Queen Anne’s Revenge, pont
Philip ignorait combien de temps il était resté prostré, perdu dans le souvenir de la musique de la chanteuse mais lorsqu’il revint enfin au présent, le soleil brillait haut dans le ciel et les hommes d’équipage s’affairaient autour de lui, le bousculant parfois au passage. Le jeune missionnaire s’avisa alors qu’il était toujours agenouillé sur le pont, les joues humides des larmes qu’il avait versées lorsque la chanteuse avait été capturée.
Philip passa une main tremblante dans ses boucles sombres et se releva avec difficulté, à peine conscient des quolibets que les marins aguerris de Blackbeard faisaient sur son passage. Droit comme un i, les mains encore tremblantes d’émotion, Philip tira brutalement sur la veste de Davies et le força à se retourner.
« Où est-elle ?? » Demanda-t-il.
Davies grimaça tandis que Teach posait un regard noir sur ce matelot qui osait les interrompre en pleine discussion
« Pas maintenant Phil. » Souffla Davies en tremblant à l’idée de la réaction de Blackbeard.
Philip ne tint pas compte de son avertissement et serra un peu plus le veston de l’homme, le regard hagard.
« Vous l’avez emmenée, dis-moi où elle est !! »
Teach se crispa et Davies se retourna vers son capitaine, cherchant désespérément comment sauver la vie du missionnaire suicidaire tandis que les hommes, appâtés par l’odeur du sang qui ne tarderait pas à se répandre se rapprochaient d’eux.
« De quoi parle cet imbécile ? Demanda Teach
- De la sirène Capitaine. Il n’a pas mis les bouchons dans ses oreilles ainsi que je le lui avais recommandé et maintenant, voilà. Soupira Davies en désignant Philip dont le front luisait de sueur.
- Je veux la voir, j’ai besoin de la voir. »
Teach observa les réactions de ses hommes, il lut sur leur visage l’envie de sang et sourit.
« Très bien. Je te propose une chose. Bas Davies à l’épée et je te laisse la vie sauve… Si tu te débrouilles bien peut être même que tu pourras la voir. »
Davies hoqueta.
« Qu’on me donne une épée ! Explosa Philip, les mains tremblantes.
- Il ne sait pas se battre… C’est un missionnaire. » Rappela Davies à Teach.
Blackbeard lissa les tresses de sa barbe et eut un sourire cruel.
« C’est bien pour ça que c’est amusant… Allez Davies montre à tout l’équipage que nous ne craignons ni Dieu ni ses envoyés. » Se moqua-t-il.
Davies poussa un petit soupir dépité et tira son épée. Il aimait bien le jeune missionnaire. Il regretterait de devoir le tuer mais personne ne désobéissait au Capitaine Blackbeard. Du moins personne qui voulait rester en vie et entier.
Le second s’élança vers le missionnaire sous les cris excités des marins, chacun y allant de son pari. Philip perdrait-il un doigt ou une oreille en premier ? Les lames s’entrechoquèrent et tous eurent la surprise de voir Philip repousser, maladroitement certes, mais repousser tout de même son attaquant. Toujours aussi tremblant, le jeune homme résistait, frappait à l’aveuglette mais se trouvait contre toute attente redoutable pour parer les attaques du second. Davies, surpris par l’adresse inattendue de son adversaire, redoubla de vitesse et de violence tandis qu’imperceptiblement les paris se modifiaient.
De son côté, Philip se défendait avec l’énergie du désespoir, soutenu par la pensée que s’il réussissait, il pourrait voir sa chanteuse. L’entaille profonde que Davies lui fit dans le bras lui fit reprendre ses esprits, et le jeune homme réalisa soudain que s’il ne gagnait pas il risquait d’y perdre la vie. Et qu’en plus il n’avait même pas recommandé cette dernière à Dieu. Complètement dans le combat cette fois et n’ayant rien de plus à perdre Philip se risqua à attaquer à la grande surprise de Davies qui recula imperceptiblement. Leurs épées se croisèrent avec fracas et la lame de Davies frôla la gorge de Philip laissant une traînée rouge derrière elle.
