Éva frappa avec hésitation à la porte de la demeure de James Norrington, en effet cela faisait à présent une semaine qu'elle n'avait pas vu le Commodore. Depuis le jour où elle l'avait surpris chez Elizabeth pour être exacte. Elle avait longuement hésité avant de faire cette visite et avait passé des nuits blanches à se demander pourquoi il était encore si attaché à une femme qui ne l'avait traité qu’avec mépris. Après cela, elle avait attendu sa venue, regardant chaque jour s'écouler sans que le domestique n'annonce le Commodore. Finalement, au regard de ce qu'elle savait, attendu qu'il se trouvait toujours une bonne âme pour lui signaler que le Commodore Norrington rendait des visites fréquentes à Elizabeth Turner et au Gouverneur Swann, elle s'était décidée à se rappeler au son souvenir. C'était donc dans cet état d'esprit qu'elle pénétra chez lui.
James se retourna à son entrée dans le salon et la gratifia d'un sourire machinal.
« Miss Talmer. Comment allez-vous ma chère ?
- Fort bien Commodore. Je m'inquiétais juste pour vous, cela fait bien longtemps que nous ne sommes vus. »
James la regarda avec étonnement.
« Oh vraiment ? Il ne me semble pas que cela fasse si longtemps. »
Éva se mordit la lèvre nerveusement avant de répondre.
- Oh, j'ai dû me faire des idées sans doute …. Comment va notre chère Elizabeth ? » Se força-t-elle à demander.
Les traits de James se contractèrent brièvement avant de se détendre à nouveau.
« Elizabeth ne va pas très bien. Même si elle a désormais l'autorisation de visiter William de temps à autres, elle vit très mal la situation. Peut-être que la présence d'une amie l'aiderait dans cette épreuve. » Glissa-t-il.
Éva s'éventa un instant et plongea son regard bleuté dans celui du Commodore avant de répondre.
« En effet … Je songerais à la visiter mais, vous savez ce que c'est, les obligations. Vous-même vous ne semblez pas avoir beaucoup de temps à accorder aux mondanités ces derniers temps. Ne put-elle s'empêcher d'ajouter.
- Je pensais qu'elle et vous étiez amies … S'étonna James en la regardant avec attention.
- Oh mais nous le sommes ! » S'exclama Éva qui rougit sous son regard.
James sourit avant de s'approcher d'elle pour lui baiser la main avec galanterie.
« J'en suis ravi, Elizabeth a besoin d'être entourée et elle en aura bientôt besoin plus que jamais… Ajouta-t-il d'un ton sombre.
- Oh ! Vous pensez donc que son mari sera condamné ? » Demanda Éva légèrement mal à l'aise.
James soupira avant de la guider vers le sofa et la fit asseoir à ses côtés.
« Je crois que le jeune Turner a peu de chances. Cette histoire est très compliquée Éva et ma responsabilité dans ce malheur est hélas importante… Avoua-t-il avec regret.
- Voyons Commodore, il me semble au contraire que vous avez tout fait pour les protéger. Elizabeth m'a dit que vous étiez allé jusqu'à minimiser l'implication de Will dans l'affaire. »
James se sentit rougir.
« Mais ça n'a pas suffi …
- Voyons Commodore, je suis bien certaine, vous connaissant un peu que vous avez agi avec honneur et compassion. »
Un sourire triste naquit sur les lèvres de James alors qu'une fois de plus la conversation qu'il avait eue avec Beckett le jour du mariage d'Elizabeth lui revenait en mémoire.
« Vous êtes très aimable Éva, mais je ne mérite pas vos louanges ou votre admiration.
- Bien sûr que si. » Murmura la jeune femme.
James leva les yeux vers elle, ému de lire la sincérité dans son regard.
« Vous êtes une femme parfaite Éva, le genre d'épouse que tout homme rêverait d'avoir. »
Rougissante, Éva détourna brièvement le regard, consciente de la main de James qui s'attardait sur la sienne.
« C'est à mon tour de ne savoir quoi dire… »
James la regarda un instant, savourant d'être face à une femme qui ne le jugeait pas et qui n'avait aucune raisons de le faire. Il admira son profil délicat, son cœur battit un peu plus vite alors qu'un brusque élan le poussait vers elle, une envie de mieux connaître cette jeune femme discrète qui, dans chaque moment difficile de sa vie était là sans même savoir qu'il avait douloureusement besoin de réconfort. Sa main serra celle de la jeune fille plus fort tandis qu'il approchait lentement son visage du sien.
Il s'apprêtait à l'embrasser lorsque le lieutenant Gilette fit irruption dans le salon sans prévenir.
« Commodore ! Il s'est pass…Oh, toutes mes excuses … » Dit-il l'air contrit en découvrant Éva.
Le cœur battant la chamade, la jeune femme se tourna vers lui et le maudit intérieurement d'avoir interrompu ce qui ressemblait fort à une déclaration.
