Le calme revint rapidement dans la maison des Turner après l’ultime visite de Fitzwilliam, mis à part en ce qui concernait le petit Will qui s’était mis en tête de devenir soldat au grand dam de sa mère. En effet, James Norrington avait fait grand effet sur Will qui s’imaginait déjà manier l’épée comme personne et vivre des aventures rocambolesques en mer. Au départ, Arabella avait tout fait pour le décourager avant de se résigner…. Après tout Will était encore jeune et il oublierait sans doute très rapidement le prestige relatif du jeune ordonnance qu’il avait rencontré brièvement, d’autant plus que, pour des raisons évidentes, Arabella gardait autant que possible ses distances avec les soldats…
Les après-midi s’écoulaient donc en thé et visites en dépit du vide laissé dans la communauté des commères par le départ de Fiona. Arabella de son côté, attendait plus ou moins patiemment le retour de son mari, sous les regards attendris des plus âgées de ses voisines.
Par une belle après-midi de printemps, Arabella se trouvait donc chez Suzie Hatcher, Will et Rebecca s’amusaient avec les enfants de cette dernière et l’incontournable Penny Mac Drache lorsque la conversation prit un cours qui réveilla ses inquiétudes
« On dit qu’un nouveau commerçant va venir s’installer en ville ! S’exclama Emmaline, toujours sur la brèche, motivée en cela par ses ambitions matrimoniales pour ses filles
- Vraiment ? Demanda Suzie tandis qu’Arabella ne pipait mot. À quoi bon un nouveau négociant si l’on n’avait pas d’argent pour y faire ses emplettes ?
- Et il est célibataire … » Gloussa Sarah
Arabella leva les yeux au ciel … Emmaline avait beau traiter Laura de putain quand elle pensait qu’elle ne l’écoutait pas, il y aurait eu fort à redire sur l’attitude de Sarah…
Suzie se tourna vers elle, sa tasse de thé dans un équilibre précaire
« Vous ne dites rien Arabella ?
- Et bien … Becca n’est pas encore en âge de se marier. Sourit calmement la jeune femme
- M’ame Turner passe son temps à attendre son mari. Se moqua Sarah. Ça doit bien faire deux ans et demi à présent … »
Arabella posa un regard dur sur Sarah et sourit cyniquement
« Et bien contrairement à toi je n’ai pas fait le compte … Mais je pense que je peux te faire confiance sur ce qui concerne la durée de l’absence de mon mari Sarah… »
Suzie sursauta et s’empressa de changer de sujet, peu désireuse de voir une guerre se déclarer dans sa cuisine
« Au fait nous allons avoir de la visite …
- De la visite ! Glapit Emmaline. Mais enfin Charlotte n’est pas habillée pour ça ! »
A ces mots, tous les regards convergèrent vers Charlotte Mc Drache, la seconde fille de la famille et la plus effacée qui approchait de ses quinze printemps
« Plait il ? » Demanda la jeune fille, qui contrairement à son aînée était vive d’esprit, vivacité qui n’était pas sans rappeler le vieux Mc Drache, qui du haut de ses soixante ans tenait encore la dragée haute à bon nombre des hommes du village
Emmaline soupira lourdement
« Allons Charlotte … Fait un effort je t’en prie ..
- Attendons de voir s’il a de l’argent avant de nous mettre en frais Mère. Après tout c’est là tout ce qui vous intéresse dans un parti non ? Rétorqua Charlotte sans bouger de la fenêtre où elle s’était installée, un livre en main
- Charlotte… Souffla Emmaline choquée, tandis que les autres convives à l’exception de Sarah dissimulaient leur hilarité comme elles le pouvaient
- Alors Mme Hatcher. Continua la jeune fille. A-t-il de l’argent ? »
Suzie bredouilla
« Et bien… Ce n’est pas la principale de ses qualités …
- Dans ce cas, inutile de se mettre en frais… Ma vieille robe ira très bien. Rétorqua Charlotte d’un ton cynique en se replongeant dans son livre
- Ce que tu peux être bête… Soupira Sarah à sa sœur. Tu d’vrais avoir hâte d’ te marier...
- Pourquoi faire ? Pour élever un tas de bébés joufflus et stupides ? Pour avoir un mari qui sent la bouse de vache ? J’aime bien mieux mes livres Sarah. »
Arabella éclata de rire sous le regard outré d’Emmaline
« Excusez-moi. Bredouilla-t-elle, les larmes aux yeux tant elle riait. Mais elle me fait tellement penser à son grand père
- Ne m’en parlez pas… Soupira Emmaline d’un ton dégoûté. Figurez-vous qu’elle s’est mise en tête de me dire qu’elle voulait partir étudier … a-t-on déjà entendu quelque chose d’aussi stupide ! Une femme aux études !
