Le Hollandais Volant, royaume des morts
William plaqua les derniers accords avec sécheresse et lâcha un soupir désespéré. Même la musique ne parvenait plus à calmer sa peine. Depuis qu’il avait vu disparaître Jack Sparrow de la liste des âmes mortes, depuis qu’il savait que le pirate ne devait sa résurrection qu’à la volonté d’Elizabeth il lui semblait que sa raison vacillait. Il brûlait de la voir, de l’entendre, de la caresser. Il ignorait ce qu’elle était devenue aux mains de Beckett et désespérait ne pas savoir où elle était. Il oscillait entre son désir d’elle, son envie de protection et la rancœur qui peu à peu le possédait. Il souffrait.
A quelques mètres de la cabine d’où s’échappait à présent des sanglots désespérés, Bill Turner serra les poings d’impuissance. Il avait rencontré la jeune Elizabeth et comme son fils avant lui il avait été séduit par la jeunesse, la beauté et le courage de celle qui était sa belle-fille. Pourtant, Bill avait rapidement compris que la femme que son fils aimait n’était pas de celles qui étaient faites pour lui. Malgré tous les mots de consolation et les raisons qu’il avait cherchés pour tenter d’atténuer la peine de Will il ne s’expliquait pas lui-même le choix d’Elizabeth. Elle avait tenu la liberté de son fils dans sa main et elle avait choisi Jack.
Will se leva et regarda l’homme qu’il était devenu, le teint hâve qui était désormais le sien à force ne plus jamais voir la vie, les rides de tristesse qui commençaient à faire leur œuvre autour de ses yeux las… Une voix familière interrompit son examen.
« Will. »
Le jeune capitaine tressaillit et se tourna vers sa cabine, ébahi devant celle qui lui faisait face.
« Elizabeth ? Mais…
- Je suis là Will. Répondit la jeune femme en s’approchant de lui.
- Ce, ce n’est pas possible. »
Will regarda la forme si familière venir se nicher dans ses bras, ses doigts se perdirent dans la chevelure blonde de sa femme et il respira son odeur.
« Je suis ici pour toi Will. Murmura-t-elle en levant son visage vers lui. Embrasse-moi. »
Le jeune capitaine ne savait plus où il en était. Délirant de joie, il l’embrassa longuement et la jeune femme lui répondit avec une avidité qu’il ne lui avait jamais connue. Sauf lorsqu’il l’avait vue embrasser Jack… Refroidi par cette pensée, il la repoussa doucement.
« Elizabeth, pourquoi ? »
Elle leva son visage vers lui et eut un sourire ingénu.
« Pourquoi pas ? » Répondit elle en suivant sa cicatrice du bout des doigts
Will ferma les yeux. Il n’avait plus envie de lui demander d’explications. Lentement Elizabeth laissa tomber sa robe à terre, dévoilant son corps ferme et lisse.
« J’ai besoin de toi Will. J’ai besoin d’être femme. S’il te plait… »
Le sang cognant désespérément à ses tempes, Will la prit dans ses bras et la porta jusqu’à son lit. Il aurait tout le temps de lui demander des explications plus tard.
Le Black Pearl, pas de destination
Jack sortit de sa cabine, épuisé par les longues nuits sans sommeil qu’il avait passées à veiller sur Elizabeth. La jeune femme n’avait pas repris conscience depuis qu’elle lui avait confessé attendre la mort et Jack était inquiet. Plus qu’il ne l’avait jamais été pour qui que ce soit, plus qu’il ne l’était pour lui-même. Il avait tenté toutes les médecines connues et ne savait plus comment faire pour faire revenir sa Lizzie qu’il sentait chaque jour s’enfoncer un peu plus vers la mort. Elle ne se réveillait plus, ne délirait plus, et chaque fois qu’il la quittait Jack craignait de la trouver morte à son retour.
Il alla s’accouder à la proue. Ses yeux hagards fouillaient l’horizon lorsqu’une voix pressée le sortit de sa rêverie angoissée.
« Je n’ai pas beaucoup de temps. »
Jack se retourna. Il découvrit avec surprise la femme qui lui était déjà apparue sur Ithaque et qui l’avait aidé.
« Encore vous ! On vous a jamais appris à vous annoncer ? » Ironisa-t-il.
Périboéa le fixa.
« Comment va-t-elle ?
- Mal !! Comment voulez-vous qu’elle aille après ce que Beckett lui a fait subir ? Il l’a... Et son beau visage… Répondit Jack, étonné de sentir sa voix se briser sur ses derniers mots.
- Est-ce donc tout ce qui t’intéresse chez elle ? Sa beauté ! S’indigna Périboéa. Pauvre femme, tout sacrifier pour ça ! » Lâcha-t-elle d’un ton méprisant.
Jack leva la main d’un air d’impuissance.
- Vous ne comprenez pas ! Je me fiche de son apparence, mais cette blessure, elle. Elle en meurt et je ne peux rien faire !! Cria-t-il faisant se retourner ses hommes, surpris de le voir s’agiter seul comme s’il discourait avec un interlocuteur imaginaire.
