Chapitre 4 : Une évasion mouvementée


Assis dans un coin de sa cellule, Liam réfléchissait, le cœur lourd de voir sa belle aventure tourner court au bout d’aussi peu de temps passé en mer. Sa conversation avec Barbossa, loin d’avoir répondu à ses questions, en avait créé de nouvelles. A commencer par l’accusation directe de lâcheté envers sa mère. Pourquoi Elizabeth ne s’était-elle pas rendue au Conseil de la Confrérie ? Pourquoi s’était-elle cachée des pirates durant toutes ces années ? Liam avait beau tourner et retourner ces interrogations dans sa tête il ne parvenait pas à trouver une explication au comportement de sa mère.

 

Le jeune homme soupira et réalisa qu’il était loin de tout savoir sur ses parents. Toute sa vie, il avait cru sa mère retirée de la piraterie, menant une vie calme et se cachant des hommes de la Compagnie des Indes et voilà qu’il commençait à comprendre que Will et Elizabeth Turner ne se cachaient pas seulement des autorités mais aussi de leurs anciens compagnons. De même, une réflexion de Barbossa le taraudait depuis leur entrevue. En effet le vieil homme avait paru surpris de la libération de son père et admit ouvertement qu’il avait douté de la capacité d’Elizabeth à libérer ce dernier. Liam fronça les sourcils, perturbé par cette idée. Après tout, de ce qu’il savait de la malédiction du Hollandais Volant, celle-ci ne pouvait être levée que si un amour fidèle et constant attendait le capitaine au terme de ses dix années en mer, raison pour laquelle sa mère avait attendu son père durant toute son enfance. Or Barbossa avait paru douter de cela et donc de la fidélité d’Elizabeth envers son époux ce que Liam ne parvenait pas à s’expliquer. En effet, depuis le retour de son père et même avant ce dernier, il avait toujours considéré le couple formé par ses parents comme un modèle, l’amour qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre forçant son admiration.

 

L’arrivée de Ragetti interrompit son questionnement et il s’approcha des barreaux dans l’espoir d’avoir des informations sur le sort de toute évidence peu enviable que Barbossa lui réservait. Ragetti lui jeta un petit regard navré et lui tendit une assiette remplie d’une matière répugnante qui lui coupa l’appétit. Reposant l’écuelle à terre, Liam apostropha Ragetti.

« Quand pourrais-je voir le capitaine Barbossa ?

- A notre arrivée chez Eli… ta mère. » Se rattrapa rapidement Ragetti, l’air inquiet.

La mine de Liam s’allongea, il redoutait la réaction de Barbossa en découvrant la mort d’Elizabeth et les mensonges qu’il lui avait servis.

«  Il faut que je lui parle. Tenta-t-il. J’ai des informations à lui donner. » Ajouta-t-il pour faire bonne mesure.

Ragetti se balança d’un pied sur l’autre, hésitant visiblement sur la conduite à tenir et Liam lui adressa un sourire lumineux.

« Il sera content d’avoir cette information. » Lui affirma-t-il.

Ragetti hocha la tête et commença à remonter vers le pont et l’air libre tandis que Liam se rejetait dans un coin de sa cellule, persuadé que son subterfuge avait échoué.

 

()()

 

Quelques heures plus tard, la haute silhouette de Barbossa surmontée de son chapeau invraisemblable se découpa dans la lumière blafarde de la cale et le pirate adressa un sourire dépourvu de chaleur à son jeune prisonnier.

« Il parait que tu veux me parler. Que tu as des informations. »

Liam déglutit brièvement et se lança.

« Je sais pourquoi vous voulez voir ma mère, mais elle ne vous accordera rien si je lui raconte comment vous m’avez traité !

- Oh… crois-tu ? Ironisa Barbossa.

- J’en suis sûr. Affirma Liam en se disant qu’effectivement sa mère n’aurait pas aimé voir son fils enchaîné au fond des cales du Pearl comme un vulgaire prisonnier.

- Je croyais que tu avais des informations. S’énerva Barbossa en le fixant.

- Oui et c’est celle-ci. Vous n’obtiendrez rien d’elle si elle apprend les conditions de mon voyage. De même, vous entêter à la traiter de lâche et de traître ne vous aidera pas à la faire se ranger à votre avis et à voter dans votre sens au Conseil. »

 

Barbossa éclata de rire et secoua la tête avec condescendance.

« Parce que tu imagines vraiment que je compte demander son aide ? »

Liam se figea à ces mots et Barbossa éclata d’un rire froid en lisant sa déconfiture.