- Ça pour entendre des choses plus stupides… Il suffit de participer à vos thés… » Murmura Charlotte entre ses dents.
Arabella la regarda avec curiosité, elle n’avait jamais tellement parlé avec Charlotte, qui avait toujours été renfermée, le nez dans ses livres. Ce qui était dommage attendu que c’était l’authentique beauté de la famille. Des cheveux d’un châtain tirant sur le blond, de grands yeux bleus et un visage agréable… Et un caractère qui lui plaisait nettement plus que celui de Sarah. Justement cette dernière recommença à babiller
« Si le marchand est assez riche il épousera Charlotte… Faut espérer qu’il ait un certain âge, comme ça y s’ra sourd .. Y a que comme ça qu’elle peut espérer séduire un homme…
- Sarah ne parle pas de ta sœur comme ça ! » S’insurgea Emmaline
Arabella soupira et Suzie ramena prudemment la conversation sur le négociant
« Et son nom ? Et que vend-il ?
- Justement ! S’exclama Emmaline. Nous l’ignorons tous… »
Une voix résonna sur le seuil de la porte
« Moi je le sais gentes dames… Pardonnez mon intrusion Madame Hatcher mais je crains que vos voix enchanteresses n’aient couvert mon arrivée. »
Arabella ne put retenir une grimace écœurée en reconnaissant le Capitaine Gois.
« Mon cher Capitaine. Roucoula Suzie. Entrez donc… Vous connaissez tout le monde bien entendu… Emmaline, Sarah, Charlotte… Henriette et notre chère Arabella. Ajouta-t-elle en faisant un clin d’œil au capitaine ce qu’Arabella jugea de mauvais aloi
- Comment oublier d’aussi charmantes dames… » Répondit le capitaine en se fendant d’un baise main
Arabella observa cyniquement Sarah qui se redressait et mettait sa poitrine de femme enceinte en valeur tandis que Charlotte suivait du regard le beau blond, une expression étrange sur le visage.
Emmaline tapota le coussin à côté d’elle et le Capitaine n’eut pas d’autres choix que d’y prendre place
« Mon jeune aspirant est dehors. Annonça-t-il.
- Et bien que d’occupations pour notre glorieuse armée. » Persifla Arabella.
Charlotte releva le nez à la mention de l’aspirant tandis que Gois continuait
« Ce garçon est désespérant… Il passe son temps à lire et à écrire des poèmes. Un idiot. »
Arabella nota le regard de Charlotte et se força à sourire gracieusement au capitaine
« Vous devriez lui dire de venir… »
Le capitaine Gois se troubla légèrement puis un sourire fat éclaira son visage
« Que ne ferais-je pas pour vous être agréable Madame Turner… Madame Hatcher ? Vous permettez ?
- Oui … oui .. » Roucoula Suzie, qui était quant à elle prête à tout pour plaire au capitaine.
Le capitaine Gois se leva et appela d’un ton rude le jeune aspirant qui entra dans pièce, le feu aux joues.
« Quel idiot. Commenta Gois en s’emparant du livre qu’il tenait pour le jeter au feu.
Charlotte réprima une petite exclamation et Arabella soupira tout en songeant que Gois était sans nul doute l’un des hommes les plus bêtes qu’elle connaissait.