- S’il existait un moyen de la sauver le ferais tu Jack Sparrow ? Serais tu prêt à tout tenter pour sauver cette femme ?
- Dites-moi comment. » Se contenta de répondre Jack.
Périboéa admira le profil décidé du pirate et chassa le souvenir de cet Ulysse infidèle auquel la lumière lunaire faisait ressembler Jack.
« Il existe un moyen. Si tu trouves la fontaine de Jouvence et que tu lui fais boire, sacrifiant ta chance d’immortalité, elle vivra. Ses blessures physiques s’effaceront mais pas celles de son âme. Cependant l’eau ne peut être utilisée qu’une fois tous les cent ans, pour guérir ou devenir immortel. Une fois que tu auras fait ton choix tu ne pourras plus revenir en arrière. »
Jack resta silencieux un long moment et débattit avec lui-même.
« Trouve la fontaine… et utilise la pour toi Glissa une voix pernicieuse à son oreille qu’il balaya d’une chiquenaude.
- Et ça sauvera Elizabeth ? » Finit-il par demander.
Ses paroles résonnèrent bizarrement dans le silence, lui semblant être un lointain écho des mots jadis prononcés par Will.
« Oui mais peut-être ne veut-elle pas être sauvée. Si c’est le cas tu en porteras la responsabilité. Réfléchis bien Jack Sparrow.
- Comment je la trouverais ? La carte a brûlé avec l’Empress. Répondit simplement Jack.
- Si ce que tu désires le plus est de sauver cette femme alors le compas de Calypso te guidera.
- Vous commencez à parler comme elle. Répliqua Jack d’un air songeur.
- Peut être bien Jack mais elle a fait son choix. À toi de faire le tien. » Souffla Périboéa avant de disparaître.
Resté seul, Jack fixa les flots d’un air hagard. Il pouvait enfin trouver la fontaine. Pour sauver Elizabeth.
« Ou pour te sauver toi… » Glissa à nouveau la voix à son oreille.
Jack ouvrit son compas d’un air décidé avant de pousser rudement Tai qui se trouvait à la barre.
« Nous avons un cap, Monsieur Huang. »
Le second s’effaça avec un sourire tandis que les hommes d’équipage commençaient à murmurer.
« Vous trouvez pas que le Capitaine est bizarre ? Demanda Marty. Encore plus que d’habitude je veux dire.
- Tous ses allers retours dans le monde des morts ont dû lui détraquer l’esprit. Renchérit Pintel.
- Ou alors il est possédé par le démon. » Compléta Ragetti d’un ton funèbre.
Les trois hommes s’entre regardèrent et se signèrent précipitamment tandis que Jack, agacé, les rappelait à l’ordre d’une voix dure.
« Sortez la grand-voile au lieu de prier ! Nous devons trouver la Fontaine de Jouvence ! »
A ces mots, les hommes se mirent à courir. Ils ne savaient pas ce que Jack Sparrow avait en tête mais au moins ils avaient un but.
Le Hollandais Volant, cabine du Capitaine
Elle était là. Allongée sous lui. Enfin il pouvait réapprendre sa douceur. Will embrassa une nouvelle fois Elizabeth tandis qu’il la faisait sienne, son corps répondant aux caresses expertes de sa femme. Avec un sourire, Elizabeth le fit basculer sous elle et son corps ondula sur le sien.
« Will. Souffla-t-elle. Regarde-moi maintenant… »
Avec un sourire heureux, le jeune capitaine ouvrit les yeux et un cri d’horreur lui échappa en découvrant le visage tendu par le plaisir de Calypso. Sans réfléchir il la repoussa avec violence, bouleversé par ce qu’il venait de faire.
« Comment osez-vous ! Hurla-t-il
- Tu ne trouvais pas ça si désagréable il y a quelques instants.
- Où est Elizabeth ? C’est avec elle que je veux être ! Elle est ma femme et je l’aime !
- Et elle ? Crois-tu réellement qu’elle voulait être avec toi ? Imagines tu que sa dernière pensée a été pour toi William Turner ? »
Will s’interrompit brutalement, le visage hagard.
« Sa dernière pensée, Elizabeth ! Non... Gémit-il.
- Elle morte au fond des geôles de Beckett, William. Personne n’est jamais venu la secourir. Sparrow se dirige vers la fontaine de Jouvence, prêt à réaliser son rêve tandis que ta chère Elizabeth a rendu son dernier soupir sans qu’aucune main ne lui soit tendue. »Mentit elle.
Will sentit quelque chose se briser en lui.
« Pourquoi. Murmura-t-il. Pourquoi faites-vous ça ? Pourquoi m’avoir fait croire que vous étiez elle ? »
Calypso s’approcha lentement de lui, son corps encore nu frôla impudiquement le sien tandis que Will reculait avec une moue dégoûtée.
« Parce que tu es le Capitaine du Hollandais Volant et que comme tel tu m’appartiens William Turner.
- Jamais.