«  Je vois… Tu n’es pas de taille petit. En vérité ce que je compte faire c’est te monnayer en échange du statut de Seigneur que ta mère possède suite à une regrettable erreur d’appréciation de cet idiot de Sao Feng. »

Liam blêmit et reprit d’une voix déjà moins assurée.

«  Mais pourquoi ? »

Barbossa le regarda et sourit à nouveau, croquant dans une pomme.

« Je veux reprendre la maîtrise de mon destin. Le titre de ta mère me permettra de devenir Roi de la Confrérie et ainsi de pouvoir faire valoir mes droits. »

 

En limitant ceux des autres. Songea Liam sans toutefois oser s’exprimer à voix haute.

« Bien maintenant que nous voilà d’accord… Déclara Barbossa d’une voix froide qui commença à rebrousser chemin.

- Attendez ! Si ma mère, si elle passait durant mon absence… Commença Liam le cœur serré en songeant aux derniers jours d‘Elizabeth. Elle m’a désigné comme successeur, me garder ici serait donc une grossière erreur. »

Barbossa s’immobilisa, il parut réfléchir et se tourna vers Liam.

« Et tu dis que ton père est auprès d’elle. Dans ce cas, il me suffit d’attendre qu’elle meure puis je te tue et je récupère le titre de Seigneur. J’ai toujours préféré les morts aux vivants. Ricana-t-il.

- Mon père saura. Vous serez découvert et je doute que le Gardien du Code apprécie. » Lança Liam qui jouait sa dernière carte.

 

Barbossa réfléchit à nouveau et se tourna vers lui.

« Que veux-tu au juste ? Hormis trouver Sparrow ?

- Sortir de cette cage ! S’exclama Liam avec un enthousiasme qui amena un sourire moqueur sur les lèvres de Barbossa.

- Ça je l’avais compris … Est-ce tout ? »

Liam réfléchit rapidement et hocha la tête, songeant que retrouver l’air de la mer serait déjà un avantage inespéré. Barbossa hésita longtemps, puis, jugeant que le jeune homme ne représentait pas de menace, finit par céder.

« Accordé Monsieur Turner. Se moqua-t-il. Mais à la moindre tentative pour nous fausser compagnie tu retrouveras cette cale et quelques chaînes aux poignets. Suis-je clair ? »

Soulagé, Liam hocha vigoureusement la tête sans que Barbossa ne lui prête la moindre attention.

 

()()

 

Quelques jours plus tard, installé dans une cabine nettement plus confortable que sa cellule dans la cale, Liam sentit avec surprise le navire s’immobiliser. Le cœur affolé à l’idée qu’ils soient déjà arrivés sur l’île où il avait toujours vécu, il se précipita à la fenêtre et poussa un lourd soupir de soulagement en constatant que l’île lui était totalement inconnue. Prenant garde à ne pas faire de bruit, le jeune homme se précipita à la porte dont le verrou était constamment tiré et colla son oreille à la cloison, dans l’espoir de récolter des bribes d’informations sur leur localisation. Au bout d’un moment, un mot frappa son oreille et Liam sourit en reconnaissant le nom de Tortuga. S’ils débarquaient à Tortuga, il y avait fort à parier qu’ils y resteraient pour la nuit ce qui lui donnerait ainsi sa meilleure et peut être unique chance d’évasion. Aux aguets, Liam entendit Barbossa ordonner à Ragetti et à un autre de ses hommes nommé Murtogg de surveiller le prisonnier. Présumant que c’était de lui dont il était question, Liam garda l’oreille collée à la porte et entendit le pas traînant des deux hommes alors qu’ils prenaient place devant sa cabine.

 

Une fois rassuré sur leurs intentions, il avait craint un moment que les deux pirates décident de lui tenir compagnie, Liam fouilla la pièce du regard et finit par défaire son lit dont il déchira sans regret les draps qui avaient connus des jours meilleurs. S’efforçant de pouvoir dissimuler au plus vite ce qu’il faisait en cas de besoin, Liam commença à attacher les divers morceaux des draps ensembles, mettant à profit les conseils que lui avait prodigués Arvil sur les nœuds de marins.