La vieille Henriette Merryweather se tourna vers Gois
« Vous disiez que vous saviez qui est le prochain à rejoindre notre communauté
- Oui je le sais ! S’exclama joyeusement Gois, sans plus s’intéresser à son aspirant
- Et bien dites-le nous… Sans quoi nous risquons de mourir de langueur… Persifla Arabella
- Il s’appelle… David Mercer. Il mène des affaires très importantes pour la Compagnie des Indes et nous rejoindra dans deux semaines. »
Arabella blêmit en l’entendant et les avertissements de Fitz lui revinrent en mémoire
Sa pâleur soudaine n’échappa pas à Sarah, qui trop heureuse de pouvoir mettre en difficulté celle qu’elle jalousait ardemment s’empressa de la relever
« Que se passe-t-il. M’ame Turner ? Vous l’connaissez ? Core un « ami » de vot’ mère ? » Ironisa-t-elle
Arabella lui lança un regard haineux
« Non… Je ne le connais pas. Je, un malaise passager Sarah. »
Le capitaine Gois sauta sur l’occasion. Il bondit sur ses pieds et s’inclina galamment devant elle
« Un peu d’air vous ferait du bien. Laissez-moi donc vous accompagner ma chère… »
Arabella grinça des dents. Pas moyen de refuser sans attirer encore plus l’attention sur elle, ce qu’elle souhaitait éviter
« Charlotte ! » S’exclama Emmaline à mi-voix
La jeune fille releva légèrement le visage et posa un regard méprisant sur Gois
« Aucune chance. Commenta-t-elle avant de se tourner vers l’aspirant. Avez-vous lu ce livre ? »
()()
La main posée sur le bras de Gois et le touchant le moins possible, Arabella sortit de la pièce. Elle chercha du regard ses enfants, qui malheureusement pour elle, avaient disparus dans un des endroits que seuls les bambins connaissaient.
« Vous semblez faible… Lui déclara Gois d’un ton faussement inquiet alors qu’ils passaient l’angle de la maison et devenaient invisibles aux regards
- Ce n’est qu’une impression je vous assure. » Rétorqua Arabella
Le capitaine ne se découragea pas pour autant et passa son bras autour de sa taille
« Laissez-moi vous soutenir Arabella »
La jeune femme sentit une émotion mal venue lui serrer le cœur. Cela faisait tellement longtemps qu’un bras masculin ne l’avait pas enlacée ainsi… Elle avait tellement envie que Bill revienne…
« Vous pleurez ? » S’étonna Gois en se penchant vers elle
Arabella se détourna et offrit un regard glacial au séducteur
« Mon mari me manque Capitaine. Une chose que vous ne pouvez sans doute pas comprendre
- Mais si au contraire ! S’exclama le jeune homme. Arabella… C’est un crime de laisser seule une femme aussi belle que vous … »
Arabella grimaça et s’écarta
« Et donc vous vous proposez de venir réchauffer mon lit Capitaine ? » Ironisa-t-elle
Le capitaine rougit, embarrassé et peu habitué à voir ses intentions formulées de manière aussi directe
« Je ne suis pas Fiona, Capitaine. La plupart des femmes vous trouvent peut être charmant mais ça n’est pas mon cas. Rétorqua Arabella. A votre place je concentrerais mes efforts sur Suzie, celle-ci rêve de toute évidence d’être dans vos bras. Je peux vous conseiller Sarah aussi, même si ce pauvre Tim ne mérite pas ça. »
Gois reprit encore plus embarrassé
« Mais .. Aucune d’elle n’est vous Arabella… Et depuis que je vous ai vue au fort.. Mon cœur brûle d’amour pour vous et...
- C’est plutôt une autre partie de votre corps qui brûle. Se moqua Arabella. Et sûrement pas d’amour. Moi vous voyez c’est ma main qui me démange... Signe que votre joue vous brûlera bientôt plus que tout le reste de votre personne.
- Vous préférez l’Amiral ? Rétorqua Gois d‘un ton froid, renonçant à la comédie de l‘amour. Mais il est parti ma chère…
- Je préfère mon mari. Martela Arabella en s’efforçant de maîtriser sa peur à l’idée que l’autre pourrait fort bien les trahir en toute innocence par dépit.
- Arabella… Plaida Gois, revenant brutalement à sa stratégie première, en vérité la seule qu’il connaissait. Je vous en prie … Accordez-moi un baiser ou je jure de mourir sur le champ
- Pas de fausses joies je vous en prie. » Ricana Arabella.
Décontenancé, Gois passa une main dans ses beaux cheveux blonds, surpris de rencontrer de la résistance chez l’une de ses « proies » pour la première fois de sa carrière de séducteur de villageoises
« Pourquoi autant de haine à mon égard ? Moi qui ne demande qu’à vous chérir …
- Oh pitié… S’impatienta Arabella. Je ne coucherais pas avec vous pour tout l’or du monde ! Maintenant rentrons je vous prie… Sans quoi vous aurez une belle marque rouge sur votre joue quand nous le ferons. »
Gois lui lança un regard mauvais et maugréa entre ses dents qu’elle était idiote mais s’inclina toutefois.
()()
Le reste de l’après-midi passa lentement aux yeux d’Arabella qui saisit le premier prétexte venu pour faire ses adieux tandis que Gois découvrait brutalement à quel point Charlotte était jolie. Arabella retint une réplique acide en le voyant s’empresser brusquement auprès de la jeune fille au grand plaisir d’Emmaline, sûre que Charlotte était du genre à savoir se défendre.