Immobile, un masque imperturbable sur ses traits, Blackbeard observait les deux hommes tandis que les paris fusaient à présent dans tous les sens. Finalement Philip s’élança en même temps que Davies et le fer des lames des deux combattants glissa l’un contre l’autre. Dans un ultime effort, Philip repoussa l’arme de Davies et poussa un gémissement en sentant sa propre épée lui échapper des mains. L’instant d’après les deux armes retombaient sur le sol. Davies, mu par l’habitude s’élança vers la plus proche mais la botte de Teach s’écrasa brutalement sur cette dernière.
« Je crois que c’est inutile de continuer. » Commenta le pirate.
Philip, haletant, baissa les yeux en comprenant qu’il allait mourir. Il se préparait à recommander son âme à Dieu lorsque Teach s’adressa à lui
« Comment se fait-il qu’un missionnaire sache se battre ? Surtout un homme aussi jeune ?
- Je ne sais pas me battre… Murmura piteusement Philip. J’ai fait que reproduire… les batailles de Hamlet. »
Davies dévisagea le missionnaire tandis que le rire de Teach éclatait.
« Reproduire ??? Et comment peux-tu reproduire ?
- Je… j’étais comédien avant… Répondit Philip. Je jouais toutes les scènes de combat. Ajouta-t-il inutilement.
- Et bien soit heureux de ne pas avoir joué les donzelles en détresse ! Commenta d’une voix forte Teach. Ça vient de te sauver la vie. »
Abasourdi, Philip resta planté sans bouger tandis que Davies poussait un discret soupir de soulagement.
« File… Ordonna-t-il tout bas à Philip. Avant qu’il ne change d’avis … »
Le jeune comédien hocha la tête avec l’impression d’être en plein rêve ou plutôt cauchemar et s’écarta sans demander son reste.
« Un comédien. Répéta Teach d’un ton amusé. Un missionnaire comédien ! Drôle de recrue Davies. »
Le second jugea plus prudent de ne pas rappeler à son capitaine qu’il avait failli perdre un duel contre le dit comédien et se força à rire de bon cœur.
« Trouve lui une occupation. Ordonna Blackbeard. Et met le cap vers l’île, j’ai quelqu’un à voir. » Ajouta-t-il avant d’ouvrir la porte qui retenait toutes attentions de Philip.
Queen Anne’s Revenge, cabine
Ses yeux s’habituèrent instantanément à la pénombre et Blackbeard s’approcha de la forme recroquevillée sur le sol.
« Je t’ai cherchée longtemps. » Déclara-t-il en bourrant une pipe.
Pour toute réponse, la sirène lui lança un long regard haineux, le même que celui que les marins qui avaient eu la malchance de tomber dans ses filets voyaient avant de mourir. Elle leva les mains et traça quelques signes dans l’air avant de se voir immobilisée, les mains de Blackbeard serrant ses poignets
« Je suis immunisé contre ta magie petite… »
La sirène ne répondit pas, elle se contenta de le fixer d’un air furieux et Blackbeard caressa machinalement le sort de protection que le loa lui avait glissé autour du cou.
« Tu vois ? » Se moqua-t-il.
Les yeux brûlants de haine de la sirène suivirent ses mouvements et elle baissa la tête à regret, vaincue.
« Est-ce vrai que Calypso a repris sa place dans l’océan ? » Demanda Teach.
La sirène le fixa sans bouger et Teach traça lentement un sort dans l’air, la faisant gémir.
« Répond. Ne me fais pas perdre de temps, je n’ai aucun plaisir à te torturer maudit poisson.
- Calypso est revenue oui… Répondit la sirène.
- Sais-tu où elle se trouve ? Demanda Teach. Ou sais-tu comment la faire venir ?
- Appel. Répondit la sirène. Si je suis en danger elle viendra. »
Teach ricana d’un air sinistre.
«Tu es déjà en danger … Mais elle n’est pas là.
