d’un voyage aussi fantastique que magnifique, le visage de Philip creva la surface de l’onde.

Stupéfait par le calme et la beauté de la plage de sable fin qui s’étendait devant eux, Philip se tourna vers son amante.

« Où sommes-nous ?

— Les humains appellent cet endroit le Purgatoire de Jones, mais pour les créatures marines comme moi, c’est juste le Jardin d’Eden. »

Le visage de Philip s’adoucit à ces mots et il prit les lèvres de la jeune femme.

« Dans ce cas, faisons-en sorte que ce soit notre Paradis, » murmura-t-il.

Purgatoire, Enfer, Paradis… Peu importait à Philip où il finissait tant que Syrena était à ses côtés.

Jamais Philip n’avait fait l’expérience du désir masculin. Il avait vu de nombreuses femmes, des hommes aussi, mais n’avait jamais ressenti la moindre émotion. 

Jusqu’à ce qu’il pose les yeux sur Syrena. Là, il avait compris le véritable sens de la luxure… Pour la première fois de son existence, il éprouvait une émotion bassement humaine. Et il adorait ça.

Ariel voulait des jambes pour vivre aux côtés d’Eric, son prince… Pour cela elle était allée jusqu’à sacrifier son bien le plus précieux : sa voix.

Syrena, elle, n’avait pas eu besoin de recourir à de telles extrémités. Il lui avait suffi d’un regard pour que Philip tombe amoureux d’elle.

Certes, le prêtre n’était pas prince mais au moins, il était sincère. 

Syrena leva ses grands yeux clairs bordés de cils épais sur le jeune prêtre qui s’était montré si gentil avec elle. Pour la première fois de toute son existence, elle ressentait un frémissement dans sa poitrine. Celui-là, elle n’avait pas envie de le dévorer. Non, si sa bouche se posait sur Philip ce serait pour le caresser, l’embrasser, le…

Emue, la jeune sirène entrouvrit les lèvres et attrapa Philip par le cou. Cependant, au lieu de succomber comme tous les mortels, Philip s’écarta avec vivacité. Après s’être signé à la hâte, il regarda la sirène avec une pointe de dégout. 

« J’ai dédié mon existence à Dieu. Les plaisirs charnels, avec des femmes ou des créatures, ne m’intéressent pas… »

La lueur d’humanité et de chaleur qui s’était éveillée en Syrena mourut au mot de créature. Elle s’était trompée sur Philip, il n’avait rien d’exceptionnel.

Philip caressa les longs cheveux bruns de Syrena et posa ses lèvres sur sa tempe. 

« Je suis soulagé d’être tombé avec toi, murmura-t-il. Dans la ma première vignette, elle m’a shippé avec Angelica. Une véritable horreur. »

A ces mots, la sirène se redressa, l’œil étincelant de rage.

« Tu m’as trompée ? Tu as osé me… 

— Non, non, non ! C’est pas moi, c’est l’autre là, l’auteure… Elle fait n’importe quoi avec les couples et

— Ah… elle fait n’importe quoi ! Donc, tu considères que toi et moi c’est pas plausible ?

— Non, ma petite morue, toi et moi, c’est »

La main de Syrena s’écrasa sur la joue du jeune homme. 

« Et en plus tu me traites de morue ? 

— Euh c’est mignon une morue, la brandade, tout ça, s’enfonça Philip. Quand j’étais au Portugal j’en mangeais tout le temps et… »

Il s’arrêta net devant l’expression du visage de Syrena. Les traits de la sirène avaient perdu leur douceur angélique et elle ressemblait plus à un prédateur qu’à l’innocente jeune femme poisson qu’il connaissait.

« Manger… excellente idée… » déclara-t-elle en dévoilant ses dents acérées.

C’était sa première fois. Fidèle à ses vœux de chasteté, Philip n’avait jamais touché une femme. Et encore moins une sirène. Mais, lorsque Syrena dévoila sa poitrine devant lui, le jeune homme se sentit touché par la grâce. 

Tandis que Syrena s’avançait sur le sable, sa queue de poisson transformée en jambes, Philip éprouva pour la première fois le désir. 

Et, quand au bout de quelques allers-retours en elle, la jouissance saisit le jeune homme, il comprit le véritable sens du mot « extase ».

Dieu aimait toutes ses créatures selon la Bible.

Philip lui, n’était qu’un homme et n’aimait que Syrena.

Mais au final, son amour était aussi profond que celui de son Seigneur.

Elizabeth & Carina