()()
La nuit qui suivit les avances de Gois, Arabella fut brutalement réveillée par le grincement de la porte d’entrée et posa une main tremblante sur la hache qu’avait laissée Bill. Elle la souleva à grand peine pour se rendre dans la pièce voisine
« Maman ? Appela Will de sa chambre
- Chuttttt . » Souffla Arabella en affermissant sa prise
Elle pénétra dans la pièce et frémit en voyant deux silhouettes
« Pose ta hache chérie ce n’est que nous. » Soupira Laura
Arabella laissa échapper un soupir à la fois soulagé et ennuyé et obtempéra
« Vous auriez pu le dire avant ! S’exclama-t-elle en allumant une chandelle. Je suppose que vous êtes venus voir Becca. »
Reece et Laura échangèrent un regard désolé puis la pirate répondit
« Oui… Mais pas seulement. Nous devons te parler Arabella. »
La jeune femme frissonna et répondit d’un ton hargneux
« Rebecca est très bien ici !! Nous sommes sa famille
- Nous ne sommes pas venus la reprendre, Arabella. » Répondit calmement Reece
Arabella rougit violemment
« Oh… Mais dans ce cas de quoi voulez parler ? »
Une nouvelle fois, Reece et Laura échangèrent un regard désolé mais avant qu’Arabella ait eu le temps de poser plus de questions, Rebecca pénétra dans la pièce, suivie de près par Will
« C’est papa ? » Demanda-t-elle en fixant Reece
Le cœur d’Arabella se serra de plus belle en voyant le visage de Reece s’illuminer et elle se força à répondre, lui adressant un regard d’excuse
« Non ma chérie… Ce sont des… étrangers qui cherchent un abri pour la nuit. »
Reece baissa les yeux tandis que Laura s’agenouillait pour voir les enfants
« Bonjour William… Bonjour Rebecca. Ce que vous avez grandis…
- Vous nous connaissez ? S’étonna Will
- Oui. Mais tu sais c’est un grand secret. Expliqua Laura d’une voix mystérieuse en luttant visiblement contre l’envie de prendre Rebecca contre elle
- Un secret qu’il ne faut dire à personne. Renchérit Arabella, oubliant toutes les recommandations de Fitz
- Pas même Penny ? S’inquiéta Will
- Pas même Penny. Assura Arabella en mettant de l’eau à chauffer.
- Pourquoi ? Demanda Will
- Parce que des fois c’est bien d’avoir des secrets. Expliqua Arabella. Penny en a aussi sûrement
- Non ! S’exclama Will. Je le saurais sinon !
- D’où l’intérêt d’avoir des secrets… » Soupira Arabella.
Becca intervint brusquement en escaladant Reece
« T’as l’air gentil. » Décréta-t-elle en se nichant contre lui.
Reece poussa un soupir lourd et referma ses bras autour d’elle, Arabella surprit du même coup le regard rempli de détresse qu’il adressait à Laura. Gênée, la jeune femme détourna le regard tandis que Laura la prenait par le bras.
« Arabella.. Je dois, écoute. Je dois te parler. »
Arabella frissonna et désigna sa chambre à sa mère
« Restez ici les enfants » Ordonna Laura en la précédant.
()()
Laura referma la porte derrière elle, le visage crispé.
« Assieds-toi Arabella. »
Surprise la jeune femme obéit et se laissa tomber sur le lit tandis que Laura commençait à faire les cent pas dans la pièce et évitait son regard
« J’ai beaucoup de choses à te dire… Et peu de temps pour le faire. Alors s’il te plait ne m’interrompt pas sans arrêt »
Arabella se crispa et ouvrit la bouche pour répliquer vertement mais Laura ne lui en laissa pas le temps
« Ton Fitzwilliam est venu te voir il y a peu… Je ne veux pas savoir ce qui se passe entre vous mais en tout cas-tu ferais bien de prendre tes distances et de te méfier
- Fitz m’a aidée ! S’insurgea Arabella outrée
- Sûrement. Mais il ne pourra rien faire contre ce qui arrive. »
Arabella poussa un soupir soulagé, un peu agacée toutefois que sa mère la croit toujours naïve
« Oui je sais Mercer
- Ah tu sais ça … Mais sais-tu que s’il est ici c’est pour mettre la main sur Jack Sparrow et aussi pour faire tomber ton précieux Fitzwilliam qui gêne beaucoup son véritable maître ? Et je pense qu’il est inutile de t’expliquer ce qui se passera pour nous tous s’il réussit … »
Arabella blêmit légèrement
« Fitz ne m’a dit que pour Jack …
- Sans doute parce que ton crétin d’Amiral se croit à l’abri … » Ragea Laura.