- Le sort est trop puissant ! Ragea la sirène. Tu bloques mon chant ! »
Teach se contenta d’en rire et la regarda d’un air cruel.
« Crois-moi ce n’est rien comparé à ce que je te réserve si tu n’obéis pas… Comment obtenir de Calypso qu’elle prenne forme humaine ? »
Cette fois la sirène éclata de rire, découvrant des dents acérées.
« Elle ne le fera pas… Elle a passé trop de temps dans cette forme inférieure pour y retourner.
- Sauf si on l’enferme à nouveau. Répondit Teach d’un ton froid.
- Elle tuera son hôte… Siffla la sirène.
- Tout dépend de l’hôte… Répondit Teach, satisfait que la sirène ait confirmé malgré elle la véracité de ce qu’il avait entendu.
- Qu’espérez-vous en me maintenant dans ces chaînes ? Cracha la sirène.
- Pour l’instant rien. Mais si tu coopères… Tu seras libre une fois que tout sera fini. Je te promets même des centaines et des centaines d’âmes. » Lui jeta moqueusement Teach avant de sortir, la laissant écumer de rage.
Queen Anne’s Revenge, cale
Le loa grimaça un sourire trouble en voyant entrer Teach dans son domaine.
« Que t’a-t-elle dit ? Va-t-elle coopérer ou alors…
- Si elle tient à ses écailles elle n’aura pas trop le choix. Trancha Teach. Tu avais raison. Calypso est libre. »
Le loa ne répondit pas.
« La sirène peut l’attirer. Il nous reste la question du corps.
- Qui doit être immortel. Compléta le loa. As-tu mis la main sur la carte ?
- J’ignore même où elle se trouve. » Répondit Teach, dépité.
Le loa le regarda, l’urgence dans les yeux.
« Tu dois la trouver… Sans cela le corps que tu auras choisi pour l’accueillir ne sera jamais assez fort et malgré tous mes sorts de protection toi non plus ! Seule ton union avec elle te permettra de devenir ce à quoi tu aspires.
- Le plus fameux des pirates. Murmura Teach. Le Seigneur des Océans. Celui qui imposera sa loi au lieu de subir la domination inepte de ces maudits membres du Tribunal de la Confrérie. J’abrogerais leur code stupide et je créerais le mien. A moi seul je briserais tous ceux qui me résisteront. »
Le loa hocha la tête en guise d’accord.
« Mais pour cela tu dois trouver la carte. Mes âmes n’ont aucune information à ce sujet. »
Teach le regarda avec un rictus cruel et se concentra pour faire naître une flammèche au bout de ses doigts.
« Le bocor saura. »
Le sorcier hocha la tête.
« Le bocor n’est qu’à demi humain… Sa magie est très puissante.
- Alors tu ferais mieux de nouer tes sorts de protection dès maintenant loa. Dans quelques jours nous y serons. »
Trois jours plus tard
L’abordage avait été sanglant. Les yeux de Philip étaient figés dans l’horreur des tortures infligées aux vaincus, le respect de l’adversaire était une notion inconnue sur le Queen Anne. Les bras ballants, la chemise tâchée du sang de ses adversaires, il ne comprenait toujours pas comment il avait fait pour en rescaper sans blessures, Philip regardait l’horreur continuer sur le pont, comme si cette dernière ne finirait jamais.
Davies, le bras en écharpe, porta un homme à la jambe arrachée à la cale et Philip ne put retenir une nausée. Que faisait donc le loa de tous ces hommes ? Prenait-il ceux du navire également ? Il avait cru le contraire….
A quelques mètres de lui, Teach aboyait ses ordres, un sourire de dément aux lèvres.
« Bouge-toi Phil. Lui glissa Davies. Le Capitaine n’aime pas les hommes qui restent sans rien faire. »
Philip se retourna vers lui et poussa un cri d’horreur et de surprise mêlée en voyant l’homme à la jambe arrachée aux côtés du second. Il se tenait droit comme un i, sa jambe à présent bien en place. Il aurait pu paraître normal si ça n’avait été son teint d’un jaunâtre cireux.