 

Bercé par les voix de Ragetti et Murtogg dont la salive et la bêtise semblaient sans limites, Liam attendit patiemment que la journée décline, songeant que son plan avait plus de chances de réussir à la faveur de la nuit. Lorsqu’il jugea les ténèbres suffisamment épaisses, Liam s’approcha de la fenêtre de sa cabine et la brisa rapidement, le cœur battant à l’idée que les deux bavards ne l’entendent. La vitre explosa dans un vacarme qui parut assourdissant à Liam et le jeune homme s’immobilisa, le cœur battant à l’idée que ses gardiens ne décident d’entrer. A pas de loup, il se rua sur la porte et colla son oreille à la cloison.

« T’as pas entendu quelque chose ? Demanda Murtogg.

- Bah rien de plus que ce qu’on entend d’habitude à Tortuga. Répondit Ragetti d’un air supérieur.

- Quel dommage qu’on soit coincés ici à garder le gamin. Soupira Murtogg .

- Bah le capitaine il nous en veut. » Pleurnicha Ragetti.

 

Rassuré sur les intentions de ses gardes et se félicitant de leur bêtise, Liam avança lentement vers la fenêtre brisée et s’empressa d’attacher solidement le drap reconverti au montant de son lit avant de commencer à descendre lentement le long de sa corde improvisée. Progressant à tâtons, le cœur battant d’être découvert, les pieds de Liam finirent par ne rencontrer que le vide et le jeune homme plissa les yeux, essayant de deviner s’il était loin ou non de la surface de l’eau. Suspendu dans les ténèbres, Liam hésitait à sauter, craignant ce qu’il allait rencontrer en dessous lorsque, plusieurs mètres plus haut, il entendit la voix furieuse de Barbossa résonner. Mort de peur à l’idée de ce qui lui arriverait s’il était repris, Liam lâcha le drap sans hésiter et retint son souffle alors que son corps s’enfonçait dans l’eau sombre des Caraïbes.

 

Liam émergea brièvement pour reprendre sa respiration, son cœur battait la chamade alors que, plus haut, Barbossa hurlait des ordres qui lui firent froid dans le dos.

«  Rattrapez ce petit bâtard, ce rat, ce lâche !! Et ramenez le moi !! Peu importe dans quel état pourvu qu’il respire encore !!! »

Liam frissonna et plongea dans les eaux sombres, il s’efforça au maximum de nager sous l’eau et adressa une prière muette pour se diriger vers la terre et non s’en éloigner.

 

Quelques longues minutes plus tard, sa tête heurta un poteau et Liam gémit, avalant par la même occasion une pleine gorgée d’eau salée qui lui remit en mémoire les rares récits de son père sur les naïfs qui trouvaient la mort en mer. Toussant et crachant, il se força à refaire surface mais ses yeux ne réussissaient pas à discerner où il se trouvait. Un juron tout près de lui le fit sursauter et Liam, surpris, sentit une main forte sur sa tête tandis qu’il se retrouvait sous l’eau à nouveau. A demi noyé, il se débattit avec rage et chercha à retrouver la surface tandis que l’autre maintenait sa poigne, le ramenant contre lui de son bras libre. Au moment où Liam sentait ses dernières forces l’abandonner il fut tiré vers la surface et sa bouche s’ouvrit pour respirer l’air frais à pleins poumons.

 

La respiration de Liam finit par reprendre son cours normal et le jeune homme s’inquiéta alors du bras ferme qui était toujours autour de sa taille.

« Lâchez-moi ! » S’écria-t-il en se débattant, songeant que l’autre était bien capable de le noyer.

Une voix chaude à l’accent traînant siffla à son oreille en réponse.

« Tais-toi ! Tu vas nous faire repérer imbécile. »

Liam s’immobilisa alors qu’au-dessus de lui, un bruit de pas pressés résonnait. Un instant après il entendit la voix furieuse de Barbossa.

« Alors vous l’avez trouvé ?

- Non … bredouilla celle de Marty.

- Et bien cherchez mieux que ça et trouvez le !!! Pour les autres vous restez sur le Pearl et armés ! Tuez tous ceux qui s’approcheront ! »

 

Liam frissonna tandis qu’un sifflement agacé lui vrillait les oreilles.

« Il n’est certainement pas loin !!

- Mais on a cherché partout Capitaine et dans le noir c’est dur. Surtout quand on y voit que d’un œil. Pleurnicha Ragetti.

- Si tu avais fait correctement ton travail on en serait pas là !!! » Rétorqua Barbossa dont la voix fut rapidement suivie par le bruit d’une chute sur les planches au-dessus de Liam et de son compagnon involontaire.

 

Un bruit de coups résonna et Liam frissonna, présumant à juste titre que Barbossa venait de frapper le malheureux Ragetti.

