Chapitre 1 : Une tasse de thé et un livre


1860 au large de la Grande Bretagne,

 

 

L'aube se levait à peine sur la lande écossaise. Les premiers rayons du soleil chatouillaient les brins d'herbe des collines verdoyantes et faisaient briller les eaux claires et calmes que pour une fois n'agitait aucune tempête. Non loin de là mais encore dans l'autre monde approchait, le regard confiant et la mine sereine, le capitaine du Hollandais Volant. A la proue de son navire, William Turner attendait que l'aube s'épanouisse totalement pour revenir dans le monde des vivants… durant une journée.

 

« Dix ans en mer contre un seul jour à terre » tels étaient les termes du contrat qui le liait au Hollandais Volant en échange de son immortalité et Will s'y était toujours conformé, de plus en plus facilement au fur et à mesure que les années passaient et que sa charge lui semblait moins lourde à porter. A présent, lorsque cette journée arrivait, il allait où il lui plaisait. Il n'avait plus personne à visiter ou qui l'attende, les yeux fixés sur l'horizon, il était libre…

 

Bien sûr, après la mort d'Elizabeth il avait visité son fils, Liam, ainsi qu'il l'avait toujours fait du vivant de la mère de ce dernier. Son fils était père à son tour et son petit-fils, William Jack, allait bientôt épouser une fille du village voisin, la fille du forgeron ironiquement. Will avait serré la main de son petit-fils et lui avait souhaité d'être heureux sans que ce dernier ne sache qu'il avait devant lui son grand père. En effet, Liam avait toujours insisté pour garder le secret sur la véritable identité du voyageur qui revenait périodiquement avec un visage lisse de quasi enfant et sur qui les années paraissaient glisser. Will s'était donc rendu auprès de son fils, à présent un homme fait et avait réalisé avec un peu de tristesse que son petit-fils, William Jack, était le premier Turner depuis des générations à avoir grandi près de son père.

 

Même s’il vivait encore mille ans, Will n'oublierait jamais cette entrevue avec ce fils dont il n'avait jamais eu l'occasion d'être proche.

 

Ce jour-là Liam était seul sur les collines d'Irlande à attendre le père qu'il connaissait si peu pour lui parler de tout ce qu'il avait manqué. Et Will avait écouté, il avait écouté son fils devenu plus sage que lui, lui parler de sa vie comme il ne l'avait jamais fait auparavant. Liam lui avait parlé de son enfance, du petit garçon qu'il avait été, de l'enfant qui passait des jours à guetter l'horizon en vain, espérant que son papa revienne même si sa mère lui avait expliqué que son papa ne pouvait pas venir quand il le souhaitait, que sinon il serait avec eux, que sans cette malédiction il ne les aurait jamais laissés. Et Will s'était reconnu avec remords dans la tristesse et dans le sentiment d'abandon de Liam. Lui aussi avait connu la douleur de grandir sans père et comme Liam il avait longtemps espéré retrouver le Bottier. Puis, Liam lui avait dit qu'il avait cessé d'attendre, qu'il avait cessé de croire qu'un jour son père reviendrait, qu'un jour il pourrait compter sur lui. Et Will avait compris que ce n'était pas une accusation mais un constat de tout ce qu'il avait manqué.

 

Liam lui avait raconté Elizabeth, sa force mais aussi les sanglots qu'elle étouffait dans son oreiller le soir, lorsqu'elle le croyait endormi. Il lui avait parlé d'une femme que Will ne connaissait pas, une femme dont la tendresse s'était reportée sur son fils, une femme désespérément seule. Liam lui avait raconté la détresse de sa mère lorsqu'il lui avait fait part de sa décision de prétendre que son père était mort en mer auprès des autres gamins pour mettre fin aux questions. Et puis Liam avait parlé de Jack Sparrow.