« Sorcellerie… » Murmura Philip qui se retint à grand peine de se signer.
Davies l’entendit et ironisa.
« Depuis le temps je croyais que tu l’avais déjà compris, même si le Capitaine préfère et de très loin appeler ça de la magie vaudou. »
Philip passa une main nerveuse dans ses cheveux bouclés, il ne savait pas si le Queen Anne’s était un navire magique mais il était à coup sûr l’antichambre de l’enfer.
A cet instant, Teach se tourna vers Davies.
« Il faut nourrir le poisson. Va voir si son ragoût est prêt et assure toi de lui faire porter. »
A ces mots, tout le dégoût que Philip éprouvait pour le navire s’envola comme par magie.
« Moi je veux bien le lui porter. » Glissa-t-il à Davies.
L’autre poussa un discret soupir de soulagement, n’ayant pas trop envie de se frotter à la redoutable sirène.
« Prend les clefs. Et va voir Schine, c’est lui qui a préparé son repas avec l’aide du loa. »
Trop heureux pour s’inquiéter de la mention du sorcier, Philip saisit la clef tendue avec enthousiasme et se précipita à la cuisine.
« Je viens chercher ce que vous avez préparé pour la… pour la sirène. » S’entendit-il dire.
Était-ce vraiment lui qui parlait ? Le mot de sirène qui n’était jusqu’alors qu’une vague illustration de livre païen à ses yeux prenait vie dans sa bouche et lui représentait la femme magnifique qui était prisonnière.
Le cuisinier lui tendit un bol fumant sans un mot et Philip retint de justesse une nausée en voyant des morceaux de chair d’origine douteuse flotter dans un bouillon trouble.
« Ce n’est pas cuit… Commenta-t-il platement en voyant un morceau sanguinolent auquel était accroché un lambeau qui ressemblait à s’y méprendre à de la peau.
- Elle les préfère comme ça. » Répondit Schine.
Renonçant à objecter de peur de voir la tâche confiée à un autre moins sourcilleux que lui, Philip fit mine de comprendre et se précipita vers la porte de la cabine qui l’obsédait depuis qu’il avait entendu la mélodie.
Queen Anne’s Revenge , cabine
La porte s’ouvrit avec un grincement sinistre et Philip posa un regard avide dans la semi pénombre, cherchant l’objet de tous ses désirs. Son cœur s’affola. Elle était là… Encore plus belle que dans ses souvenirs, ses longs cheveux bruns ondulaient sur ses épaules jusqu’au creux de ses reins où naissaient des écailles d’un vert brillant. Elle était magnifique.
La sirène tourna vers lui ses yeux d’un bleu irréel et Philip se sentit défaillir.
« Approche. Je crois que tu as quelque chose pour moi… » Déclara-t-elle en tendant des mains pleines de convoitise vers le plat qu’il tenait.
Subjugué, Philip lui tendit l’assiette, trop charmé pour être troublé par l’expression cruelle de la sirène et par le sourire qu’elle lui fit, dévoilant des dents pointues tenant plus de celles du requin que de l’humain. La sirène se précipita sur le contenu, le visage déformé par l’avidité.
A quelques pas, Philip ne pouvait se lasser de l’admirer. Il n’avait jamais rien vu d’aussi séduisant que cette femme qui dévorait son plat dont elle buvait le jus à grands traits avec une moue gourmande. Finalement rassasiée, la sirène s’avisa qu’il se trouvait toujours là. Elle sourit en voyant le regard de convoitise qu’il posait sur elle et son visage se modifia pour reprendre son habituelle expression charmeuse.
« Comment t’appelles-tu ? » Lui demanda-t-elle.
Philip balbutia, hypnotisé par ses grands yeux bleus.
« Phi.. Phil.. Philip. »
La sirène eut un sourire coquet et se pencha vers lui.
« Je te plais Philip ?
- Oui… oui… Beaucoup. » Répondit le jeune homme qui au vu de la bosse de son pantalon aurait pu difficilement prétendre le contraire.