« Va le chercher et ramène le !!! J’en ai besoin ! Cria Barbossa. Cherchez sous l’eau aussi !!

- Mais on y voit rien sous l’eau. Pleurnicha à nouveau Ragetti.

- Pas besoin de voir pour trouver un corps ! Hurla Barbossa. Regarde. »

A cet instant, Liam sentit l’autre le tirer brutalement vers les profondeurs tandis que la pointe de la lame de Barbossa effleurait le haut de son crâne.

 

Une minute après, il refaisait surface, tremblant à la pensée que si son compagnon n’était pas intervenu, il se serait retrouvé embroché sans autre forme de procès.

«  … Simple non. Terminait la voix de Barbossa au-dessus de lui.

- Oui. Approuva mollement Ragetti tandis qu’à l’effroi de Liam une nouvelle lame le frôlait pendant que l’inconnu le tirait en arrière.

- Va falloir fuir… Susurra une voix à son oreille. Suis-moi si tu peux et évite de faire du bruit. »

 

Liam hocha vigoureusement la tête, éperdu de reconnaissance, tandis qu’au-dessus d’eux, le ballet des bottes recommençait, la lueur de lanternes faisant autant de points lumineux qui permirent à Liam de deviner qu’il se trouvait sous un ponton.

« Allez !! Prenez des chaloupes et fouillez ces eaux et cette île jusqu’à ce que vous l’ayez trouvé ou je vous ferais passer le goût de la désobéissance ! » Hurla Barbossa.

Tremblant de peur et de froid, Liam sentit le corps de son sauveur se détacher du sien et se retourna maladroitement, juste à temps pour voir l’autre plonger silencieusement. Sans hésiter, Liam prit sa respiration à son tour, et plongea sa tête sous l’eau, il tendit sa main pour attraper le bas du pantalon de l’homme qui se dégagea d’un coup de botte. Le cœur battant, Liam le lâcha et s’efforça de deviner la direction vers laquelle l’autre l’emmenait.

 

Au bout d’un moment, exténué, Liam refit surface, il se tourna en tous sens pour apercevoir son sauveur et constata avec angoisse que les lumières de Tortuga semblaient plus lointaines qu’auparavant.

 

Quelques mètres devant lui, l’homme refit surface à son tour, il reprit brièvement sa respiration avant de plonger à nouveau et Liam s’empressa de le suivre, angoissé à l’idée de le perdre. Finalement, au bout de minutes qui parurent des heures à Liam, sa tête rencontra durement la terre ferme et il rampa sur la berge, le cœur prêt à exploser sous l’effort. Une fois qu’il eut repris son souffle, il regarda autour de lui et discerna la silhouette d’un homme devant lui. Probablement son sauveur inespéré.

« Merci… Bredouilla-t-il.

- Nous ne sommes pas encore sauvés. » Répondit l’autre d’un ton lugubre en se précipitant vers un trou que Liam n’aurait pas réussi à voir s’il avait été seul.

Sans hésiter, le jeune homme se précipita à sa suite, provoquant un grognement mécontent chez son sauveur dont il venait d’écraser le pied.

 

Il s’apprêtait à s’excuser lorsqu’une main se plaqua sur sa bouche et l’empêcha de parler. Liam s’immobilisa, manquant de se trouver mal sous l’effet de la chaleur et de l’air raréfié de la cache qui semblait alourdi par le rhum. Liam se força à rester éveillé, les sens aiguisés par la peur alors que des torches se déversaient sur la plage.

« Il est pas là Capitaine !

- Impossible !! Cracha Barbossa. Il est seul et inexpérimenté, il ne peut pas nous échapper !!!

- Il s’est peut être noyé. Intervint Murtogg.

- Imbécile !!! Et comment vais-je négocier avec la catin qui lui sert de mère maintenant !! » Hurla Barbossa tandis que Liam se lançait en avant, prêt à en découdre avec celui qui insultait ainsi sa mère.

 

Son mouvement fut étouffé par le bras de l’homme qui se referma autour de sa taille et le maintint fermement en place.

« Bouge pas. » Siffla-t-il.

Sur la plage, les torches continuèrent leur ballet et passèrent plusieurs fois près du trou où ils s’étaient réfugiés sans toutefois jamais les apercevoir. Finalement au bout d’un long moment, la lumière décrut et Liam laissa échapper un soupir de soulagement. Il avait réussi. Il avait faussé compagnie à Barbossa et à ses hommes.

 

 


Chapitre 3                                                                                                         Chapitre 5


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