 

Il avait parlé des visites du pirate, une fois par an, des histoires qu'il lui racontait, du sourire d'Elizabeth lorsqu'elle voyait apparaître la silhouette du célèbre capitaine sur le chemin qui menait à leur demeure. Les yeux baissés comme un enfant, Liam lui avait confessé qu'il avait rêvé que ce soit Jack son père. Non pas parce qu'il n'aimait pas Will, mais parce que Jack venait souvent, parce que ses visites duraient plus que quelques heures à la sauvette une fois tous les dix ans. Il lui avait aussi parlé du regard que Jack posait sur Elizabeth et qu'il avait compris en grandissant. Il avait raconté la distance qu'Elizabeth avait instaurée entre le pirate et elle et qu'elle maintenait invariablement même si parfois sa voix la trahissait et tremblait lorsqu'elle parlait de son vieil ami…

 

Et Will avait écouté, assimilé, compris. Il avait découvert la vie d'Elizabeth à travers le récit de son fils, il avait appris tout ce qu'il n'avait jamais su et qui était pourtant si important. Il avait compris les larmes amères que sa femme avait versées à la mort du pirate et il n'en avait pas été blessé… La passion et l'amour qu'il avait ressentis pour Elizabeth Swann s'étaient éteints bien avant la mort de cette dernière et les seuls sentiments qu'il gardait à celle qui avait été sa femme et dont il n'avait jamais partagé la vie étaient la tendresse et la compassion.

 

Will n'avait pas non plus été blessé lorsqu'en guise de conclusion Liam lui avait annoncé qu'il préférerait qu'il ne revienne pas dans dix ans. A cause de sa charge, son fils n'était pour lui qu'un étranger qui lui ressemblait et qu'il avait vu cinq fois dans sa vie. L'homme qu'il appelait « mon fils » s'était construit grâce aux soins attentifs d'Elizabeth et curieusement, comme Will l'avait découvert ce jour-là, grâce aux conseils avisés de Jack mais aussi des autres pirates qui jusqu'au bout étaient restés fidèles à leur reine tout comme cette dernière l'avait été envers lui. Liam et lui n'avait en commun que le sang qui coulait dans leurs veines et Elizabeth. A présent qu'elle était morte, plus rien ne les reliait plus et c'était l'âme en paix que Will avait salué son petit fils et la fiancée de ce dernier, se prétendant un cousin éloigné longtemps parti à l'étranger et venu rendre visite à son « oncle Liam ».

 

Après cela Will n'avait jamais cherché à revoir sa famille qui, finalement, était plus celle d'Elizabeth que la sienne et laissé les vivants dans un monde qui n'était plus le sien depuis des années. Il n'avait revu son fils qu'une seule fois, lorsqu'il l'avait accompagné vers sa dernière demeure et n'avait pas demandé le nom de ses descendants. Liam ne les lui avait pas dits non plus, impatient de retrouver la mère qui avait toujours veillé sur lui.

 

Will secoua la tête pour chasser les souvenirs d'une vie qu'il n'avait pas vécue et qui lui revenaient toujours en mémoire lorsqu'il venait à terre. Puis, un sourire aux lèvres, admira l'éclair vert qui saluait son retour parmi les vivants…

 

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Sur la lande, les jupons flottant au vent et le manteau soigneusement replié sur son corps pour se protéger du froid encore vif de ce début de printemps Virginia Morland cheminait, un livre à la main. Elle profitait des premières heures de tranquillité avant que commence le tourbillon mondain auxquelles étaient soumises toutes les jeunes filles à marier n'ayant pas la chance d'être munies de parents possédant une fortune personnelle. En vérité Virginia trouvait toutes ces simagrées un peu inutiles et superflues et ne voyait aucun intérêt à la stratégie développée par sa mère dans le but de lui faire faire un bon mariage.

 

Ce qui intéressait Virginia, c'était la beauté, l'art, la peinture, la littérature, toutes ces choses que l'on jugeait féminines. Virginia s'intéressait à tout ce qui l'entourait, se piquait d'être moderne et indépendante mais rêvait secrètement du grand amour, celui qui viendrait et qui l'emporterait loin d'ici, loin de ce pays qu'elle détestait, loin des rêves de mariage prestigieux de sa mère.

 

La jeune fille se sourit à elle-même en se racontant toutes ces bêtises et riait de sa propre naïveté lorsqu'une lueur à l'horizon attira son attention. Légèrement intriguée, Virginia s'approcha et aperçut la silhouette d'un navire se détachant soudainement dans le soleil naissant.

« Je jurerais que ce bateau n'était pas ici il y a quelques instants. » Marmonna-t-elle, la main en visière pour mieux voir.