La sirène sourit d’un air carnassier et lui fit signe d’approcher.
« Parle… N’ai pas peur…
- Comment vous appelez vous ? » Demanda Philip, subjugué.
Il devait savoir son nom. Il mourrait si elle refusait de lui dire.
« Syréna…Répondit la sirène.
- Syréna. » Répéta Philip avec béatitude.
La sirène ne s’y trompa pas et eut un petit sourire satisfait qu’elle masqua bien vite.
« Quel dommage que je ne puisse sortir d’ici.
- La mer vous manque… Souffla Philip, le cœur serré devant cette injustice.
- Si j’étais libre je crois que je chanterais pour toi. » Murmura Syréna en glissant sa main le long de la joue fraîche de Philip.
Les yeux du jeune missionnaire s’écarquillèrent. Personne ne l’avait jamais touché comme ça. Ou plutôt, non, il n’avait jamais rien ressentit de pareil. Enfin hormis lorsque dans une autre vie la jolie Natalia l’avait chevauché à la hâte dans la paille d’une écurie, et encore ça n’avait rien de comparable avec ce qu’il éprouvait maintenant.
« S’il vous plait... Chantez pour moi maintenant… » L’implora Philip.
Syréna prit une expression désolée, masquant habilement sa fureur.
« Je ne peux pas, le sort qui me retient prisonnière a tué mon chant…
- NON ! » S’indigna Philip, bouleversé.
Syréna glissa une main avide sur sa chemise.
« Si le sort était brisé je chanterais à nouveau. Je chanterais pour toi Philip et plus encore... »
Impuissant, Philip sentit des larmes lui monter aux cils.
« Je ne sais pas briser le sort, je ne comprends rien à leur sorcellerie… »
Syréna retint un feulement dépité à la pensée que le seul qu’elle avait réussi à ensorceler s’avère aussi inutile puis soupira.
« Alors je ne pourrais jamais chanter pour toi Philip. »
Cette fois un poids oppressa le cœur du jeune homme tandis qu’elle s’écartait de lui.
« Non. Je … je vais trouver un moyen je vous le jure Syréna. »
Cette dernière prit une expression émue et se pencha vers lui.
« C’est vrai ?
- Oui. Je vous le jure… Je dédierais ma vie à vous libérer, quoiqu’il m’en coûte. »
Syréna sourit avec satisfaction.
« Alors reviens me voir Philip, j’ai envie de te connaître. Répondit-elle.
- Oui… » Souffla le jeune homme subjugué, le cœur battant à tout rompre et brûlant de l’embrasser sans oser le faire.
Le grincement de la porte brisa le charme et Davies se profila dans l’entrebâillement, prenant garde à ne pas regarder la sirène.
« Dépêche-toi Phil, sors de là.
- Vas-y. Murmura Syréna à son oreille, satisfaite de sa prise. Et sois prudent. Apprend sans rien dire. Vois et comprends. Jusqu’à ce que tu en saches assez pour que nous puissions être ensemble. »
Philip se leva à regret et Davies eut une petite moue de pitié en voyant l’expression de son visage alors qu’il sortait de la pièce.
« T’aurais dû m’écouter Phil. Vraiment. » Lui glissa-t-il en refermant la porte soigneusement.
Philip ne répondit pas et considéra pour la première fois Davies avec horreur. Il n’était pas différent des autres. Tous mauvais. Parce qu’il fallait l’être pour emprisonner un être comme Syréna.
Queen Anne’s Revenge, pont
Davies posa un regard inquiet sur Philip tandis que le jeune homme avançait, l’air absent. Derrière lui Teach demanda d’un ton moqueur.
« Qu’est-ce qu’il a notre petit comédien ? »
Davies répondit, embarrassé.
« Il a été désigné pour nourrir la sirène. »
Teach ricana tandis que Philip, furieux, se retournait vers Davies.
« Elle a un nom !!! »
Cette fois Blackbeard ne put retenir son amusement
« Un nom ? Et quel est-ce nom ?