- Je peux prendre toutes les formes. Être celle que tu désires le plus. » Murmura Calypso d’un air tentateur.
Elle reprit les traits d’Elizabeth avant de poser les mains sur son torse.
Will saisit ses poignets délicats et les serra à les briser.
« Mais vous n’êtes pas elle, cessez cette mascarade ridicule.
- Pourtant tu t’y es laissé prendre. Et bientôt tu viendras vers moi. Parce que je peux te donner ce que ta chère Elizabeth n’a jamais pu t’offrir. Une femme, une compagne, durant tes années d’errance sur ce navire.
- Je préfère être seul plutôt que de trahir sa mémoire.
- Tu changeras d’avis William, je te l’ai dit. Guidé par le destin… » Murmura Calypso avant de disparaître, le laissant seul.
Pacific Princess, en mer
Lord Beckett savourait sa tasse de thé tout en se régalant des cris d’agonie qui résonnaient dans les eaux sombres qu’il traversait. Un sourire tordu aux lèvres, il regarda le navire pirate qu’ils avaient croisé partir en morceaux, victime de la sauvagerie des hommes qu’il avait recrutés pour partir à la poursuite de Sparrow et de sa garce de reine.
Gilette s’approcha, traînant derrière lui une forme ensanglantée qui avait dû être humaine.
« Voici leur Capitaine Lord Beckett.
- Excellent Amiral Gilette. »
L’homme se rengorgea, encore peu habitué à son nouveau grade qu’il devait au Lord qu’il servait. À ses pieds, l’homme agonisant gémit tandis que Beckett lui donnait un coup de pied au visage.
« Connais-tu Jack Sparrow ?
- Le Capitaine. » Répondit l’homme avec difficultés.
Un nouveau coup récompensa son effort et Beckett reprit.
« Où est-il ? »
L’homme, le visage en bouillie, eut une caricature de sourire et cracha un long jet sanglant sur les bottes du Lord.
Beckett le repoussa rudement et essuya sa botte d’un air affecté avant de se tourner vers Gilette.
« Mettez-le aux fers et assurez-vous qu’il ne meure pas. Du moins pas maintenant. Nous trouverons bien un moyen de le faire parler. Ricana-t-il, insensible aux cris de douleur du malheureux.
Îlot désert
Hector Barbossa serra contre lui son manteau élimé trempé qui ne suffisait pas le protéger du froid de l’île au large de laquelle Jack Sparrow l’avait abandonné. Il avait perdu la notion du temps et était incapable de se souvenir depuis combien de temps il était ici. Il ne restait en vie que grâce à la haine que lui inspirait à présent le pirate.
Une voix moqueuse s’éleva derrière lui.
« Manquait plus que ça. » Grimaça-t-il en reconnaissant Calypso.
Cette dernière sourit et s’approcha de lui.
« Hector. Mon cher ami te voilà donc en bien mauvaise posture.
- Dois-je en conclure que c’est à toi que je le dois ? »
Calypso sourit et sa main vint caresser la joue rêche du pirate.
« Allons Hector t’ai-je déjà trompé ? »
Barbossa saisit sa main et l’écarta fermement de lui.
« Je ne suis pas complètement sénile Calypso. »
Cette dernière perdit sur le champ son air charmeur et reprit le ton coupant qui lui était habituel.
« Soit. Mais nous avons désormais des intérêts communs. Tu souhaites la mort de Sparrow et moi celle de cette grue que vous vous êtes donnés comme reine.
- Je n’ai rien contre Elizabeth Turner !
- Même si en la tuant tu es sur d’infliger un coup définitif et mortel à Jack ? Vois-tu, ce dernier est tombé dans ce qui fâche tous les hommes… amusant non ? »
Barbossa la contempla un moment, l’esprit brouillé par la faim et la fatigue.
« Le manque de pommes ? Avança-t-il d’un air sceptique.
- Non, une femme… »
Cette fois Hector retrouva ses esprits et se remémora les dernières semaines.
« Elizabeth Turner…Mais pourquoi te rendrais je service ? Je peux me venger de Sparrow sans ton aide ! »
Calypso regarda moqueusement autour d’elle.
« Je ne vois pas ton navire.
- Un incident malencontreux. »
Calypso grimaça et vint se coller à lui.
« Je peux t’offrir un navire, je peux te donner l’immortalité, les coordonnées de la fontaine de Jouvence… »
Hector éclata de rire.
« Et pourquoi devrais je te faire confiance Calypso ? Il me semble que tu changes assez souvent d’alliés.
- Ne suis-je pas la mer ? Changeante, troublante, violente. Et toi aussi tu changes souvent d’alliés Hector. »
Barbossa sourit en la sentant se rapprocher de lui.
« Celui qui est mon amant dispose de grands pouvoirs Capitaine Barbossa. Je te demande juste la tête de cette femme. En échange de ta vengeance et de ton immortalité. »
Hector sourit et l’embrassa profondément en guise de réponse puis la poussa sur le sable A tout prendre, peu importait le moyen pourvu qu’il ait sa revanche.
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