A sa grande surprise, une chaloupe solitaire se détacha du navire et commença à se diriger vers la côte. De plus en plus intriguée et décidée à élucider ce mystère, Virginia descendit à travers la lande pour se trouver fortuitement sur le passage de l'occupant de la chaloupe afin de voir à quoi il ressemblait.

 

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Will posa le pied à terre avec un soupir, heureux de sentir à nouveau la terre sous ses pieds. Il huma l'odeur portée par la lande, le parfum des forêts lointaines qui lui manquait tant lorsqu'il était dans l'autre monde. Il sourit au bruit du vent dans les feuilles des arbres et au pépiement joyeux des oiseaux de printemps qui se bâtissaient un abri. Un large sourire aux lèvres, il commença à marcher sur la plage et se rapprocha des terres, prêt à escalader le sentier escarpé qui menait vers la forêt et qu'il empruntait tous les dix ans.

 

Cela faisait à présent trente ans qu'il venait en ce lieu, il aurait pu voyager, mais il était attaché à l'Écosse qui l'avait vu naître aux dires de son père. Elizabeth avait choisi l'Irlande pour élever leur fils, principalement en raison de la protection que leur offrait cette contrée verdoyante où la Compagnie des Indes ne viendrait jamais débusquer la reine des pirates. Will, quant à lui, préférait l'Écosse et savourait le plaisir innocent de venir goûter la solitude de ce coin où personne ne venait jamais.

 

Aussi quel ne fut pas son déplaisir en croisant au détour du chemin une jeune fille visiblement essoufflée d'avoir couru et qui semblait se diriger vers la plage d'où il venait. Will baissa la tête et la salua entre ses dents tout en souhaitant ne pas tomber sur une de ces bavardes impénitentes qu'il avait pu connaître lorsqu'il vivait à Port Royal. Virginia, à bout de souffle, répondit à son salut tout en cherchant à voir le visage de l'homme qui se tenait tête baissée et ne s'arrêtait même pas pour engager la conversation. Une moue contrariée sur le visage, elle se retourna après l'avoir dépassé et le suivit du regard, vexée qu'il ne fasse pas preuve de la même curiosité à son égard.

 

Virginia se retourna tant et si bien, marchant à reculons sur ce sentier qu'elle connaissait depuis son enfance, qu'elle ne vit pas le caillou descellé qui la fit chuter lourdement dans un cri d'effroi. Will se retourna alors et revint sur ses pas. Il se pencha sur la jeune fille à regret mais ne put se résoudre à la laisser sans lui porter assistance.

« Vous vous êtes fait mal ? »

Vexée, rouge de confusion, Virginia prit cependant la main tendue.

« Une égratignure. » Répondit-elle froidement.

Will ramassa son livre et sourit en découvrant le titre.

« Les Hauts de Hurlevent

- Vous l'avez lu ? » Demanda hardiment Virginia, remise de sa chute.

 

Will observa un moment la couverture du livre.

« Non.

- Vous devriez ! S'exclama avec force Virginia. Ce livre est magnifique. On a coutume de plaindre Cathy et Hareton mais moi je plains Heathcliff, pauvre maudit, fou d'amour mais qui ne peut posséder celle qu'il aime. »

Will grimaça à ces mots.

« Maudit. Murmura-t-il. Vous ne connaissez rien des malédictions, ni des choses insensées que pousse à faire l'amour.

- Vous ne paraissez guère assez âgé pour le savoir vous-même. » Glissa Virginia.

Will releva les yeux et la regarda vraiment pour la première fois depuis leur rencontre.

 

Virginia lui rendit son regard. La lumière du soleil derrière elle fit apparaître son visage mutin comme nimbé de soleil et adoucit des traits qui n'en avaient nul besoin pour être harmonieux. Will sourit en apercevant une fine mèche brune qui s'était échappée de la résille dans laquelle ses compagnes étaient soigneusement enfermées. Finalement, il baissa les yeux à regret

« Je suis plus vieux que vous ne le pensez. » Déclara-t-il en lui tendant son livre.