Arabella digéra les informations mais Laura ne lui laissa pas de répit
« A cause de Beckett, la pression sur nous s’accentue… Et le fait qu’il envoie Mercer ici… Nous ne pourrons plus venir Arabella… Du moins pas dans l’immédiat… Même cette nuit était risquée mais… Nous... Il fallait qu’on vous voit … » Murmura-t-elle tristement
Le cœur d’Arabella se serra pour sa mère et Reece et elle s’approcha d’elle
« Je sais… Mais... Je te jure. Quoiqu’il arrive... Nous veillerons sur Rebecca. Billy et moi. Lui promit-elle
- Oh mon dieu Arabella… Soupira tristement Laura. Pourquoi faut-il que … que ce soit à moi de te briser le cœur... »
Il sembla à Arabella qu’un grand froid venait de tomber sur elle et elle recula
« Me .. Me briser le cœur… Que ? »
Laura évita son regard la tête basse, inhabituellement silencieuse
« C’est Billy n‘est-ce pas … » Souffla Arabella le cœur prêt à exploser.
Laura soupira et passa son bras autour de ses épaules, la forçant à s’asseoir
« Oui. C’est Bill. Soupira-t-elle. Arabella ma chérie je suis désolée… vraiment. Mais le navire sur lequel il était… Il a été .. Coulé alors qu’il revenait vers l’Angleterre.
- Coulé… Répéta Arabella d’une voix atone
- Des pirates... Soupira Laura. Ils n’ont fait aucun prisonniers…Crois moi je me suis renseignée… Et avec le temps qu’il faisait cette nuit-là .. Il … »
Laura s’arrêta net, une boule se forma dans sa gorge en voyant les épaules d’Arabella secouées par ses sanglots. La capitaine soupira tristement et la serra contre elle, caressant ses cheveux pour l’apaiser
« Je suis désolée Arabella.. Si tu savais …
- C’est pas .. Pas possible… Sanglota Arabella. Il m’a écrit, il m’a écrit il y a trois mois à peine .. Pour me dire que .. Qu’il revenait ..
- Son navire a sombré il y a trois semaines… » Soupira Laura.
Arabella leva un regard bouleversé sur elle et secoua la tête
« Non… non Billy ne peut pas être mort !! Il allait revenir, il revient... Il…
- Je suis désolée. Répéta Laura.
- Maman pourquoi tu pleures ? Demanda Will sur le pas de la porte en fixant sa mère avec de grands yeux inquiets
- Allez viens petit… » Le rattrapa Reece en refermant la porte
Laura resserra Arabella contre elle
« Chut, chut .. Calme toi… »
Le regard noyé de larmes, Arabella la repoussa
« Tais-toi !!! Tu n’as jamais aimé Billy de toute manière et tu.. Tu devrais aller voir Becca c’est pour elle que tu es là
- Non. Répliqua Laura en la retenant. Je suis venue pour toi. Je n’aimais pas Bill mais toi si. Et si je suis là c’est parce que je ne voulais pas que tu apprennes la nouvelle par quelqu’un d’autre et que tu te retrouves seule avec ton chagrin. »
Arabella ne répondit pas et enfouit son visage dans le cou de sa mère, laissant ses larmes couler.
« Raconte… Exigea-t-elle entre deux sanglots
- Arabella … ça ne servirait à rien… Hormis à te faire encore plus de mal
- Je t’en prie !! Hurla Arabella.
- Calme toi.. Calme toi… Souffla Laura à voix basse. Je ne sais pas grand-chose. Chevalle et ses hommes ont attaqués de nuit. Ils ne les ont pas vus venir… Ils ont coulé le navire très vite… Personne n’a pu s’enfuir... Pas par une nuit pareille.
- Mais…
- Arabella. J’ai parlé à Chevalle. Il n’a recueilli personne.
- Il a peut-être menti… » Argua Arabella d’une petite voix.
Laura secoua la tête
« Je ne le pense pas… Et hélas il n’y avait rien alentour… Juste une île. Mon équipage y est allé. Personne n’a vu de naufragé. Je l’ai cherché Arabella je te le jure.