« Et bien qu'y a-t-il de si urgent Gilette ! Demanda James d'un ton agacé qui fit chaud au cœur d'Éva
- Monsieur, je veux dire Commodore… Je… Lord Beckett veut vous voir … Le… le Gouverneur Swann vient de mourir. Une attaque foudroyante. »
A ces mots, la peine envahit le visage de James et il se tourna vers Éva, les yeux légèrement brillants.
« Éva, pardonnez-moi mais je crois que notre conversation devra être remise à mon grand regret… »
Elle hocha doucement la tête, le cœur serré à l'idée du chagrin qui devait être celui d'Elizabeth.
« Je comprends Commodore. De mon côté je vais aller voir Elizabeth.
- Oui, Elizabeth bien sûr ! Mon dieu la pauvre…. Dit James avant se pencher sur sa main, appuyant légèrement son baiser. Vous êtes décidément une amie précieuse en plus d'être une femme parfaite Éva. »
La jeune fille rougit de plaisir avant de se lever, heureuse de constater qu'elle s'était trompée sur les sentiments de James.
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Assise seule dans le grand salon de la demeure du Gouverneur où elle avait passé une bonne partie de son enfance, Elizabeth peinait à réaliser la nouvelle. Les dernières semaines qui auraient dû être les plus belles de sa vie s'étaient transformées en cauchemar.
Éva entra silencieusement et glissa ses bras autour des épaules d'Elizabeth.
« Je suis désolée. Murmura-t-elle. Pardonne moi de ne pas être venue avant … J'ai été stupide. »
Elizabeth leva son regard embué vers elle avant de fondre en larmes. Elle enfouit son visage dans le cou de son amie.
« Éva … J'ai si peur … tellement peur …Je … je suis en train de perdre tout ceux que j'aime… Will est en prison … Père est mort …Je... Je ne sais pas comment je pourrais continuer. »
Éva la serra doucement dans ses bras.
« Allons Elizabeth tu es la personne la plus forte que je connaisse. Calme toi ni ton père, ni Will n'aimeraient te voir dans cet état. Tu n'es pas seule. Je suis là. » Murmura-t-elle, rougissant de honte au souvenir de son comportement récent et de sa jalousie qui l'avait éloignée de son amie.
Elizabeth ne répondit pas et se contenta de pleurer tandis qu'Éva la berçait doucement, attendant que sa peine s'apaise.
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Cutler Beckett accueillit James Norrington avec un verre de sherry, un sourire radieux sur le visage.
« Merveilleuse journée ne trouvez-vous pas ? »
James le regarda avec raideur.
« Je ne vois rien aujourd'hui qui doive être célébré. Le Gouverneur Swann était un homme bon …
- Auquel j'entends bien rendre les hommages que nous lui devons. Répondit Cutler. Non je parle du procès de Will Turner qui va bientôt commencer. Dans un mois tout au plus ce pirate sera confronté à ses actes.
- Vous, vous n'êtes pas sérieux. Murmura James. Enfin pensez à sa femme, elle vient de perdre son père !
- Oui bien sûr c'est embêtant. Toutefois Madame Turner se retrouve ainsi à la tête d'une jolie fortune.
- Je doute qu'elle y trouve le moindre plaisir. Souffla James.
- Allons c'est une chance pour elle. Une fois veuve, l'argent fera oublier qu'elle s'est fourvoyée dans une union indigne. » Répondit Beckett avec décontraction.
James serra les poings et le gratifia d'un long regard hostile tandis que Beckett continuait.
« Voyons, les hommes comme Turner ne sont pas dignes qu'on s'intéresse à leur sort. Un homme capable de faciliter l'évasion d'un criminel est lui-même un criminel. Gronda Beckett avec un air menaçant. N'est-ce pas Commodore ? »
Saisissant la menace à peine voilée, Norrington le regarda avec prudence et préféra éluder la question.
« Et qui va à présent exercer la fonction de Gouverneur ?
- Et bien dans l'attente d'un nouveau décret de Sa Majesté, il apparaît logiquement que, pour le bien de la Couronne, je me vois dans l'obligation de me soumettre à cette charge. » Répondit Beckett, un large sourire aux lèvres.
Serrant les poings d'impuissance, Norrington lui adressa un bref signe de tête avant de sortir, plus inquiet que jamais…
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Cela faisait à présent un mois que le Gouverneur était mort et Elizabeth, vêtue de noir se préparait à voir Will, pour la dernière visite avant le début du procès du jeune forgeron. Éva lui sourit avec chaleur tandis qu'elle l'aidait à prendre place dans la voiture, émue de la pâleur de son amie.
« Tu es sure que ça ira Elizabeth ?
- Je, je ne sais pas. » Répondit-elle en posant une main inquiète sur son ventre.
Elizabeth avait eu beaucoup de mal à admettre la mort de son père et les dernières semaines l'avaient amenée aux portes de la folie tant il lui semblait que sa vie toute entière lui échappait. Elle attendait avec anxiété le procès de Will. Elle espérait que le jeune homme soit pardonné mais redoutait une condamnation sévère tant ce Beckett qui refusait de la recevoir mettait d'application à les poursuivre. S'il n'y avait pas eu sa promesse à Will, Elizabeth aurait depuis longtemps forcé les portes du Lord mais elle s'obligeait au calme, ne voulant pas empirer la situation de Will par un acte irréfléchi.