Virginia ne réagit tout d'abord pas. Elle était trop occupée à examiner le visage qui s'offrait enfin à elle, la fine moustache accompagnée d'une légère barbe totalement démodées, le bandana bleu détrempé, les cheveux légèrement longs du jeune homme. Son regard glissa sur son torse dont l'échancrure de la chemise légèrement ouverte laissait apparaître la naissance d'une cicatrice boursouflée.

« Comment vous êtes-vous fait ceci ? » Demanda-t-elle.

 

Will recula légèrement et lutta contre l'envie de refermer sa chemise tout en lui tendant son livre avec insistance.

« Ça fait mal ? On dirait que … que la cicatrice descend sur votre cœur. » S'entêta Virginia.

Will pâlit légèrement à ces mots.

« Je n'en souffre plus depuis longtemps. Reprenez votre livre Miss. »

Virginia le prit avec lenteur et rougit légèrement lorsque leurs doigts se frôlèrent

« Bien. Je vous souhaite une bonne journée Miss. » Déclara Will avant de tourner les talons.

 

Virginia resserra le livre contre elle et se décida à courir derrière le jeune inconnu sans savoir pourquoi.

« Attendez !

- Quoi encore ? Demanda Will légèrement agacé par son insistance

- Vous m'avez sauvée cela mérite bien une tasse de thé non ?

- Je ne crois pas que vous ayez couru un grand danger Miss.

- Morland. Virginia Morland. Je suis ravie de vous rencontrer Monsieur ? »

Will soupira et ne put faire semblant de ne pas voir la main tendue de la jeune fille.

« Turner. William Turner. Le thé sera inutile Miss Morland »

Virginia éclata de rire devant sa retenue.

« Virginia. Et par un froid aussi mordant un thé est toujours utile. Allons venez, je vous promets que mon père ne vous forcera pas à m'épouser pour une tasse. » Plaisanta-t-elle.

 

Will sourit devant sa simplicité, le naturel avec lequel elle l'invitait dans sa maison et finit par céder. Après tout ce n'était qu'une tasse de thé, il ferait sa ballade ensuite.

 

Chemin faisant, Virginia lui désigna les différentes habitations au loin. Elle lui raconta des anecdotes piquantes sur certains de leurs propriétaires qui firent rire Will pour la première fois depuis des années. Le rire frais de Virginia se joignit bientôt au sien et les deux jeunes gens parvinrent bientôt en haut de la lande où Virginia reprit brusquement son sérieux.

« Regardez Mr Turner. Regardez cette lande, elle ressemble à s'y méprendre à celle de Heathcliff et de Catherine. »

 

Will mit un moment à comprendre que la jeune fille parlait des personnages de son livre et hocha la tête en s'en rappelant. Ils finirent par arriver à la maison qu'habitait la jeune fille et Will sourit en découvrant une demeure perdue dans un champ mais d'une taille respectable. Virginia, les doigts rougis par le froid défit les boutons de son manteau avant de le pendre à la seule patère libre.

« Vous n'avez pas froid Mr Turner ?

- William. Corrigea ce dernier avant de réaliser à quel point sa tenue pouvait paraître incongrue à la jeune fille. Non, j'ai laissé mes effets dans la chaloupe

- Ah donc vous êtes bien venu de ce bateau qui est apparu à l'aube. Triompha Virginia en s'engageant dans le salon sans attendre sa réponse ou même de voir s'il la suivait. Bonjour papa, maman. Voici Mr Turner, il m'est venu en aide lorsque j'ai fait une chute sur la falaise.

- Virginia je t'ai dit cent fois que ce chemin escarpé était dangereux! S'exclama son père avant de s'intéresser à Will. Allons Mr Turner entrez et asseyez-vous… Avoir supporté Virginia jusqu'ici mérite bien une tasse de thé et un gâteau.

- Je n'ai pas trouvé l'épreuve si insurmontable. » Sourit Will en s'asseyant.

 

Il se sentait inexplicablement à l'aise, plus même que dans la maison d'Elizabeth et de Liam.

« Oh dans ce cas c'est que vous devez être un saint. Annonça une jeune fille aussi blonde que Virginia était brune.

- Et toi tu n'es qu'une chipie Agnès ! Rétorqua Virginia avant d'éclater de rire à nouveau.