- Syréna. Répondit Philip d’un ton rêveur, savourant les sonorités du mot dans sa bouche.
- Que c’est original … Se moqua Teach. Et bien Mr Davies, je crois que nous avons trouvé une utilité à notre petit missionnaire comédien… Il portera ses repas à Syréna. »
Pour un peu Philip en aurait pleuré de gratitude tandis que Davies hochait la tête d’un air navré. Il n’y avait vraiment qu’un missionnaire pour croire une seconde qu’une sirène était une créature aimable.
Quelques jours plus tard, à terre
Teach traversa sans hésitation les brumes qui entouraient la maison du bocor, il ne frissonna même pas en croisant plusieurs poulets mutilés, les uns sans ailes, d’autres sans tête mais se mouvant encore parfaitement et d’autres horreurs qui auraient fait mourir de peur la plupart des hommes.
Le bocor releva la tête à son approche. Sa peau avait la pâleur de ceux qui s’adonnent à la magie et son corps semblait sans âge. Ses mains allaient et venaient au-dessus d’une marmite au contenu douteux tandis qu’à ses côtés, dans une cage, d’autres poulets attendaient d’être marqués du sceau de sa magie.
Teach s’assit sans un mot et le bocor tendit la main. Sans sourciller, le pirate déposa sa macabre offrande dans celle-ci et le bocor commença à parler.
« Ce que tu cherches est précisément en possession de ce que tu veux détruire. »
Blackbeard retint un sourire tandis que le bocor continuait.
« Seulement tu ne réussiras pas sans l’incantation. Et une fois encore c’est-ce que tu veux détruire qui en connaît le secret. »
Teach tiqua et le bocor rit d’un rire lent, venu d’ailleurs.
« Ton loa ne sait pas tout Edward Teach. »
Blackbeard baissa la tête d’un air faussement soumis et le bocor prit l’air satisfait
« Le corps de l’hôte doit être immortel. Tu dois l’être aussi pour t’unir avec elle et l’asservir définitivement. Seulement …
- Seulement ?
- Ta transformation ne peut avoir lieu qu’une fois l’âme versée dans le corps. »
Blackbeard grinça des dents devant le contre temps. Cela signifiait qu’il ne pourrait pas boire l’eau de la Fontaine en même temps que sa proie. Il faudrait donc deux voyages là où il n’en avait prévu qu’un.
« C’est cela… Confirma le bocor. L’hôte devra être affaibli… Son corps doit être préparé. L’union devra être sacrée.
- J’ai déjà treize femmes, une quatorzième ne me fait pas peur.
- Ton loa pourra t’aider. »
Teach grinça des dents, il y avait bien compté…
« Il me manque le nom de celui qui possède la carte. »
Le bocor hésita et posa un regard pénétrant sur lui
« Ils sont deux… Deux à posséder chacun une part de la carte et à connaître aussi l’incantation.
- Qui ?
- Hector Barbossa et Jack Sparrow. »
Blackbeard retint une exclamation de dégoût. De tous les prétendus seigneurs pirates c’étaient les deux qu’il haïssait le plus, les deux qu’il avait prévu de détruire en premier. Les deux qui chassaient sur ses mers caraïbes et osaient même se les attribuer.
« Est-ce tout ? Demanda-t-il au bocor.
- Oui. » Répondit le devin.
Teach sourit froidement et sans que le bocor ait eu le temps de prédire son geste sa main se referma sur son épée. La lame de fer soigneusement placée sur son pommeau lui transperça la chair du bras et fit couler son sang en rigole sur son épée dont il transperça le corps du bocor avant de lui couper la tête promptement. Une fois cela fait, Blackbeard se débarrassa avec hargne de son arme et retira le morceau de fer de son bras.
« Le fer et le sang coupent la magie bocor. Tu aurais dû prédire que je le saurais et que j’en userais sur toi. Je n’aime pas que tout le monde connaisse mes plans. »
Sans accorder un regard à sa victime, Blackbeard reprit le chemin de son navire, l’esprit déjà en ébullition alors qu’il échafaudait un nouveau plan.
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