- Mais ça ne veut pas dire que … Commença Arabella avant de se remettre à pleurer. Mon dieu comment je vais pouvoir dire aux enfants …
- Je ne sais pas… Explique-leur simplement … Tenta Laura
- Tais-toi… Tu ne sais pas ce que ça fait… Tu ne sais pas ce qu’on ressent quand on apprend que des pirates ont tué un de ses parents… » Rétorqua hargneusement Arabella.
Laura recula comme si elle l’avait giflée.
« Mais toi tu le sais n’est-ce pas ? C’est bien ce que tu voulais dire… J’ai vraiment tout raté avec toi Arabella… J’ai eu tort de venir… je pensais que peut être si tu l’apprenais par quelqu’un qui t’aime tu… ce serait moins dur. »
Arabella se mordit la lèvre et regarda sa mère s’éloigner à regrets
« Non ! S’il te plait.. Me laisse pas.. Pas toute seule… » Sanglota-t-elle.
Laura posa un regard désolé sur elle et revint à ses côtés, cherchant désespérément comment la consoler.
()()
Quelques heures plus tard, Reece passa la tête dans l’encadrement de la porte avec hésitations
« J’ai remis Will et Rebecca au lit… Ils ne tenaient plus debout. Expliqua-t-il tout bas en grimaçant à la vue des yeux rougis d’Arabella. Je suis vraiment désolé pour vous…
- Je sais, Souffla Arabella d’une voix chevrotante. Merci d’être resté avec les enfants. Je n’aurais pas pu … »
Laura la regarda
« Arabella. Viens avec nous. Prend les enfants et venez avec nous. Cet endroit est dangereux et maintenant que Bill… »
Arabella leva un regard féroce sur elle tandis que Laura s’arrêtait, le rouge aux joues
« Que Billy est mort c’est ça ?
- Non.. Oui… Arabella il n’y a plus rien qui te retienne ici… Expliqua maladroitement Laura
- J’y ai tous mes amis… Murmura Arabella. Ma vie… Becca et Will aussi ont leurs amis. Leur place est ici… Je ne peux pas leur enlever la seule chose qui leur reste maintenant que Billy est … qu’il est … »
Reece soupira lourdement et coupa la parole à Laura avant qu’elle ne réponde
« Nous comprenons Arabella…Nous, nous y avons pensé parce qu’on s’inquiète pour vous trois.. C’est-ce que Laura voulait dire. »
Arabella hocha la tête
« Et puis… Si… si Billy .. Peut-être qu’il s’en est sorti et que vous ne l’avez pas su… »
Laura et Reece échangèrent un regard éloquent
« Je ne peux pas partir. Décréta Arabella en se tournant vers Laura. Pardonne-moi… Mais je ne peux pas partir.
- Je m’en doutais un peu… Répondit Laura avec tristesse. Même si je préférerais que tu viennes. Nous.. Aurions pu te mettre à l’abri avec les enfants, vous emmener dans un endroit sûr …
- Je sais … Mais .. Je ne peux pas… Souffla Arabella.
- Et nous après cette nuit… Nous ne pourrons plus te voir aussi souvent. Répondit Laura d’une voix brisée. Mes petites filles… »
Arabella ne répondit pas et se contenta d’enserrer sa mère le plus fort qu’elle pouvait.
Reece soupira tristement et toussota
« C’est l’heure Laura… le soleil ne tardera plus à se lever maintenant … »
Arabella sécha ses larmes à la hâte et regarda sa mère
« Becca tu ne l’as même pas vue… Va… Va l’embrasser.. »
Laura lui caressa doucement la joue et sortit pour s’empresser au-dessus du lit de Rebecca
« Ta maman t’aime Becca… Murmura-t-elle. N’en doute jamais… » Ajouta-t-elle avant d’embrasser la petite, prenant garde de ne pas la réveiller.
Face à Reece, Arabella essuya ses yeux rougis et le second soupira.
« Nous sommes désolés… Arabella, vraiment… Je, j’avais prévu votre réponse il y a de l’argent sur la table… Je sais que ça ne ramènera pas Bill mais…
- J’ai compris Mr Reece… Merci… »
Alors que Laura et Reece reprenaient tristement le chemin de leur navire, Arabella essuya ses yeux rougis d’une main tremblante, encore sous le choc de l’annonce de la mort de Bill à laquelle elle ne parvenait pas complètement à croire….