- Vous a-t-elle parlé de Cathy et d'Heathcliff Mr Turner ? Voyez-vous ma sœur est tout bonnement fascinée par le roman de Miss Bell… Elle s'imagine que le véritable amour existe et que bien sur Heathcliff est en est le plus criant exemple.

- Cet homme n'a agi que par désespoir de ne pouvoir être avec celle qu'il aimait ! S'insurgea Virginia. Je trouve cela atrocement beau.

- Je ne vois aucun mal à croire que le véritable amour existe. Intervint Will qui sentait la situation entre les deux sœurs sur le point de dégénérer.

- Oh… Vous y croyez donc vous aussi Mr Turner ? Demanda Agnès avec hardiesse.

- Je, déglutit Will qui ne savait quoi répondre. Je l'espère tout du moins. »

L'arrivée de la mère de Virginia coupa court à la conversation et sauva Will d’une discussion périlleuse avec les deux sœurs.

 

Finalement, les heures passèrent, les tasses de thés se succédèrent les unes aux autres avant d'être suivies par un repas. Will était à chaque minute qui passait plus à l'aise et plus fasciné par la jeune fille sensible et romantique que lui semblait être Virginia. La pluie lui servit de prétexte pour repousser sa promenade forestière et Will se rendit à peine compte de l'heure qu'il était jusqu'à ce qu'il voit la lumière du soleil faiblir.

« Je, je crois que j'ai largement abusé de votre hospitalité Mr Morland. Dit-il en se levant

- Mais non mon garçon… Revenez nous voir au contraire. L'encouragea Morland

- Oh oui revenez ! » S'écria Agnès, les yeux brillants, tandis que sa mère se taisait.

En effet, elle cherchait à évaluer si il ferait un beau parti et n'avait pas encore réussi à le déterminer

« Hélas… Je crains que ce ne soit pas possible prochainement. Répondit Will, un regret sincère dans la voix.

- Oh… Pourquoi donc ? Demanda Agnès

- En raison de mon métier, je suis, capitaine d'un navire. Finit par expliquer Will, restant aussi près que possible de la vérité. Et mon port d'attache se trouvant dans les Caraïbes… je crains de ne pas refaire escale ici avant longtemps.

- Oh…bien… » Murmura Agnès, sans cacher sa déception.

 

Après des adieux chaleureux, Will reprit le sentier qui l'avait amené jusqu'à la maison des Morland. Il se pressait de revenir à son navire avant que la nuit ne soit tombée lorsqu’un cri le fit sursauter. Derrière lui courait Virginia, ses longs cheveux bruns dénoués, un châle négligemment jeté sur ses épaules. Will s'immobilisa pour l'attendre et s'efforça de ne pas penser au temps qui passait. Finalement la jeune fille s'arrêta devant lui et lui tendit son précieux exemplaire des Hauts de Hurlevent

« Tenez Mr Turner. Prenez-le. Vous me le ramenez lorsque vous aborderez à nouveau ces côtes.

- Virginia, ça risque d'être long, je ne reviendrais peut être pas avant des années, peut-être même jamais.

- Peu importe. Moi je sais que vous reviendrez un jour ici et alors vous me rendrez mon livre et nous pourrons en parler ensemble. Affirma Virginia avec tant de fermeté que Will ne put que sourire.

- D'accord dans ce cas. Appelez-moi William, Virginia, à cette condition j'accepterais de lire votre livre.

- D'accord, Mr, William. Se corrigea la jeune fille. J'attendrai que vous me rameniez mon livre…

- Ça risque d'être long.

- Peu importe, quelquefois certaines attentes en valent la peine. Bien. Je ne veux pas vous retarder plus encore. Au revoir William. Dit Virginia en lui tendant la main

- Au revoir Virginia. » Murmura Will en effleurant la fine main tendue de la sienne avant de s'éloigner dans la lumière déclinante, luttant contre l'envie irrépressible de se retourner et serrant dans sa main le roman prêté par la jeune fille.

 

Derrière lui, au milieu de la lande que le brouillard envahissait peu à peu, ses cheveux flottant autour d'elle et ne paraissant pas sentir le froid, Virginia le suivit du regard. Elle ne rentra que lorsque la silhouette du jeune homme ne fut plus qu'un point minuscule à l'horizon…


Prologue                                                                                                            Chapitre 2


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