Le cœur au bord des lèvres, elle traversa une nouvelle fois la prison sous les insultes de plus en plus virulentes des compagnons de cellules de Will auxquelles elle n'arrivait toujours pas à s'habituer.
Elizabeth, par une habitude douloureusement apprise, s'agenouilla devant les barreaux et se força à sourire pour Will. Dès qu'il la vit, le jeune homme s'approcha et leurs mains se nouèrent.
« Comment vas-tu ? Demanda-t-il d'un ton inquiet. Si tu savais ce que j'aimerais pouvoir te serrer dans mes bras. »
Elizabeth laissa couler quelques larmes et appuya son front contre la main de Will.
« Pourquoi ne te libèrent ils pas tout simplement. Murmura-t-elle. Pourquoi ce Beckett nous fait il ça ? »
- Je ne sais pas Elizabeth… » Soupira le jeune homme, le cœur serré devant cette question qui revenait sans cesse.
Elizabeth releva son visage et passa sa main fine à travers la grille pour suivre les contours du visage de Will qui ferma les yeux à cette caresse désormais familière.
« Will ….
- Il faut garder espoir Elizabeth. Murmura-t-il, le cœur serré, conscient que l'issue du procès était décidée depuis des semaines.
- Je suis enceinte Will… » Dit Elizabeth alors qu'elle fondait en larmes.
Le cœur du jeune homme s'arrêta net à ces mots et il serra brièvement les poings, songeant à ce bonheur qui lui était refusé…
« Mon amour. Souffla-t-il. Ma belle Elizabeth, c'est merveilleux… Si tu savais comme je voudrais pouvoir te serrer dans mes bras… Cette fois plus que jamais.
- Notre enfant. Souffla-t-elle sans pouvoir s'arrêter de pleurer.
- Elizabeth. Dit Will en cherchant à essuyer ses yeux. Ne pleure pas, pense à ce bébé, notre bébé … Tu ; tu me fais aujourd'hui le plus cadeau du monde… Je t'aime.
- Je t'aime aussi Will.
- Peut être que ce bébé est un signe... Un signe que tout ira bien pour nous. Se força à continuer Will. Mon procès a lieu demain… Après, tout sera fini. »
Elizabeth, le fixa, incertaine, tandis qu'il lui souriait avec affection et se forçait à ne pas laisser s'écouler sa peine devant elle. Doucement il posa ses lèvres sur ses doigts avant de la regarder à nouveau.
« Va maintenant, on se verra demain…. »
Tandis qu'Elizabeth s'éloignait, ses mules claquant sur le pavé de la prison, Will enfouit sa tête dans ses mains. Il songea qu'en plus de sa vie il allait perdre tout ce qu'il avait jamais désiré ….
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Le procès fut rapide et la sentence s'abattit sur Elizabeth comme un coup de canon.
« William Turner nous vous déclarons coupable de piraterie et nous vous condamnons à être pendu haut et court jusqu'à ce que mort s'ensuive. Cette sentence sera appliquée demain à l'aube. »
Trois phrases. Trois petites phrases qui suffisaient pourtant à décider du cours d'une vie.
Alors que les gardes emmenaient Will, menotté et plus blême que jamais, Elizabeth se jeta à son cou, elle l'embrassa fiévreusement pendant que les gardes s'efforçaient de l'écarter sans douceur.
« Will ! Hurla Elizabeth. Non ! Je ne les laisserais pas ! Jamais, je vais leur dire, je vais tout leur dire. » S'écria-t-elle en se précipitant vers le juge.
Will sentit son sang ne faire qu'un tour en réalisant qu'elle s'apprêtait à faire des aveux publics qui la condamneraient sans le moindre doute possible au même châtiment.
« Elizabeth ! » Cria-t-il en tentant de se dégager de la poigne des gardes.
James qui avait lui aussi compris l'intention d'Elizabeth, rattrapa la jeune femme et la serra étroitement dans ses bras.
« Taisez-vous, être pendue vous aussi ne sauvera pas Will. » Souffla-t-il à son oreille.
Elizabeth se débattit, les larmes aux yeux en voyant les juges s'éloigner.
« Laissez-moi … laissez-moi James …
- Non ! Croyez-vous que votre père aurait voulu vous voir vous balancer au bout d'une corde ? Will lui-même vous demande de ne rien dire. »
Elizabeth fondit en larmes et s'écroula dans ses bras tandis que James la serrait étroitement.
« Je ne veux pas le laisser.
- Chut… Je sais Elizabeth mais vous ne pouvez rien faire sauf plaider la cause de Will auprès de Beckett. Je vais tacher d'arranger ça mais promettez moi de rester tranquille. Il y va de votre vie. » Glissa James en l'entraînant.
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