()()
La journée qui suivit la visite de Laura et Reece fut sans nul doute la pire de celles qu’Arabella avait vécu. Après leur départ, la jeune femme avait vainement cherché le sommeil, ses sanglots s’écoulant jusqu’à ce que ses yeux soient asséchés par les larmes qu’elle avait versées…
Puis le pire commença… Will et Rebecca débarquèrent dans sa chambre au petit matin, les deux enfants se glissant dans son lit comme ils en avaient pris l’habitude depuis le départ de Bill.
« Maman on peut aller voir Penny ? Demanda Will d’un ton rempli d’espoir
- Pas ce matin… Répondit Arabella d’une voix blanche. Pas aujourd’hui
- Maman a les yeux tout rouges. » Commenta Rebecca
Arabella se força à lui sourire et se retint pour ne pas fondre en larmes alors qu’elle n’arrivait pas à trouver le courage de leur annoncer la terrible nouvelle. Pas maintenant. Pas encore.
« Je suis fatiguée. Mentit-elle. Venez, on va prendre le petit déjeuner. »
Les deux enfants durent sentir que quelque chose n’allait vraiment pas car aucun d’entre eux ne protesta tandis qu’Arabella s’affairait en silence et trouvait une maigre consolation dans les gestes quotidiens.
« Tu manges pas ? S’inquiéta Will avant d’enfourner une part énorme de fromage dans sa bouche
- Non… » Répondit laconiquement Arabella.
La jeune femme laissa son regard se poser sur sa maison, redécouvrant les objets familiers que Bill et elle avaient choisis ensemble avant de regarder son fils. Elle retint de nouvelles larmes à la pensée que Will ressemblait de plus en plus à son père et Rebecca intervint.
« Maman on peut aller chercher des fleurs ? »
Arabella secoua la tête
« Non… Je dois … Commença-t-elle avant de se raviser, ne trouvant une fois de plus pas le courage de leur apprendre la mort de Bill
- Quoi maman ? Demanda Will
- Rien… Fini ton fromage. »
Les deux petits échangèrent un regard tandis qu’elle se levait. Will se glissa derrière elle et enserra ses jambes
« Maman … Pourquoi tu pleures ? C’est un secret aussi ?
- Non… Répondit tristement Arabella
- Tu dois pas dire les sequets ! Lança Rebecca à Will
- Mais j’ai pas dit !
- Un sequet on dit pas qu’on en a un …
- Toi t’es bête de toute façon ! Rétorqua Will
- Non toi !
- Maman !! » Hurlèrent les deux enfants.
Arabella se retourna vers eux, les yeux flamboyant de rage face au sort qui les touchait
« TAISEZ VOUS !!! »
Pour une fois, même Rebecca recula devant sa colère et Will commença à pleurer. Voyant ça Arabella passa une main tremblante sur son visage et se pencha sur les deux petits qui la regardaient d’un air effrayé
« Non … Pardon mes chéris, maman ne voulait pas crier c’est juste que… que… Commença-t-elle avant de se remettre à sangloter
- Maman ! » S’effraya Will
Alors qu’Arabella cherchait comment leur dire, la porte s’ouvrit et livra le passage au vieux Mac Drache.
« Bonjour mes jolis. » Annonça-t-il
Arabella leva un regard plein de détresse sur lui
« Ce .. S’il vous plait revenez plus tard… »
Le vieux Mac Drache secoua la tête et agita une enveloppe
« Bah c’est qu’ j’ ai ça pour vous … J’l’ai trouvée dans les affaires d’la Sarah. Faut la pardonner hein.. J’crois qu’elle a pas toute sa tête… Soupira le vieil homme
- C’est une lettre de papa ! » S’exclama Will
Arabella eut l’impression qu’on venait de lui enfoncer un poignard dans le cœur
« Ouais .. C’est l’Billy… Commenta le vieillard. L’était ouverte … De c’que j’ai vu il a du r’tard mais ça pourrait ête pire… »
Arabella sursauta
« Que dites vous…
- Bah la Sarah elle l’a ouverte par erreur.. Vot’ mari y dit que son bateau a fait naufrage ..
- Oh mon dieu !!! S’exclama Arabella en se retenant contre le mur
- Dites-vous allez pas vous évanouir hein… » S’inquiéta le vieil homme
Arabella ne l’entendit pas et s’empara de la lettre d’une main tremblante. Un cri lui échappa en lisant la date. Deux semaines plus tôt. Laura avait dit trois semaines…
La jeune femme parcourut les lignes des yeux mais elle n’y voyait rien à travers ses larmes
« Dites ça va ? Demanda le vieux Mac Drache
- Vous avez lu.. Que dit-il ?
- Bah…
- Par pitié !!! Souffla Arabella qui n’arrivait toujours pas à lire tant son émotion la submergeait
- Qu’son bateau a été attaqué par des vous savez quoi et qu’il s’en est sorti en s’ laissant dériver sur un bout de bois… Mais qu’du coup il aura du retard.. Pasqu’il est coincé dans un port par des soldats.. Mais qu’y va s’en sortir et revenir. Résuma le vieux. La suite elle est pas à dire devant des enfants… Pasqu’y parle de c’qu’y f’ra en rentrant. »
Riant entre ses larmes, Arabella serra brutalement le vieux contre elle et l’embrassa sur la joue
« Merci merci merci… Si vous saviez ce que je vous aime. Balbutia-t-elle
- Maman ? S’inquiéta Will tandis que le vieux Mac Drache toussotait gêné mais secrètement ravi
- Dites ma p’tite faut pas dire ça à un vieux bonhomme comme moi hein.. Faut garder ça pour vot’ Billy. »
Arabella lui renvoya un sourire lumineux et s’essuya les yeux. Elle parcourut cette fois les lignes tracées à la hâte par Bill qui lui racontait le naufrage et citait même Chevalle ce qui ne laissait aucun doute sur sa survie
« Maman ! » Répéta Will
Arabella sourit et le serra à l’étouffer
« Ce n’est rien mon chéri, papa écrit juste qu’il aura un peu de retard. Répondit-elle en riant
- D’habitude t’es pas contente quand papa dit ça. Observa Rebecca
- Cette fois c’est différent. » Répondit Arabella avec ferveur.
Le vieux Mac Drache haussa le sourcil et se pencha vers les enfants
« Allez donc voir Emmaline elle a fait des gâteaux. La seule chose que c‘te mégère fait correctement.. Moi faut que j’parle avec vot maman
- Allez y… » Accepta Arabella, soulagée de pouvoir soulager son émotion hors de vue des enfants.
Will et Rebecca ne se le firent pas dire deux fois et filèrent tandis que le vieux s’asseyait
« Ça va aller ma fille ? » Demanda-t-il à Arabella
La jeune femme sentit une boule lui remonter dans la gorge et hocha la tête
« Maintenant oui… Si vous saviez ce que … » S’interrompit elle
Le vieux Mac Drache soupira
« C’que j’crois c’est qu’vot mère est v’ nue vous dire c’ te nuit pour le naufrage et qu’ c’est pour ça qu’ vous pleurez »
Arabella ne chercha même pas à nier et posa sur lui un regard inquiet
« Oh j’dirais rien.. Mais c’qu’un vieux qui dort pas comme moi peut voir d’autres peuvent aussi …
- Je sais… Mais elle n’est venue que pour me dire pour Billy… Soupira Arabella
- Ouais… C’qui m’ennuie c’est qu’la Sarah elle a la lettre depuis trois jours… Répondit le vieil homme.
- Je vois. Grinça Arabella. Merci d’être venu…
- Dites… La Sarah elle est pas méchante hein… Elle est … bah vous savez… » Déclara le vieil homme
Malgré sa rage envers la jeune femme à cause de qui elle venait de vivre les pires heures de sa vie, Arabella s’adoucit
« Je ne dirais rien. Pas pour elle. Mais pour vous. Et pour Tim. »
Le vieux Mac Drache sourit.
« C’est bien… Vous êtes une gentille petite. »
Les deux complices se sourirent et ils sursautèrent brutalement alors qu’on frappait sèchement à la porte qui s’ouvrit sans attendre de réponse.
« Bonjour. Déclara un homme au visage dur, richement habillé. Je suis un nouveau venu au village et j’ai jugé qu’il était de mon devoir de venir me présenter. Je suis Mr Mercer. »
Une ombre passa sur le bonheur retrouvé d’Arabella et elle déglutit nerveusement
« Arabella Turner. Et mon voisin Mr Mac Drache. Se força-t-elle à dire
- Oui. Madame Turner…. Je ne doute pas que nous nous reverrons très vite. Commenta Mercer, sans accorder un regard au vieil homme. Au revoir Madame. »
Arabella fixa la porte, tétanisée alors qu’elle avait la désagréable impression que le mal était entré chez elle et en était ressorti aussi vite.
« Y me dit rien qui vaille c’lui là. » Commenta le vieux Mac Drache.
Écrire commentaire